L’instance, une simple chambre d’enregistrement ?
PROJET DE LOI RELATIF À LA DÉCLARATION DES BIENS ET DES INTÉRÊTS, LUTTE CONTRE L’ENRICHISSEMENT ILLICITE ET CONFLIT D’INTÉRÊTS DANS LE SECTEUR PUBLIC Contrairement à la Cour des comptes, l’instance n’a pas les moyens de mener des investigations efficaces,
L’examen en séance plénière du projet de loi relatif à la déclaration des biens et des intérêts, à la lutte contre l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts dans le secteur public avait été interrompu en milieu de semaine dernière pour désaccords entre les élus. La place a été laissée à la commission des compromis afin d’avancer dans les discussions et d’accélérer l’adoption d’un projet de loi important pour assainir la vie publique et regagner la confiance des partenaires internationaux, très regardants par rapport à ces sujets. Lors de ces séances en commission des “consensus”, auxquelles participe Iyed Dahmani, porteparole du gouvernement, l’opposition ne cache pas son scepticisme. Selon elle, sans donner les moyens nécessaires à l’Instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, ce projet de loi ne sera qu’un gadget législatif de plus, sans réelle efficacité. Pour Samia Abbou, du bloc démocrate, si le projet de loi donne à l’instance des missions d’investigation par rapport à l’information livrée par les déclarants, les articles renvoient systématiquement aux dispositions portant création de l’instance. “Or, l’instance ne possède pas les prérogatives de la police judiciaire”, explique la députée Samia Abbou. En effet, contrairement à la Cour des comptes, l’instance n’a pas les moyens de mener des investigations efficaces. “Dans ces conditions, le projet n’a aucune utilité”, lance même le président du groupe parlementaire du Front populaire, Ahmed Seddik. “Nous allons créer simplement une chambre d’enregistrement”, commente encore Samia Abbou.
Instance sans les prérogatives de la police judiciaire
Iyed Dahmani défend le projet et explique que l’instance peut intervenir lors des vérifications des déclarations (concernant les déclarants cités par l’article 15 du projet), mais également lors de l’existence d’une “présomption” de corruption. Dans ces cas, l’instance peut enquêter, mener des investigations et, si la situation le nécessite, transférer les dossiers à la justice. Cependant le désaccord entre le gouvernement et l’opposition réside dans le fait que l’instance, au vu des moyens qui sont mis à sa disposition et au vu également des prérogatives qui lui sont conférées par la loi organique, sera dans l’incapacité de mener des enquêtes crédibles autour des déclarations fournies par des dizaines de milliers de responsables concernés par le projet de loi relatif à la déclaration des biens et des intérêts et lutter contre l’enrichissement illicite et le conflit d’intérêts dans le secteur public. L’opposition accuse le gouvernement d’avoir prémédité le fait de vider de son sens le projet de loi. Pour prouver la bonne foi du gouvernement, Samia Abbou a demandé d’ajouter au projet de loi les prérogatives de police judiciaire à l’instance. Vu que la proposition n’a pas suscité l’adhésion des membres de la commission des consensus, celle-ci a décidé de confier à la séance plénière le soin de voter ou non les amendements.