Logique de paix ?
Les deux pays sont à couteaux tirés depuis la guerre qui les a opposés de 1998 à 2000 et qui a fait 80.000 morts… Une page se tourne ?
AFP — La décision surprise de l’Ethiopie d’appliquer un accord de paix signé en 2000 avec l’Erythrée voisine a ravivé les espoirs de paix entre ces deux ennemis jurés aux destinées modelées depuis plus de 20 ans par le conflit les opposant, estiment les observateurs. «C’est un premier pas très important», souligne Dan Connell, chercheur de l’université de Boston spécialiste de l’Erythrée, au sujet de l’annonce mardi de la coalition au pouvoir qui a également promis d’appliquer la décision d’une commission de l’ONU sur le conflit rendue en 2002. Mais, soulignent les analystes, l’éventuelle rétrocession par l’Ethiopie de la ville frontalière de Badme ne résoudra pas à elle seule le différend entre les deux pays, à couteaux tirés depuis la guerre qui les a opposés de 1998 à 2000 (80.000 morts). «Il faut accueillir l’annonce avec une certaine prudence», estime Rashid Abdi, spécialiste de la Corne de l’Afrique pour l’International Crisis Group (ICG), soulignant qu’Asmara n’a pas encore réagi à l’annonce éthiopienne. Rien n’indique par ailleurs que les troupes éthiopiennes ont déjà quitté Badme, souligne-t-il, estimant qu’une réconciliation pourrait changer en profondeur l’économie et les politiques des deux pays. Il rappelle à cet égard que le président érythréen Issaias Afeworki, au pouvoir depuis 1993, justifie un régime parmi les plus répressifs au monde (emprisonnement de dissidents, conscriptions obligatoires) par la nécessité de se défendre contre l’Ethiopie. L’Erythrée était par le passé la façade maritime de l’Ethiopie, mais elle a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme d’une guerre de trois décennies.
Ouverture
L’autoritarisme du régime Afeworki a isolé l’Erythrée sur la scène diplomatique, et provoqué un exode massif de ses citoyens qui ont préféré les dangereuses routes migratoires vers l’Europe à la vie dans leur pays. L’annonce éthiopienne «envoie la balle dans le camp de l’Erythrée, et met de fait la pression sur l’Erythrée», assure M. Abdi, selon lequel le régime érythréen pourrait être remis en cause. «Ils ont évolué vers un système de gouvernance qui repose presque entièrement sur une question d’urgence nationale», renchérit Dan Connell.