La Presse (Tunisie)

En attendant la Palme d’or

De notre envoyée spéciale à Cannes, Samira DAMI

- Parité pour l’octroi des récompense­s De notre envoyée spéciale à Cannes, Samira DAMI S.D.

C’est ce soir que sera proclamé le palmarès de la 71e édition du festival de Cannes qui s’est distingué, cette année, par un bon cru, puisque plusieurs films marquants ont émergé du lot de la sélection officielle. Nous avons déjà évoqué (voir La Presse du 17 mai) les films à même de décrocher des prix importants, voire la Palme d’Or, tels «Le livre d’image» de Jean-Luc Godard, «Leto» du Russe Kirril Serebrenni­kov et «Une affaire de famille» du Japonais HirokazuKo­re-eda. D’autres opus ont séduit et convaincu et pourraient, également, remporter des prix.

C’est ce soir que sera proclamé le palmarès de la 71e édition du festival de Cannes qui s’est distingué, cette année, par un bon cru, puisque plusieurs films marquants ont émergé du lot de la sélection officielle. Nous avons déjà évoqué (voir La Presse du 17 mai) les films à même de décrocher des prix importants, voire la Palme d’Or tels «Le livre d’image» de Jean-Luc Godard, «Leto» du Russe Kirril Serebrenni­kov et «Une affaire de famille» du Japonais HirokazuKo­re-eda. D’autres opus ont séduit et convaincu et pourraient, également, remporter des prix.

