La digitalisation du système fiscal est devenue indispensable
Une conférence-débat sur le thème «Système fiscal et justice sociale », en présence d’éminents experts en économie, sociologie et droit, a récemment été organisée par le Forum de l’académie politique (Foap) en collaboration avec la fondation allemande Konradadenauer-siftung. Le débat a permis de rappeler l’importance d’une équité sociale en matière fiscale et de la nécessité du consentement du citoyen à l’exercice fiscal.
Une conférence-débat sur le thème «Système fiscal et justice sociale », en présence d’éminents experts en économie, sociologie et droit, a récemment été organisée par le Forum de l’académie politique (Foap) en collaboration avec la fondation allemande Konrad-Adenauer-Siftung. Le débat a permis de rappeler l’importance d’une équité sociale en matière fiscale et de la nécessité du consentement du citoyen à l’exercice fiscal.
Le Forum de l’académie politique (Foap), en collaboration avec la fondation allemande Konrad-Adenauer-Siftung, a organisé, samedi 30 juin, une conférence débat sur le thème «Système fiscal et justice sociale », en présence d’éminents experts en économie, sociologie et droit. Ce débat a permis de rappeler l’importance d’une équité sociale en matière fiscale et de la nécessité du consentement du citoyen à l’exercice fiscal, l’impôt. Mme Zeineb Ben Ammar, membre du Foap et directrice fondatrice de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales de Tunis (Essect), a qualifié le consentement de «ciment de la démocratie. Et pour qu’il y ait adhésion, poursuit-elle, il faut que notre système soit transparent. En conséquence de quoi, nous avons déjà gagné deux points dans la transparence fiscale dans les dernières notations, il faut continuer ! », a-t-elle ajouté. Mme Neila Chaâbane, doyenne de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, a, pour sa part, abordé le thème avec une appréhension juridique : «La constitution représente la principale garante des droits et des libertés, et le devoir de payer ses impôts a été prévu par celle-ci (comme le devoir militaire). Il faut donc conscientiser les gens et leur rendre ce système plus familier».
Un système fiscal inadéquat aux besoins socioéconomiques
Les principes de la fiscalité ont été abordés par M. Abderrahmen Fendri, expert et territory partner chez Pricewater Coopers (PWC). Il a expliqué que la fiscalité se résume par l’ensemble des prestations pécuniaires des personnes physiques et morales requises par le Trésor public, en vertu des textes législatifs autorisant leur collecte par voie d’autorité. Elle englobe les impôts d’Etat, les taxes, ainsi que les prélèvements obligatoires au titre de la sécurité sociale et peut être directe ou indirecte (TVA sur les produits achetés…). « La fiscalité est structurée en 3 sortes de calcul : les régimes forfaitaires, impôts progressifs et les impôts proportionnels (qui contribuent le plus à une plus grande justice sociale) ». Et d’ajouter : « Quand on parle de justice sociale, on parle d’égalité des droits, des chances et des situations ». « On entend parfois dire que les investisseurs internationaux prennent en compte les recettes fiscales qu’ils devront payer, mais c’est faux. Ce n’est qu’un critère qui vient après. Leurs priorités sont la transparence, la sécurité, la disponibilité de la main-d’oeuvre et la proximité ». L’expert a également remis en question notre système très modeste en matière de contrôle qui ne fait qu’encourager les fraudeurs : «La digitalisation du système fiscal est devenue indispensable. Cela permettra d’améliorer le contrôle ainsi que la proximité et la possibilité du suivi du contribuable ». L’économiste et ancien ministre des Finances, M. Houcine Dimassi, qui a considéré que la Tunisie est passée par trois étapes phares qui définissent la situation économique actuelle du pays, explique que « nous n’avons plus de rentes pétrolières et gazières, il faut donc penser à une alternative pour compenser cette perte. Les ressources provenant des droits de douane ont baissé suite aux accords de libre-échange avec l’UE principalement. Et, depuis la révolution, les dépenses ont augmenté sans avoir de réelles ressources autres que les recettes fiscales qui représentent 2/3 du budget de l’Etat », a-t-il averti. L’ancien ministre a dénoncé par ailleurs l’inertie de l’Etat devant certaines entreprises qui se sont installées en Tunisie illégalement, sous une fausse identité, qui ne payent pas de taxes douanières et qui ont contribué à la mise à mal des entreprises tunisiennes, essoufflées face à cette concurrence étrangère. Il s’est en outre insurgé contre ces patentés qui relèvent du régime de fiscalité forfaitaire. «La contribution de ces personnes est on ne peut plus modique — 70DT uniquement par année — alors qu’un simple salarié paye un montant moyennant les 1.500DT par an. C’est dramatique ! Surtout que les bénéficiaires de ce régime fiscal devraient payer beaucoup plus que les fonctionnaires publics ».
Aucune refonte n’est possible sans changement du régime économique et social
Avant de clôturer le débat, une dernière approche sociologique a été donnée par M. Aziz Krichen sociologue, écrivain et homme politique. « Je crois que le problème n’est pas la fiscalité. Cette dernière ne représente que le reflet du dysfonctionnement de notre système social et économique. Nous parlons aujourd’hui des mêmes problématiques qu’il y a 70 ans. On a appelé à ce que des refontes soient faites. Mais en vain ». Le sociologue s’est interrogé sur l’absence d’intégration du monde rural dans le régime fiscal qui fait de lui « un monde parallèle, mis en dehors du système fiscal et donc en dehors du pays ». Il a dénoncé les politiques publiques tunisiennes qui ont marginalisé le monde rural et « ruiné la paysannerie ». « La seule stratégie mise en oeuvre a été l’appauvrissement des paysans. En effet, le prix des céréales est fixé depuis les années 50 par l’Etat qui n’a pas voulu réglementer ce secteur, pourtant très rentable pour l’économie du pays ». Le sociologue a dénoncé, d’autre part, les difficiles conditions imposées à la création d’une entreprise en Tunisie « On parle de l’économie parallèle comme un problème à combattre, mais qui sont-elles réellement ces personnes qui ont décidé de s’aventurer dans un secteur non structuré et informel ? Ce sont celles qui n’ont pas trouvé de travail dans le marché légal de l’emploi où les conditions à remplir sont très exigeantes et qui ont décidé d’entreprendre illégalement ». Le sociologue n’est pas non plus très optimiste quant à l’avenir prétendant que « d’ici 5 ans, on se retrouvera au même point, à discuter de ces mêmes problèmes qui sont débattus depuis l’ère de Hédi Nouira. Tant que notre système économique et social est le même, il ne faut pas s’attendre à de grandes avancées ni espérer une vraie refonte ».