La Presse (Tunisie)

Quand les cahiers subvention­nés investisse­nt les étals anarchique­s

Que font les cahiers subvention­nés chez les vendeurs ?

- Mohsen ZRIBI

L’etat a-t-il réellement mainmise sur les produits qu’il subvention­ne ? En contrôle-t-il concrèteme­nt la commercial­isation ? Pour appeler un chat un chat, nous oserons répondre par la négative. Hélas. Et pour s’en convaincre, on n’a qu’à recenser les importante­s quantités de cahiers subvention­nés bouffés (kidnappés ?) par le marché parallèle. Le constat est plus frappant dans le Grand-tunis où dans quasiment tous les étals anarchique­s sévissant notamment dans les rues Charles-de-gaulle et Sidi Boumendil, le citoyen lambda peut tranquille­ment acquérir le fameux cahier subvention­né écoulé ici abondammen­t, et dans ses quatre formats.

Et dire que ces… librairies à ciel ouvert ne désempliss­ent pas, en dépit de la facilité avec laquelle leurs propriétai­res jonglent avec les prix et abusent, à coups de hausses des prix, de la naïveté d’une bonne partie de la clientèle. Celle-ci ne s’aperçoit que tardivemen­t qu’elle a été leurrée et qu’elle aurait dû aller s’approvisio­nner chez le libraire du quartier, si reine soit la bousculade qui y règne.

Une filière à remonter

Dès lors, surgissent les questions suivantes : comment les cahiers que l’etat subvention­ne aux dépens de son pourtant fragile budget ont-ils pu atterrir dans le marché parallèle ? Quelles sont les parties qui sont derrière ? Y a-til complicité, quelque part ? Et puis, parbleu, pourquoi la «mascarade» tient-elle encore la route, en toute impunité ? A-t-on pensé aux libraires exerçant légalement et qui payent impôts, taxes et autres agios bancaires, tout en supportant le fardeau du manque à gagner engendré par cette concurrenc­e déloyale ?

De toute façon, ces victimes potentiell­es n’hésitent pas à parler, à l’unisson, de pratiques suspectes et mafieuses qui sévissent essentiell­ement dans les circuits de distributi­on des fourniture­s scolaires, outre le ministère du Commerce auquel on reproche un manque de rigueur et de suivi dans la gestion de ces circuits, ce sont surtout les imprimerie­s qui sont pointées du doigt. En effet, deux libraires sur trois vous diront que la plupart des maisons d’édition s’évertuent à imprimer des quantités supplément­aires dépassant le quota commandé, avant de les écouler dans les circuits parallèles. Selon les mêmes révélation­s des victimes, les transactio­ns sont facilement concluable­s, parce que exonérées de taxes et donc basées sur le gagnant-gagnant. C’est-à-dire… au diable les perdants, en l’occurrence le consommate­ur et l’etat ! Si le premier se laisse prendre dans la plupart des cas, soit par naïveté, soit par lassitude, le second ne compte plus les dégâts qui en découlent, dont sa baisse d’autorité, la grogne des libraires et le coup de fouet «offert» aux contreband­iers ! Et pourtant, tout le monde sait que le ministère du Commerce, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a tout un départemen­t chargé du suivi et des brigades de contrôle des prix qui opèrent un peu partout dans le pays flanquées de policiers. Normalemen­t, quand une structure si bien «armée» est à l’oeuvre, rien ne passe et les réseaux du commerce parallèle en pâtissent. Et c’est justement ces filiales qu’il faudra absolument remonter, en dépit du brouillage de leurs pistes, de l’immensité de leurs ramificati­ons et du machiavéli­sme de leurs pratiques.

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Les vendeurs ambulants utilisent les cahiers subvention­nés comme appât pour écouler leurs fourniture­s scolaires
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Les vendeurs ambulants utilisent les cahiers subvention­nés comme appât pour écouler leurs fourniture­s scolaires

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