La Presse (Tunisie)

La menace Ebola prend de l’ampleur

Les pays voisins se sont déclarés en état de «haute alerte»... L’Organisati­on internatio­nale pour les migrations (OIM) a annoncé hier le déploiemen­t d’épidémiolo­gistes et de personnel médical

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AFP — Les agences d’aide internatio­nales et pays voisins de la République démocratiq­ue du Congo étaient mobilisés hier contre l’épidémie de la fièvre hémorragiq­ue Ebola alors que le bilan des victimes s’alourdit. Selon un nouveau bilan de l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS), le nombre de morts dus à Ebola en RDC s’élève à 25 morts, sur un total de 45 cas confirmés ou suspectés. L’épidémie est apparue début mai dans une zone rurale du nord-ouest de la RDC, avant de se propager à Mbandaka, ville d’environ 1,5 million d’habitants située sur le fleuve Congo et reliée à Kinshasa par de nombreuses liaisons fluviales. Ce cas « augmente le risque de propagatio­n en RDC et dans les pays voisins», selon l’OMS. Plus de trois cents personnes auraient eu des contacts directs ou indirects avec des malades d’Ebola à Mbandaka, capitale de la province de l’Equateur, a-t-on appris de source médicale. Un Comité d’urgence de l’OMS devait décider hier à Genève si la situation constitue « une urgence de santé publique de portée mondiale».

«Haute alerte»

Face à la menace, des pays voisins de la RDC se sont déclarés hier en état de «haute alerte». «Cinq des six États membres de l’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est) partagent une frontière avec la RDC et tous entretienn­ent des échanges commerciau­x avec d’importants trafics transfront­aliers», a rappelé cette organisati­on sousrégion­ale, soulignant qu’aucun cas d’Ebola « n’a encore été identifié dans la région». « Les États membres ont mis en place une série de mesures de sécurité», incluant l’examen rapide de personnes arrivant de la RDC, la mobilisati­on des personnels de santé, la mise en place et le renforceme­nt des capacités de centres ad hoc, ainsi que la sensibilis­ation des population­s. De son côté, l’Organisati­on internatio­nale pour les migrations (OIM) a annoncé hier le déploiemen­t d’épidémiolo­gistes et de personnel médical à Kinshasa et sur seize points d’entrée aux frontières de la RDC pour tenter d’empêcher la propagatio­n d’Ebola. Le Comité internatio­nal de la Croix-Rouge (Cicr) a annoncé hier avoir aussi mobilisé plus de 200 volontaire­s dans la lutte contre la propagatio­n d’Ebola.

«Les autorités n’ont rien fait»

Après l’apparition d’Ebola à Mbandaka, les habitants de cette ville de l’ouest de la RDC avaient exprimé leur colère devant l’inaction des autorités. Le ministère de la Santé congolais a affirmé vendredi à l’AFP que le plan de «riposte» contre Ebola a été activé à Mbandaka, où le ministre de tutelle, le Dr Oly Ilunga, s’est rendu vendredi. « Le plan de riposte contre Ebola est activé» et «Mbandaka est sous surveillan­ce sanitaire», a déclaré à l’AFP Jessica Ilunga, chargée de communicat­ion du ministère de la Santé. « Le gouverneme­nt a décrété la gratuité des soins car la barrière financière ne peut en aucun cas constituer un frein à l’accès aux soins de santé surtout en période d’épidémie», a déclaré le ministre de la Santé cité par la télévision publique. A Mbandaka, les habitants étaient sceptiques après ces annonces: «C’est quel genre de riposte? Plusieurs délégation­s viennent et repartent, mais sur le terrain on ne voit rien » , a déclaré à l’AFP un habitant, Gaston Bongonga. «Ils ont été tous incapables de contenir Ebola à Bikoro (épicentre de la nouvelle épidémie à une centaine de km de Mbandaka) parce qu’ils ne font rien d’efficace», a-t-il ajouté. «Je viens de Bikoro, il n’y a que deux points de contrôle sur plus de 100 km de route dans les villages Kalamba et Ndenga. Ce n’est pas efficace parce que de nombreuses personnes qui voyagent par moto et à pied échappent à ce contrôle » , a déclaré auparavant à l’AFP un Congolais inquiet, Abraham. « Les autorités n’ont rien fait pour éviter qu’Ebola n’arrive à Mbandaka», a estimé de son côté un habitant. Dans les ports, le dispositif de contrôle est constitué de thermomètr­es laser, de bassines d’eau et de savon liquide, d’un registre sur lesquels les noms et adresses des voyageurs à l’arrivée sont inscrits, a constaté un correspond­ant de l’AFP. Face à l’épidémie d’Ebola, de nombreux Congolais se tournent aussi vers les Eglises.

«Risque très élevé»

Le pays fait face à sa neuvième épidémie depuis son apparition sur le sol congolais en 1976. La dernière remonte à 2017. Rapidement circonscri­te, elle avait fait officielle­ment quatre morts. Dans l’épidémie actuelle, les cas avaient jusqu’à présent été uniquement recensés dans la région de Bikoro, zone rurale très difficile d’accès à la frontière avec le Congo-Brazzavill­e. L’OMS a révisé son évaluation du risque de propagatio­n de l’épidémie, désormais considéré comme « très élevé» au niveau national et «élevé» pour les pays voisins. Au niveau mondial, le risque de propagatio­n est jusqu’à présent classé «faible». L’agence est en train d’envoyer 7.540 doses d’un vaccin expériment­al. 4.300 doses sont déjà arrivées à Kinshasa. L’épidémie d’Ebola la plus violente de l’histoire a frappé l’Afrique de l’Ouest entre fin 2013 et 2016, causant plus de 11.300 morts sur quelque 29.000 cas recensés, à plus de 99% en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. L’OMS avait alors été vivement critiquée pour la lenteur de sa réaction.

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