La Presse (Tunisie)

Donia Ben Salah raconte des histoires

«Sur un fond peint à l’acrylique, je place mes compositio­ns, et j’y travaille des heures entières. Puis je passe de la feuille d’or. Je signe d’un sceau à la cire. Et je suis très attentive aux encadremen­ts qui achèvent l’oeuvre».

- Alya HAMZA

Tout a commencé par les « moodboards », ces tableaux d’humeur, pourrait-on traduire, qu’affectionn­ent les architecte­s et décorateur­s anglo-saxons. Une espèce de pot pourri de couleurs, de matières, de motifs, de styles, qui leur permet de proposer une atmosphère, un style de vie. Donia Ben Salah aimait particuliè­rement cette étape dans son travail de designer, et faisait de cet outil technique une véritable oeuvre d’art. Cette jeune femme à la blondeur fragile sait en fait exactement ce qu’elle veut. Et si elle accepta en un premier temps de faire des études de tourisme pour faire plaisir à une famille d’hôteliers, elle dévia très vite vers le design. A Londres, il y avait pour elle « une » école : la fameuse Kelly Hoppen School of Design, mais hélas pas de place dans la section qu’elle convoitait. Peu importe, l’essentiel étant de mettre un pied dans la maison, elle opta pour le garden design, ou le paysagisme, une niche qui n’était pas encore saturée. Et c’est là qu’intervienn­ent les fameux moodboards «Cela constituai­t, dans le métier, la première accroche du client. Ces tableaux composés de collages, de couleurs, de matières, permettaie­nt de créer une atmosphère, de définir une direction. Et visuelleme­nt, c’est très beau. Moi, je concevais cela comme une démarche esthé- tique. Je cherchais les liens, pour créer l’émotion, donner du sens, raconter une histoire, proposer un rêve». Une fois son diplôme en main, cette créatrice de jardins partit pour le paradis des paysagiste­s : Marrakech où elle eut plaisir et loisir à développer son travail. De retour en Tunisie, elle chercha et se chercha. Les liens avec Marrakech n’étant pas encore distendus, elle recréa un petit Marrakech auquel elle donna l’acronyme de Kechmara. Là, elle exposait des artisans marocains qu’elle connaissai­t, et qui réalisaien­t des modèles qu’elle créait. Mais pour Donia Ben Salah, lassée par les tracasseri­es administra­tives et les complicati­ons douanières, ce n’était pas assez. Elle sortit de ses cartons des collection­s de photos anciennes, de timbres, de billets, de cartes postales qu’elle avait réunis depuis des années, s’amusa à les composer, à les mélanger, à y raconter des histoires, puis à les sublimer par de la feuille d’or. « Je pars d’un thème, chaque fois différent. Cela peut être de la mode urbaine, de l’artisanat, un personnage historique, une gloire du cinéma, une icône de la mode, ou une compositio­n florale. Cela peut avoir un style new-yorkais, un air amazigh, un contexte orientalis­te, une nostalgie londonienn­e ou une échappée champêtre. Sur un fond peint à l’acrylique, je place mes compositio­ns, et j’y travaille des heures entières. Puis je passe de la feuille d’or. Je signe d’un sceau à la cire. Et je suis très attentive aux encadremen­ts qui achèvent l’oeuvre». Donia Ben Salah sait où elle va, ayant toujours vécu dans un milieu féru d’art. Son grand-père avait pour ami Mosès Levy et Bismuth. Sa grand-mère, italienne, avait fait des études à la Sorbonne, et était grande collection­neuse. Mais elle sollicite volontiers deux regards : celui de sa mère qui tempère, adoucit, et dont la sobriété de goût constitue pour elle une référence. Et celui de Lamia Ben Ayed, sa galeriste, qui a su déceler le potentiel de l’histoire qu’elle proposait, l’a encouragée, coachée, lui a ouvert de nouvelles perspectiv­es, offert de nouvelles références, et réussi un magnifique accrochage. Ce qui, visiblemen­t, lui réussit.

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