Si la Corniche du lac m’était contée…
Naguère prisée, elle est désormais l’ombre d’elle-même et le siège de toutes les incivilités.
Mardi dernier, la veille de la fête de la République, célébrée le lendemain en grande pompe dans la plupart des villes, un triste spectacle chagrine à la corniche du Lac. Deux jours consécutifs et deux visages significativement différents ! Le contraste est saisissant. Pour le citoyen qui s’est rendu la veille et le jour de la fête de la République, le spectacle est hors de propos tant la donne change du jour au lendemain. Mardi soir, aux environs de vingt heures, la croisette du lac qui longe la corniche pour les promeneurs de tous âges et classes confondus est bondée de monde. Au point que dès le début de la promenade au bout d’une dizaine de mètres parcourus, on tombe nez à nez avec des empêcheurs de tourner en rond. Un groupe de dix personnes allégrement assis sur leurs sièges pliants et transportables en plastique, l’air de ne se soucier de rien ni de quiconque. Le passage qu’ils bloquent littéralement oblige le promeneur à prendre son mal en patience et à contourner par la gauche le palmier jouxtant l’aire de stationnement des voitures pour se frayer un chemin. Passons. Les incivilités et les mauvais agissements des citoyens tunisiens sont le plus grand mal qui frappe le pays depuis quelques années. Sans conteste.
Incivilités et dépassements
En veux-tu, en voilà ! Le témoignage de M. Jouini, électricien, la cinquantaine, père de deux jeunes adultes qui a roulé sa bosse dans les ruelles et maisons de la capitale, révèle un constat amer. « C’est la faute des citoyens qui ne cessent de dégrader les lieux et les édifices publics par une nonchalance sans nom alors que les municipalités font de gros efforts en effectuant des travaux d’embellissement, de gazonnement ou de plantation des ronds-points giratoires visiblement pour un résultat vain. C’est aux citoyens de commencer par se remettre en cause» . En poursuivant la promenade, on peut remarquer que l’état de l’éclairage public laisse à désirer. Le manque d’entretien des réverbères décoratifs et esthétiques qui subliment le lieu est manifeste. Quelques-uns sont complètement éteints tandis que d’autres fonctionnent avec des lampes partiellement grillées. On avance. Un peu plus loin, c’est le bouquet avec ce décor affligeant d’épluchures de glibettes turques qui dénature le charme de la promenade. Assises sur des bancs, des femmes ne s’évertuent qu’à salir obstinément les trottoirs joliment pavés de la corniche. Il est vrai qu’avec la pénombre par endroits, les passants et agents municipaux n’y verront que du feu au moment précis… En fin de parcours, on croise avec étonnement deux pylônes protecteurs sans chaînes qui peuvent surprendre un petit enfant étourdi, inattentif ou distrait et les nombreux enfants à vélo et fans des rollers, patins modernes, le jour de la fête de la République du 25 juillet. Les vendeurs ambulants qui occupent certaines places de la corniche est un phénomène inhabituel à pareil endroit réputé de Tunis. Les vendeurs de pop-corn salé et des jouets et gadgets en tout genre passent encore mais celui qui expose des portefeuilles et des chaussures d’origine incertaine fait peine à voir. On a remarqué l’aménagement d’un quai au beau milieu de la passerelle piétonne pour un loisir nouveau. Le tenancier de la distraction payante, bien entendu, offre des promenades en périphérie du Lac pour un groupe de personnes dans des péniches motorisées pour distraire les promeneurs. Et ça marche. Une distraction qui n’est pas accommodée pour ce lieu. Ce n’est pas un port, en effet, où peuvent accoster les bateaux. Evitant de s’installer sur la terrasse des salons de thé et des cafés se trouvant sur l’esplanade à cause de leur service coûteux, des individus ont tout bonnement choisi de s’installer en face sur la corniche avec table et chaises pour fumer des cigarettes et siroter des cafés à profusion gênant ainsi les passants qui se promènent sur la corniche. Ces citoyens dépassent les bornes dans cet endroit qui pullule de cafés et restaurants de qualité et dont la clientèle est exigeante.
Quand la fête devient belle
Le lendemain, jour de fête nationale chômé et payé pour le commun des Tunisiens, la vue est plus belle sur le lac. La municipalité a fait du beau travail. Le service minimum est assuré tant bien que mal. Les trottoirs adjacents au lac sont redevenus propres même si les pots de yaourt sont réapparus comme par enchantement. La tare du citoyen lambda tunisien est de croire qu’il y a toujours quelqu’un derrière lui pour faire le boulot ingrat en matière de maintien de la propreté et d’hygiène. Un comportement répréhensible et à bannir de façon plus ferme par les équipes et autorités relevant du ministère de l’Environnement inscrites aux abonnés absents. Les enfants, cheveux dans le vent, les quelques touristes aperçus ça et là et les familles s’en donnent à coeur joie pour s’offrir un bol d’air frais aux alentours des dix-neuf heures avant le crépuscule. «La sensibilité prépare à la perception de la beauté des choses». On ne peut s’abstenir d’avoir un regard avisé et envisager de revoir ce bel endroit retrouver ses lettres de noblesse. Tunis respire de nouveau à pleins poumons mais pour combien de temps avant le retour à la gabegie?