Une crise sans précédent
Le surplus de la production et les difficultés d’écoulement des pommes de terre sur les circuits de distribution suscitent la grogne chez les agriculteurs
Après la crise du lait et de certaines cultures de saison, c’est au tour de la pomme de terre de nourrir bien des inquiétudes chez les producteurs de la région de Jendouba où une bonne partie des quantités produites, cette année, est en grande souffrance et risque d’être perdue si elle n’est pas stockée ou écoulée à temps. Alors que, naguère, c’était le manque de production qui inquiétait les pouvoirs publics, aujourd’hui, c’est le retour de manivelle sur les producteurs et c’est désormais le surplus de production qui pose problème. Paradoxe ou ironie du sort, le gouvernement ne semble pas trop se soucier de la question et le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, auquel incombe la responsabilité de trouver des solutions appropriées qui mettent à profit cette richesse de production pour préserver l’intérêt national, ne semble pas trop se concentrer sur l’inquiétude des producteurs de solanacées et encore moins prendre des décisions en rapport avec la situation d’urgence que rencontre ce système de production. Les producteurs de Jendouba sont, en effet, confrontés à une crise sans précédent qui leur rappelle l’année 2016, où d’importantes quantités de pommes de terre et surtout d’oignons sont demeurées enfouies sous la terre ou perdues, à cause d’un surplus de production et l’absence d’espaces de stockage suffisants pour absorber l’excédent de la produc- tion ou le stocker pour réguler le marché, plus tard, et écouler la production de pommes de terre à un prix raisonnable et avantageux à même de leur permettre de rentabiliser leurs efforts de production. Selon certains cultivateurs de Jendouba, le Groupe interprofessionnel des légumes (GIL) leur a proposé l’acquisition de 600 t de tubercules à 620 millimes le kg, alors qu’ils réclament au moins 1.500 t, sur un total de 10.000 t retenues sur le plan national. Partant des énormes potentialités de production, certaines quantités sont, toujours selon les mêmes sources, stockées sous les arbres et soumis aux caprices de Dame nature, et les ombrages de certains eucalyptus ou autres cyprès ne sont pas suffisants pour garantir une bonne conservation de la récolte. Autre inquiétude soulevée par nombre de producteurs, c’est le système de pesage archaïque qui peut conduire à la fraude, car seul un système électronique permet d’échapper à de tels préjudices. Ce sont les agriculteurs qui paient en monnaie sonnante et trébuchante les pots cassés d’une politique agricole en perte de vitesse, du moins peu en phase avec les exigences de la réussite professionnelle. Alors, pourquoi importer de l’étranger ce que l’on a à la maison, s’indignait, hier, un agriculteur de Bousalem. Dans ce cas de figure, rien ne semble présager d’un avenir calme pour notre agriculture, à l’image encore du système des laitages, lui aussi en déclin, voire en chute libre et menacé par la disparition, faute d’adéquation des coûts de production aux prix de vente du lait. Les mêmes causes entraînent toujours les mêmes effets. A méditer longuement.