Tout est authentique, tout est si raffiné !
«C’est pour donner une visibilité aux efforts déployés par les artisans et artisanes que nous faisons ce travail. On fournit la matière première, on leur recommande de ne pas trop s’éloigner des modèles traditionnels».
L’association Aafcar a organisé dernièrement une exposition-vente. Un événement tenu deux fois par an, attendu et couru. Vendredi 11 mai, à 17h00, une heure avant le vernissage, la galerie était déjà envahie par les visiteuses. Cette association qui oeuvre pour l’aide au financement et à la commercialisation de l’artisanat rural mène depuis 2011, année de sa création, des actions en vue d’encourager les artisanes rurales. Des opérations dont le succès est prouvé ; tout ce qui s’expose, s’écoule. Les bénéfices sont réinvestis dans le prochain événement. Le fonctionnement est maintenant rodé mais reste assez modeste. Avec les moyens du bord, Hella Annabi et Catherine Goby cherchent des artisanes à travers le pays, les orientent un peu, en préservant leur savoir-faire initial. Ainsi, des plateaux en bois réalisés par un artisan d’Aïn Draham, les deux femmes en ont fait de jolies tables d’appoint.
Produits phares en déperdition
Depuis 2011, le tandem sillonne le pays à la recherche d’une pièce rare ou d’une oeuvre tissée en fil d’alpha, proposée en céramique ou en bois d’un ou d’une artiste qui s’ignore. Une fois les pièces repérées, Mmes Annabi et Goby choisissent de les garder telles quelles ou demander à leurs créateurs de les modifier. A travers une salle de séjour et une véranda converties en galerie pour les besoins de la cause, des pots de Sejnane côtoient des poufs de Sbeïtla et des ronds de Gabès, des nattes de Nabeul regardent les tuniques en lin de Tunis. Le tout dans un ensemble cohérent marqué par le sceau d’Aafcar qui relie authenticité, recherche et goût. Cette année, outre les zones rurales, les villes de Nabeul et Kairouan sont à l’honneur. Et pour cause, certains de leurs produits phares sont en déperdition. Ainsi, des nattes traditionnelles, trouvées dans les archives de l’artisanat tunisien des années 50, ont été reproduites à l’identique avec leurs dessins originaux. D’autres nattes de Sbeïtla, dont les motifs n’existant nulle part ailleurs, sont également exposées au prix de 250 dt. Sur une table est dressé un service en céramique vert et bleu, signe avant-coureur de l’été. A côté, sont alignées des carafes en verre et cuivre martelé à 140 dt, la pièce. L’exposition dégageait une âme profondément tunisienne, célébrant les régions, chacune représentée par son produit phare. Un bémol, les prix affichés sont quelque part prohibitifs. La défunte Nazli Hafsia était la première présidente de l’association. Depuis deux ans, c’est Habiba Ben Salem qui a pris la relève. Elle décrit les grandes lignes de la démarche adoptée : « C’est pour donner une visibilité au travail des artisans et artisanes que nous faisons ce travail. On fournit la matière première, on leur recommande de ne pas trop s’éloigner des modèles traditionnels, tout en essayant d’ajouter une touche de modernité et de fonctionnalité ». Autre objectif de ces opérations d’aller-retour entre authentique et moderne, s’évertuer à encourager les jeunes filles intéressées à en faire leur métier, ajoute encore la présidente. L’association les aide à s’installer d’abord, à écouler leurs produits ensuite. Le tour de force de l’association Aafcar et de ses femmes pleines d’idées, appelons- les « afkariennes», est d’avoir réussi à ressusciter l’artisanat et les produits du terroir, à les moderniser ou les laisser en l’état, sans qu’aucun objet, vêtement, le moindre dessin ne soit kitch ou vulgaire. Tout est authentique, mais tout est si raffiné. A saluer donc !