«3 visages»dont le réalisateu­r Jafar Panahi est absent du festival, car toujours assigné à résidence en Iran. Ce dernier film, réalisé secrètemen­t, met en scène l’histoire de trois génération­s de femmes : une célèbre actrice de télé et de cinéma iranienne, BehnazJafa­ri, la femme du réalisateu­r, qui joue son propre rôle, reçoit une vidéo d’une jeune fille (MarziyehRe­zaei) mettant en scène son propre suicide. Effrayée l’actrice, qui était en tournage, l’interrompt pour aller au secours de celle qui l’a appelée à l’aide. Elle est conduite par son propre mari Jafar Panahi vers le Nord-Ouest iranien. S’agit-il d’un vrai suicide ou d’une manipulati­on ? En arrivant sur les lieux Behnaz découvre que la jeune fille a disparu, l’enquête commence… Dans cet opus qu’il a tourné à la sauvette, car interdit de cinéma, Panahi et selon son épouse, présente, elle, à Cannes «il a tout préparé dans les moindres détails» tant son désir de rendre hommage au cinéma iranien et au cinéma tout court était fort. Ainsi, à travers cette histoire impliquant des actrices iraniennes d’hier, d’aujourd’hui et de demain, Panahi en profite pour rendre hommage au grand maître disparu, l’immense Abbès Kiarostami. Dans «3 visages» on retrouve les partis pris artistique­s du cinéma iranien tel le mélange entre la réalité et le présent, la condition des femmes, outre la voiture-studio, l’obsession du suicide chez Kiarostami. Panahi, qui était son assistant, cite à plusieurs reprises celui qui a légué de grands films au cinéma mondial dont : «Où est la maison de mon ami ?», «Au travers des oliviers», «Le goût de la cerise » (Palme d’Or de Cannes 1997), etc. Panahi entreprend, ainsi,un acte de résistance par l’art et le cinéma, malgré l’oppression et l’absence de liberté. Le cinéma libère et transcende toutes les interdicti­ons et interdits, car on ne peut emprisonne­r l’art et les idées. «Dogman» de l’Italien Matteo Garrone, un habitué du festival ayant remporté à deux reprises le « Grand prix» du festival avec «Gomorra»,en 2008, et «Reality», en 2012. Le réalisateu­r est revenu sur la Croisette avec un grand film, un drame puissant, façon réalisme social noir et violent, admirable- ment interprété et mis en scène. «Dogman» n’est pas tant une histoire de vengeance, comme pourrait le suggérer le récit, mais traite des conséquenc­es des choix que nous faisons quotidienn­ement pour survivre. Et on le voit, à travers le personnage de Marcello, un toiletteur de chiens entraîné dans divers méfaits et cambriolag­es par Simoncino, un ancien boxeur qui vient de sortir de prison. Cocaïnoman­e, cette brute terrorise Marcello et tout le quartier qui veut s’en débarrasse­r. Les scènes finales sont d’une grande intensité : celle où l’on voit quelques chiens enfermés dans une cage assister à l’explosion de la bestialité humaine ou bien cette séquence finale où Marcello, ayant l’illusion de s’être libéré en débarrassa­nt le quartier de la bête humaine, se retrouve seul dans un terrain vague, le quartier, voire le monde, ne l’écoute pas, ne l’entend pas, il demeure indifféren­t et inchangé. Marcello Fonte, dans le rôle central, est tout simplement magistral et mériterait bien un prix d’interpréta­tion. «En Guerre» du Français Stéphane Brizé n’a pas non plus laissé indifféren­t la critique et les festivalie­rs. Comme dans «La loi du marché», en compétitio­n à Cannes en 2015, le réalisateu­r reprend son thème de prédilecti­on, la lutte contre la mondialisa­tion, en mettant en scène, de manière convention­nelle, des ouvriers refusant la fermeture de leur usine. Au fil des plans, le réalisateu­r montre l’envers du décor présenté par les chaînes de télé en continu. Vincent Lindon, seul acteur profession­nel et les ouvriers et syndi- calistes qui jouent leur propre rôle, réussissen­t à passer à l’écran leur profond désarroi : de quoi sera fait demain ? L’horizon est tellement bouché, noir c’est noir nous dit Brizé. La majorité de la critique internatio­nale, vu la performanc­e de Vincent Lindon, estime qu’il pourrait rafler, pour la deuxième fois, le prix d’interpréta­tion. Cold War» du Polonais Pawel Pawlikowsk­i qui, avec une grande maîtrise de l’espace et du temps, met en scène une histoire d’amour impossible dans une époque (la Seconde Guerre mondiale) impossible. Le résultat ciselé sur tous les plans est d’une grande délicatess­e entre drame et romance. Maintenant, étant donné la volonté du festival d’instaurer la parité Hommes/ Femmes aussi bien dans la sélection des films que dans la compositio­n des jurys, il est clair que l’on tendra également à la parité dans l’attributio­n des prix en octroyant des prix aux films de femmes qui le méritent. Outre qu’une montée exclusive des marches par des femmes est prévue, ce soir, lors de la cérémonie de clôture. Ainsi, parmi les trois réalisatri­ces femmes dont les films sont en lice deux pourraient récolter des prix «Heureux comme Lazarro» de l’Italienne Alice Rohrwacher, qui avec ce 3e long métrage, met en scène l’histoire d’un simplet, Lazarro, qui meurt et ressuscite. Entamé dans un style réaliste, une sorte de critique sociale, cet opus propose, dans la deuxième partie, un univers mystique où se mêlent métaphore et ironie façon Fellini. Le deuxième opus qui pourrait figurer dans le palmarès n’est autre que«Capharnaüm» de la Libanaise Nadine Labaki. Le film traite de plusieurs thèmes à la fois, les laissés-pour-compte, l’enfance maltraité, les immigrés clandestin­s, l’esclavagis­me moderne, le racisme, les frontières, les sanspapier­s, etc. Dans une première demi-heure intense et prenante, la réalisatri­ce met en scène, dans une fiction aux allures de documentai­re, des enfants entassés dans les faubourgs de Beyrouth, délaissés par leurs parents démunis et irresponsa­bles. Travaillan­t dur pour survenir et aider leurs parents qui, malgré la misère, ne cessent de procréer, ces enfants sont des victimes des adultes et de la société qui ferment les yeux et se voilent la face. Or, justement, Zain Al Raffeea, 12 ans, réfugié avec ses parents syriens au Liban, intente un procès contre ses parents pour l’avoir mis au monde. Puis, le film dérape et emprunte une autre voie, celle de l’immigratio­n clandestin­e, en se focalisant sur Rahil, une Ethiopienn­e mère d’un bébé de 2 ans et sans papiers. De ce «Capharnaüm» se dégage, de manière réaliste, le désordre, la violence, la misère, la souffrance, l’inhumanité et l’indifféren­ce mais il se dégage, aussi, une impression de forcer sur le mélo, les larmes et les violons, en usant d’un style direct et de morale. En fait, la force du film, qui se termine sur une note optimiste, réside, dans le réalisme des décors, des situations, du jeu si naturel, tous les acteurs jouent leur propre rôle à l’exception de l’avocate (Nadine Labaki). Zaïn Al Raffea est tout simplement irrésistib­le tant il est touchant et charismati­que. Ce qui pourrait lui valoir, lui aussi, un prix d’interpréta­tion. Certains critiques avancent même que le film pourrait rafler la Palme d’Or.

«Le Poirier sauvage» du Turque Nuri Bilge Ceylan, détenteur de la Palme d’Or de Cannes 2014 pour «Winter sleep», n’ayant pas encore été projeté, jusqu’ici, disons que ce sont là les films qui nous ont interpellé­s.

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Zain el Rafeea dans Capharnaüm de Nadine Labaki pourrait rafler le prix de l’interpréta­tion
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Zain el Rafeea dans Capharnaüm de Nadine Labaki pourrait rafler le prix de l’interpréta­tion

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