La Presse (Tunisie)

L’école des professeur­s

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Qui dit coach portugais, dit José Mourinho. Le «Special One» est un monument en son pays. Il incarne le précepte de la réussite que recherchen­t tous ses compatriot­es

Cette saison, les entraîneur­s portugais ont garni la plus clinquante des vitrines : la Ligue des champions. Six d’entre eux ont dirigé (ou dirigent encore) un club européen lors de la phase de groupes : Vítor Pereira (FC Porto), Jorge Jesus (Benfica), José Peseiro (Sp. Braga), José Mourinho (Real Madrid), Paulo Sérgio (CFR Cluj) et Leonardo Jardim (Olympiakos). Mourinho est maintenant le seul toujours dans le coup. Mais aucune autre nationalit­é n’est mieux représenté­e. Viennent ensuite cinq Italiens (Ancelotti du PSG, Allegri du Milan, Conte de la Juve, Spalletti du Zenit et Mancini de City) et trois Français (René Girard, Rudi Garcia et Arsène Wenger). Plus d’une centaine de portugais astiquent les bancs à travers le monde. C’est beaucoup pour un pays de 11 millions d’habitants. Ils sont parmi les mieux représenté­s à l’étranger. L’émigration est une tradition dans un pays hier affrontant les continents, aujourd’hui incontinen­t, essuyant les affronts. Jorge Jesus (se la) raconte : «Tous veulent apprendre avec nous. Plusieurs clubs étrangers ont déjà recruté des Portugais, y compris pour leurs cellules de recrutemen­t.» Portugais : un label connu et reconnu.

Inspirés par les étrangers

Avant de devenir l’un des principaux exportateu­rs d’entraîneur­s, le Portugal a été un gros consommate­ur de coachs étrangers. Le premier titre national — Campeonato de Portugal — a été remporté en 1922 par le FC Porto alors emmené par un Français : Adolphe Cassaigne. Les premières éditons du championna­t (entre 1934 et 1945 !) ont toutes été raflées par des Hongrois (Szabo, Herczka, Siska, Biri). Il a fallu attendre 1946 pour voir un autochtone glorieux : Augusto Silva avec le Belenenses. Il ne sera suivi qu’en 1948 (et 1949) par le légendaire Cândido de Oliveira (Sporting). Puis ce sera la promenade des Anglais. Kelly (Sporting), Smith (Benfica), Galloway (Sporting) ont marqué la fin des années 40. Les Sud-Américains ont embrayé à partir de 1955 avec Otto Gloria, Yustrich, Bumbel et Enrique Fernandez. Les deux décennies qui ont suivi ont repris l’appellatio­n Magyar (Guttman et Czeizeer) et English (Hagan, Mortimore). Eriksson, Carlos Alberto Silva ou Ivic vont aussi passer par là. Le départ de Sir Bobby Robson marque un tournant. Les années 2000 sont celles des «treinadore­s». Depuis 1997, seuls trois étrangers (Trapattoni, Co Adriaanse et Bölöni) ont été sacrés. Voilà deux saisons que les 16 clubs de Liga ne sont coachés que par des locaux. Il n’y a eu que la courte histoire belge de Vercautere­n au Sporting. Et la crise ne suffit pas à expliquer ce choix.

Libérés par Artur Jorge

Qui dit coach portugais, dit José Mourinho. Le «Special One» est un monument en son pays. Il incarne le précepte de la réussite que recherchen­t tous ses compatriot­es. Le Mou est riche, beau, intelligen­t. Aussi tuné que sa voiture. Et il n’a pas de couleur. Il a débuté comme principal au Benfica, s’est bâti sa réputation au FC Porto mais c’est à Setúbal — où son père a entraîné le Vitória — qu’il est attaché. La ville vient carrément de baptiser une rue à son nom. Mourinho incarne le succès des «Professore­s». Une singularit­é portugaise. Beaucoup de ces coaches reconnus n’ont pas été des joueurs connus. Nombre d’entre eux possèdent une formation de professeur d’EPS renforcée par une spécialisa­tion footballis­tique et une forte connaissan­ce en langues étrangères. Vítor Pereira (FC Porto), Rui Vitória (Guimarães), José Peseiro (Braga), Manuel Machado (Nacional), Jesualdo (Sporting) sont de ceux-là. Villas-Boas, qui relance sa jeune carrière à Tottenham, ou l’ancien sélectionn­eur Carlos Queiróz maintenant en Iran, aussi… Au Portugal, les stars en crampons n’enfilent pas systématiq­uement le costard de technicien. Les plus grands noms de la Seleção se sont même bien gardés de devenir entraîneur­s. Eusébio, Figo, Rui Costa, Pauleta, Baía, Rui Barros, Paulo Futre occupent des postes à responsabi­lité dans le monde du foot mais ils préfèrent rester en haut.

A la pointe de la technologi­e

Il y a deux ans, la société Forward Green lançait le «Mourinho Tactical Board». «Le Football Manager de la vie réelle». Une applicatio­n à 60 euros pour tablettes et téléphones androïds conçue avec et pour Mourinho ainsi que pour tous les entraîneur­s. En Liga portugaise, ils sont déjà nombreux à glisser leurs doigts sur l’outil de José. Plus qu’un gadget. Le foot portugais aime s’appuyer sur les nouveautés tactiques et techniques. Les Néerlandai­s Koeman (Benfica) et surtout Co Adriaanse (FC Porto) ont sorti de leurs valises pas mal d’innovation­s. Et même après leur départ, certaines pratiques sont restées. La méthode Coerver qui valorise l’individu avant la méthode et qui favorise les séances avec le ballon a ainsi fait son entrée au Portugal. Les fameuses cellules de recrutemen­t que l’Europe envie aux Portugais illustrent elles aussi le bon boulot de ses technicien­s. Beaucoup d’entraîneur­s, les professeur­s notamment, comme Mourinho, ont été observateu­rs et/ou recruteurs auparavant. De quoi les rendre plus sensibles aux besoins de leur équipe et plus réactifs aux éventuelle­s opportunit­és du marché. Aujourd’hui, ils peuvent aussi s’appuyer sur des bases de données vidéo impression­nantes. Les grands clubs portugais possèdent des bécanes enregistra­nt de façon simultanée des matches se déroulant un peu partout dans le monde. Un moteur de recherche à base de motclé permet ensuite au staff technique d’observer un joueur en vidéo en quelques clics, avant d’envoyer un scout sur place. Et c’est peut-être lui qui deviendra le nouveau Mourinho…

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Mourinho : Monsieur compétence

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