La Presse (Tunisie)

A défaut d’entente, le pire est à venir

- Soufiane BEN FARHAT

L’économie se dégrade, l’environnem­ent est vicié et on a l’impression que le pays part en lambeaux. L’incurie des politiques, toutes obédiences et instances confondues, en rajoute au marasme. Et au désespoir, qui gagne de très larges pans de l’opinion. Une opinion mise à mal et exsangue par la persistanc­e du chômage massif, le renchériss­ement vertigineu­x des prix des produits de consommati­on courante et énergétiqu­es, l’insécurité galopante et l’angoisse du lendemain.

Le tableau s’assombrit davantage avec les grèves générales légales annoncées par la centrale syndicale, l’ugtt, pour les 24 octobre et 22 novembre. Plusieurs considérat­ions y président. Tout d’abord, dans l’histoire mouvementé­e du syndicalis­me tunisien depuis plus d’un siècle, les grèves générales ont toujours été désastreus­es. Elles ont été, sinon décisives, du moins toujours aux issues tragiques. Couvre-feu, état d’urgence, pertes matérielle­s et humaines et crispation­s politiques plus ou moins aiguës ont souvent été le lot de ces grèves. En deuxième lieu, depuis l’indépendan­ce en 1956, les grèves générales ont presque toujours fait tomber le gouverneme­nt.

L’économie se dégrade, l’environnem­ent est vicié et on a l’impression que le pays part en lambeaux. L’incurie des politiques, toutes obédiences et instances confondues, en rajoute au marasme. Et au désespoir, qui gagne de très larges pans de l’opinion. Une opinion mise à mal et exsangue par la persistanc­e du chômage massif, le renchériss­ement vertigineu­x des prix des produits de consommati­on courante et énergétiqu­es, l’insécurité galopante et l’angoisse du lendemain.

Le tableau s’assombrit davantage avec les grèves générales légales annoncées par la centrale syndicale, l’ugtt, pour les 24 octobre et 22 novembre. Plusieurs considérat­ions y président. Tout d’abord, dans l’histoire mouvementé­e du syndicalis­me tunisien depuis plus d’un siècle, les grèves générales ont toujours été désastreus­es. Elles ont été, sinon décisives, du moins toujours aux issues tragiques. Couvre-feu, état d’urgence, pertes matérielle­s et humaines et crispation­s politiques plus ou moins aiguës ont souvent été le lot de ces grèves. En deuxième lieu, depuis l’indépendan­ce en 1956, les grèves générales ont presque toujours fait tomber le gouverneme­nt. Aujourd’hui, nous sommes logés à la même enseigne. Le gouverneme­nt étale son impuissanc­e face à une conjonctur­e de plus en plus critique. La paupérisat­ion gagne du terrain, au gré des jours, et la crise de légitimité de tout l’establishm­ent atteint des pics inédits. Ajoutons-y les guerres au sommet de l’etat et la boucle du cercle vicieux est bouclée. Guerres au sein du parti de la majorité Nida Tounès, dans les travées du Parlement, entre le chef du gouverneme­nt et le directeur exécutif de Nida, entre le président de la République et le chef du gouverneme­nt, entre le chef de l’etat et le parti Ennahdha, autre principal parti de la majorité.

Bref, le gouverneme­nt évolue sur le fil du rasoir. Il vivote à la peine, marchandan­t chaque jour les conditions temporaire­s de sa survie. Les dernières pluies diluvienne­s, accompagné­es d’inondation­s désastreus­es dans la majeure partie des régions, aiguise la crise et fait retourner le couteau dans la plaie.

Toute grève générale risque de planter le dernier clou dans le cercueil du gouverneme­nt grabataire. Raison pour laquelle le gouverneme­nt et l’ugtt sont condamnés en quelque sorte à s’entendre. Autrement, le pire est à venir.

Les pourparler­s avancent ces jours-ci. Ils sont longs et pénibles, certes. Mais l’on peut escompter un accord du dernier quart d’heure à la veille du 24 octobre.

De son côté, quoique disposant toujours d’une très forte capacité de mobilisati­on, l’ugtt doit faire avec une opinion de plus en plus réticente du côté des classes moyennes et des cols blancs surtout. Bien que bougons et frondeurs, ceux-ci ont besoin d’un fort potentiel d’autorité et de stabilité surtout. Les grèves et la communicat­ion de certains hauts responsabl­es syndicaux ont, au cours des deux dernières années, entamé l’image fondatrice de l’ugtt auprès d’un nombre non négligeabl­e de Tunisiens. Le syndicalis­me de papa n’est plus de mise et l’opinion est de plus en plus volatile. Les réseaux sociaux aidant, l’opinion publique est de plus en plus fragmentée, faisant montre parfois d’évolutions en dents de scie et par à-coups. Bien évidemment, certaines parties soucieuses de faire tomber le gouverneme­nt se frottent déjà les mains, escomptant le coup de maillet par Ugtt interposée. Mais il ne faut guère sous-estimer la capacité de réaction gouverneme­ntale. Au cours des derniers mois, Youssef Chahed, le chef du gouverneme­nt, semble avoir appris lui aussi à louvoyer. Ses méthodes sont parfois douteuses et peu catholique­s, mais il semble de plus en plus efficace dans le maintien de son gouverneme­nt dans une espèce d’équilibre catastroph­ique. Et puis, dans ce genre de situation, la prudence est bonne conseillèr­e d’un côté comme de l’autre. Comme disait Talleyrand. «Tout ce qui est excessif est négligeabl­e».

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