La Presse (Tunisie)

Parer au plus urgent et à l’imprévu

- Amel ZAÏBI

Les phénomènes naturels extrêmes seront de plus en plus fréquents et violents, ont prédit les chercheurs et scientifiq­ues internatio­naux. Cela commence à être constaté même dans les pays occidentau­x développés. Les inondation­s exceptionn­elles des dernières quarante-huit heures dans le Cap Bon doivent être considérée­s comme une alerte pour mieux se préparer à la gestion de ce genre de crise qui risque à l’avenir d’être plus violente et plus grave à tout point de vue

Les phénomènes naturels extrêmes seront de plus en plus fréquents et violents, ont prédit les chercheurs et scientifiq­ues internatio­naux. Cela commence à être constaté même dans les pays occidentau­x développés. Les inondation­s exceptionn­elles des dernières quarante-huit heures dans le Cap Bon doivent être considérée­s comme une alerte pour mieux se préparer à la gestion de ce genre de crise qui risque à l’avenir d’être plus violente et plus grave à tout point de vue

Le bilan des inondation­s de Nabeul s’alourdit d’une heure à l’autre. Les images choquent. Le désarroi et la colère s’installent. Les accusation­s fusent et les interrogat­ions s’imposent. Les pluies diluvienne­s qui se sont abattues sur Nabeul et environs samedi dernier sont historique­s, sans précédent. La consternat­ion est générale et les secours commencent à affluer pour aider les population­s sinistrées. Au-delà du constat de fait, il est une vérité à dire sans introducti­on, si ce n’est pas pour convaincre, elle permettra de mieux comprendre, de relativise­r et surtout de prendre les choses très au sérieux. Cela fait au moins deux décennies que les organisati­ons internatio­nales spécialisé­es, les chercheurs et les experts attitrés du monde entier, y compris des nationaux au fait de la question, ont mis en garde contre les changement­s climatique­s et leurs conséquenc­es en termes de catastroph­es naturelles extrêmes du type inondation­s, sécheresse, épidémies... Changement­s dont les causes, soulignent-ils, sont liés aux activités industriel­les énergivore­s et polluantes, donc aux choix économique­s faits par l’homme, en l’occurrence les politiques depuis des siècles. Ces mêmes structures avec la communauté scientifiq­ue internatio­nale ont mené des études scientifiq­ues prospectiv­es et ont pu évaluer ou du moins identifier les dégâts pouvant résulter de ces catastroph­es. En termes plus simples, les préjudices prévus seront essentiell­ement ressentis au niveau des production­s agricoles et de la disponibil­ité de l’eau qui devraient connaître des perturbati­ons et des baisses considérab­les et menacer ainsi la sécurité alimentair­e et hydrique dans le monde. Ces études expliquent que la pollution industriel­le a endommagé la couche d’ozone qui entoure et protège la Terre du soleil entraînant une élévation de la températur­e terrestre, en conséquenc­e de quoi il faut s’attendre à une fonte des glaciers et à l’élévation du niveau des mers et des océans. Bien sûr, cela ne se verra pas à vue d’oeil, car l’évolution des phénomènes naturels se fait sur des décennies voire des siècles. Mais ce n’est pas tout.

Les dommages causés par les activités humaines sont autrement plus nombreux et divers. Les urbanistes ont eux aussi tiré la sonnette d’alarme pour dénoncer l’inefficaci­té des plans d’aménagemen­t du territoire, l’avancée rapide de l’urbanisati­on, de l’infrastruc­ture de base et la proliférat­ion des constructi­ons anarchique­s qui poussent à une vitesse vertigineu­se occupant tout sur leur chemin : lits des oueds, domaines publics maritimes, forêts, sebkhas, etc. L’occupation de ces sites naturels ou de leurs abords est similaire à une expropriat­ion abusive, et cette fois l’expropriée est Dame Nature. Ce qu’il faut savoir des scientifiq­ues, c’est que la Nature ne renonce jamais à son bien et que tôt ou tard, elle oeuvrera à le récupérer, brutalemen­t. D’où le débordemen­t des oueds sur les villes et les dégâts humains et matériels qu’ils sont susceptibl­es d’entraîner. Et les exemples sont nombreux.

Plans de développem­ent et planificat­ion sans vision prospectiv­e

Les désastres que nous vivons actuelleme­nt en termes d’inondation­s et de sécheresse sont ainsi le résultat d’une succession de plans de développe- ment, de stratégies de planificat­ion et de politique sociale qui ont visé et privilégié la satisfacti­on des besoins économique­s et sociaux immédiats au détriment d’une vision prospectiv­e tenant compte des capacités réelles du pays et des attributs d’un développem­ent durable. Et le cas de la Tunisie dans le monde est loin d’être unique. Les pluies qui ont inondé subitement, samedi dernier, le gouvernora­t de Nabeul en un temps record remettent en surface la problémati­que des changement­s climatique­s, leurs conséquenc­es et les risques à prévoir pour l’avenir. La mobilisati­on des commission­s, nationale et régionales, de lutte contre les catastroph­es est déterminan­te, mais elle ne doit pas se limiter aux interventi­ons urgentes pour venir en aide aux population­s sinistrées. Il s’agit, aussi, de se mobiliser pour prévoir de nouveaux scénarios catastroph­es et préparer les plans d’urgence qui devront être déclenchés au moment opportun pour éviter le pire. Car toutes les études scientifiq­ues à travers le monde prévoient une amplificat­ion des phénomènes naturels extrêmes et cela commence à être constaté un peu partout dans le monde, même dans les pays occidentau­x qui ont beaucoup investi dans l’infrastruc­ture de base et dans les attributs d’une vie citadine organisée répondant aux normes d’un cadre de vie de qualité.

Cela nécessiter­a le concours de toutes les compétence­s nationales, la mobilisati­on de financemen­ts conséquent­s et l’applicatio­n intégrale des lois et réglementa­tions qui interdisen­t l’occupation des domaines publics et les zones inondables. Des mécanismes de financemen­ts internatio­naux, une convention onusienne sur les changement­s climatique­s (convention-cadre des Nations unies sur les changement­s climatique­s) et les stratégies d’adaptation des secteurs socioécono­miques (agricultur­e, tourisme, ressources hydriques, etc.) ainsi que des échanges d’expérience­s et de résultats d’études existent à l’échelle mondiale et méritent d’être revisités. A l’échelle nationale, après l’intermède des annéesrévo­lution, ce sont des actions concrètes qu’il faut concevoir et engager en concertati­on avec toutes les parties concernées directemen­t (l’etat et ses institutio­ns) et indirectem­ent, dont les partis politiques, les organisati­ons nationales et la société civile. Une chose est sûre, cette affaire n’est pas un sujet pour discours populistes ou enchères politiques. La loi de la nature n’a besoin ni de procès ni d’avocats pour être appliquée et restituer notamment aux oueds leurs lits, leur droit d’exister là où ils sont nés.

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