La Presse (Tunisie)

L’affaire de corruption qui a tout ébranlé

- Marwa SAIDI

• Le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed a décidé de limoger une série de hauts fonctionna­ires au sein du ministère de l’energie

• Suite à sa dissolutio­n, toutes les structures relevant du ministère ont été annexées au ministère de l’industrie et des PME

• Un comité chargé d’expertise dans le secteur de l’énergie a été créé. Principale­s missions : restructur­ation du secteur de l’énergie et réforme du modèle de gouvernanc­e qui le régit

• Une enquête sur l’affaire a été ordonnée

• Le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed a décidé de limoger une série de hauts fonctionna­ires au sein du ministère de l’energie • Suite à sa dissolutio­n, toutes les structures relevant du ministère ont été annexées au ministère de l’industrie et des PME • Un comité chargé d’expertise dans le secteur de l’énergie a été créé. Principale­s missions : restructur­ation du secteur de l’énergie et réforme du modèle de gouvernanc­e qui le régit

• Une enquête sur l’affaire a été ordonnée

• Après une consultati­on du dossier du gisement off-shore de Halk El Menzal objet de l’affaire, des dépassemen­ts ont été constatés. Les soupçons de corruption sont assignés

Hier matin, séisme au sein du ministère de l’energie, des Mines et des Energies renouvelab­les. Le retentisse­ment d’une affaire de corruption impliquant des hauts fonctionna­ires de l’etat a donné des sueurs froides au sein du ministère et mis à nu un lobby soupçonné de corruption. Une corruption qui mine le secteur des énergies en Tunisie. Retour sur une affaire qui a ébranlé tout un ministère et qui a braqué les lumières sur les zones d’ombre d’un secteur qui préoccupe depuis des années l’opinion publique.

Dissolutio­n du ministère de l’energie

Hier vers 10h, la présidence du gouverneme­nt a communiqué la décision du chef du gouverneme­nt Youssef Chahed de limoger une série de hauts fonctionna­ires au sein du ministère de l’energie. Accusés de corruption, le ministre Khaled Gaddour, le secrétaire d’etat aux Mines, Hachem Hmidi, le directeur général des hydrocarbu­res, le directeur général des affaires juridiques et le PDG de la Société tunisienne d’exploitati­on pétrolière (Etap), ont été démis de leurs fonctions. Le ministère a été dissous et toutes les structures relevant de ce départemen­t ont été annexées au ministère de l’industrie et des PME. La création d’un comité chargé d’expertise dans le secteur de l’énergie a été également décidée. Ses principale­s missions sont la restructur­ation du secteur énergétiqu­e et la réforme du modèle de gouvernanc­e qui le régit. Une enquête sur l’affaire a été, également, ordonnée.

L’inaugurati­on de la plateforme : l’élément déclencheu­r

La décision du limogeage est tombée comme un coup de massue. Une heure après, le porte-parole du gouverneme­nt, Iyed Dahmani, a tenu un point de presse au palais de La Kasbah, durant lequel il a évoqué les détails de l’affaire. Tout a commencé par un événement d’inaugurati­on d’un gisement de pétrole off shore au large de Monastir, spécifique­ment à Halk El Menzel, qui devait avoir lieu dans les prochaines semaines. Un investisse­ur tunisien qui bénéficie d’une licence d’exploitati­on du gisement en question a sollicité le président du gouverneme­nt pour assurer l’inaugurati­on officielle du gisement. Entre temps, des informatio­ns affirmant l’irrégulari­té de la licence d’exploitati­on ont été communiqué­es au gouverneme­nt. Après une consultati­on du dossier de la plateforme de pétrole de Halk El Menzel, des dépassemen­ts et des abus ont été constatés. Les soupçons de corruption sont assignés.

Entrée en production illégale

Le porte-parole du gouverneme­nt, Iyed Dahmani, a affirmé que la licence d’exploitati­on du puits en question, a expiré depuis 2009. L’histoire revient à l’année 99, avec l’adoption du nouveau code des hydrocarbu­res qui permet aux investisse­urs dans le secteur de l’énergie et des mines de bénéficier d’importante­s incitation­s fiscales. À cette époque-là, l’homme d’affaire tunisien disposait déjà d’un permis d’exploratio­n du gisement acquis en 2006 d’un précédent exploitant étranger. La première licence d’exploitati­on délivrée en 1979 était régie par une ancienne convention des hydrocarbu­res, désormais désuète avec l’entrée en vigueur du nouveau code. En 2006, l’homme d’affaires était obligé de choisir de poursuivre l’exploitati­on du puits soit selon les dispositio­ns de l’ancienne convention avec un bail de 50 ans, soit selon les clauses du nouveau code des hydrocarbu­res avec un bail de 30 ans. Attiré par les incitation­s financière­s alléchante­s, l’investisse­ur a choisi de se mettre au diapason du nouveau code. Seule anicroche pour l’homme d’affaires tunisien, le code en vigueur implique une durée maximale d’exploitati­on ne dépassant pas les trente ans. C’est-à-dire une expiration du contrat en 2009. N’ayant cure, l’investisse­ur continue les activités d’exploratio­n du puits, les autorités d’alors n’ont pas mis fin au contrat. Pis encore, le gisement en question était en exploitati­on sans le partenaria­t de l’etap, qui, selon les dispositio­ns du code 99 des hydrocarbu­res, devrait être le partenaire dans les activités d’exploitati­on.

Un manque à gagner

Le porte-parole du gouverneme­nt a affirmé que selon les données du ministère de l’energie, les réserves du gisement de pétrole de Halk El Menzal s’élèvent à 8,1 millions barils, ce qui représente la moitié de la production annuelle en pétrole de la Tunisie, soit 15 millions de barils par an. La production pétrolière du puits est estimée à environ 15 mille barils par jour. Une quantité importante, étant donné que la production journalièr­e du pétrole en Tunisie avoisine les 39 mille barils. Soit une quantité supplément­aire de 30%. M. Dahmani a également annoncé que suite à cette affaire, un Conseil ministérie­l restreint a été tenu hier, au palais de La Kasbah, afin de discuter des décisions et des mesures à prendre dans l’immédiat . Le porte-parole a insisté sur le fait que le ministre M. Khaled Gaddour n’est pas soupçonné de corruption dans cette affaire. Il a affirmé qu’un dysfonctio­nnement dans le modèle de gouvernanc­e du secteur de l’énergie en Tunisie a été mis à nu suite à cette affaire. Les mesures qui ont été prises baliseront la voie à l’instaurati­on d’un nouveau modèle de gouvernanc­e transparen­t, soutient M. Dahmani.

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