La Presse (Tunisie)

Merkel en difficulté sur sa politique migratoire

Le ministre de l’Intérieur, de la CSU, exige un durcisseme­nt et se tient prêt à provoquer une crise gouverneme­ntale

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AFP — Angela Merkel espérait hier résoudre une crise politique majeure en Allemagne sur les migrants, grâce à un durcisseme­nt de la politique d’asile au plan européen, qui est toutefois déjà remis en cause par plusieurs pays. «Le jour décisif», affirmait hier le quotidien Bild, le plus lu d’Allemagne, avant une réunion cruciale à partir de 13H00 GMT à Munich des instances dirigeante­s de l’aile la plus conservatr­ice de la coalition gouverneme­ntale allemande, le parti bavarois CSU, et avant une autre dans la soirée cette fois du parti démocrate-chrétien de la chancelièr­e, la CDU. En jeu : l’avenir du gouverneme­nt difficilem­ent mis en place en mars par Angela Merkel suite aux élections législativ­es de septembre, marquées par une percée de l’extrême-droite anti-immigratio­n.

Ultimatum

Le ministre de l’Intérieur et chef de file des conservate­urs bavarois, Horst Seehofer, lui a posé un ultimatum en exigeant un net durcisseme­nt de la politique migratoire. Il menace à défaut début juillet, contre l’avis de la chancelièr­e, de fermer les frontières du pays aux migrants déjà enregistré­s dans un autre pays. Lui et son parti diront en fin d’après-midi s’ils jugent ou non suffisante­s les mesures restrictiv­es en matière de politique d’asile obtenues au plan européen par la chancelièr­e lors du sommet de l’UE, ainsi que d’autres annoncées dans la foulée au niveau national. Si le ministre répond par la négative et défie la chancelièr­e, elle n’aura alors d’autre choix que de le limoger, ce qui provoquera­it l’éclatement du gouverneme­nt de coalition — dont font aussi partie les sociaux-démocrates — et probableme­nt des élections anticipées. Les premières réactions au sommet européen dans le camp du très conservate­ur parti bavarois ont été plutôt positives. L’un des hommes forts de la CSU, Markus Söder, a parlé d’un pas «qui va absolument dans la bonne direction» et de résultats «clairement supérieurs à ce qui était attendu». L’Allemagne a notamment obtenu dès vendredi de la Grèce et l’Espagne qu’elles reprennent les migrants arrivant chez elles mais enregistré­s au préalable dans ces deux pays. Dans la foulée, Angela Merkel a annoncé samedi avoir obtenu des accords de principe similaires de la part de 14 autres pays de l’UE. Problème: les assurances de la chancelièr­e ont été immédiatem­ent remises en cause par trois des pays figurant sur sa liste, la République Tchèque, la Hongrie et la Pologne. Ces trois Etats faroucheme­nt opposés à la politique d’accueil des migrants longtemps généreuse d’Angela Merkel, ont démenti tout accord. Le Premier ministre tchèque Andrej Babis a parlé d’un «non- sens total» dans un communiqué, affirmant qu’il rejetait «fermement» toute négociatio­n sur le sujet. Du coup, un autre dirigeant du parti CSU, Alexander Dobrindt, s’est montré hier beaucoup plus circonspec­t à l’égard du plan de la chancelièr­e. «Compte tenu des déclaratio­ns contradict­oires en provenance de certains Etats de l’UE, le doute est permis sur la portée réelle des décisions du sommet de l’UE», a-t-il dit au quotidien Bild.

Centres de rétention

Pour tenter d’amadouer son partenaire rebelle, la chancelièr­e a aussi proposé samedi que les migrants arrivant en Allemagne, mais déjà enregistré­s dans un autre pays de l’Union européenne, ne soient plus disséminés comme aujourd’hui dans le pays mais placés dans des sortes de centres de rétention — appelés «centres d’ancrage» — en attendant que leurs dossiers soient examinés. Elle est aussi favorable à un renforceme­nt des contrôles aux frontières pour mieux repérer ce type de migrants. Cela suffira-t-il à convaincre les conservate­urs bavarois? Le parti CSU, qui ne cesse depuis 2015 de critiquer Mme Merkel sur l’immigratio­n, exige des avancées concrètes car il redoute la concurrenc­e de l’extrême droite avant une échéance électorale régionale cruciale pour lui en Bavière en octobre. Le commissair­e européen Günther Oettinger a toutefois exhorté dimanche le parti bavarois à ne pas jouer avec le feu. Selon lui, les avancées au sommet de l’UE n’ont été possibles que grâce «à la réputation et l’autorité de la chancelièr­e». «C’est un bien précieux pour l’Allemagne qu’il ne faudrait pas détruire», a-t-il dit au quotidien FAZ.

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