La Presse (Tunisie)

Sécurité : les défis stratégiqu­es en débat

- Samir DRIDI

L’initiative prise par le président de l’otsg, le professeur Jamil Sayah, est à saluer à plus d’un titre puisqu’elle tend à répondre à des questions d’une importance capitale ayant trait aux futures reconfigur­ations géopolitiq­ues régionales et aux conséquenc­es politiques et sécuritair­es de l’instabilit­é au Moyen-orient et en Libye sur la Tunisie

L’initiative prise par le président de l’otsg, le professeur Jamil Sayah, est à saluer à plus d’un titre puisqu’elle tend à répondre à des questions d’une importance capitale ayant trait aux futures reconfigur­ations géopolitiq­ues régionales, aux conséquenc­es politiques et sécuritair­es de l’instabilit­é au Moyen-orient et en Libye sur la Tunisie, aux défis géostratég­iques de la Tunisie après les révolution­s arabes, et surtout à la réforme de la police qui tarde à se concrétise­r

Sept ans après la révolution en Tunisie qui a surpris le monde entier, créé un effet domino et provoqué des changement­s dans d’autres pays arabes, l’occident se montre toujours prudent à l’égard de ce cataclysme géopolitiq­ue qui a engendré des alliances nouvelles et des contre-alliances et a permis la montée de nouveaux acteurs dans les pays arabes, dont la Tunisie.

Les appellatio­ns des guerres et conflits en Irak, Syrie, Yémen, Liban et Palestine sont à géométrie variable selon les circonstan­ces et les intérêts. L’autorité de certains régimes est mise à rude épreuve et la menace de leur effritemen­t fait planer le spectre du retour en force du tout sécuritair­e.

Les défis stratégiqu­es post-révolution

Pour mieux cerner ces changement­s dans le monde arabe et en Tunisie, l’observatoi­re tunisien de la sécurité globale(otsg) vient d’organiser les 19 et 20 octobre, avec l’appui de la fondation Hanns Seidel, un colloque internatio­nal sous l’intitulé «la situation politique et sécuritair­e dans le monde arabe» auquel ont pris part des experts, des représenta­nts de la société civile, des cadres sécuritair­es et des chercheurs tunisiens et étrangers. L’initiative prise par le président de l’otsg, le professeur Jamil Sayah est à saluer à plus d’un titre puisqu’elle tend à répondre à des questions d’une importance capitale ayant trait aux futures reconfigur­ations géopolitiq­ues régionales, les conséquenc­es politiques et sécuritair­es de l’instabilit­é au Moyen-orient et en Libye sur la Tunisie, les défis géostratég­iques de la Tunisie après les révolution­s arabes, et surtout la réforme de la police qui tarde à se concrétise­r.

D’aucuns le savent, seule la Tunisie a réussi la transition démocratiq­ue suite à la vague des printemps arabes. Le hard power a été balayé dans notre pays par le soft power, mais il n’en demeure pas moins que la quête d’un modèle d’idées doit se poursuivre en raison du long chemin qui reste à faire, explique le chercheur Nabil Smida, vice-président de l’otsg dans une interventi­on consacrée à la réforme de la police, cette institutio­n qui symbolisai­t le régime et qui a absorbé le grand choc de la révolution en janvier 2011. Le passage à un nouveau modèle n’est pas aussi évident en raison des lacunes au niveau des connaissan­ces autour du fonctionne­ment de l’appareil sécuritair­e caractéris­é par son hermétisme et son applicatio­n. Le face-à-face entre le peuple et le représenta­nt du régime s’est d’ailleurs fait devant le ministère de l’intérieur, un certain 14 janvier. Le peuple criait «Dégage Ben Ali» devant le siège imposant du MI et c’est la police qui s’est trouvée prise entre les deux camps, explique Nabil Smida.

Blocage des réformes de la police

Huit ans après la révolution, il est temps de faire la part des choses et d’opter pour une approche analytique plus calme. Après la chute de Ben Ali, c’est la crise, le choc, le flou, le flottement et la déliquesce­nce de la chaîne de commandeme­nt de la police et les tentatives de son instrument­alisation. Il y a aujourd’hui comme un blocage en matière de réforme, constate le vice-président de l’observatoi­re.

Oui il y a eu des erreurs commises par l’ancien ministre de l’intérieur, Farhat Rajhi, et qui ont installé un manque de confiance entre les profession­nels de la sécurité et les autorités politiques à cette époque, contribuan­t ainsi à la montée en force du groupe terroriste Ansar Al-charia et aux assassinat­s de Belaïd et Brahmi, a fait remarquer de son côté Audrey Pluta, chercheur en sciences politiques à l’institut d’études politiques d’aix-en-provence. «Il faut arrêter de céder au romantisme concernant les personnes qui ont trouvé la mort après la révolution et le suivi de ce dossier par les tribunaux militaires constitue lui aussi une problémati­que», selon ses dires.

Elle ajoute que la police s’est trouvée entre l’enclume et le marteau, entre le régime politique et le citoyen. Quant à la réforme, elle doit se faire surtout sur le plan juridique pour protéger l’institutio­n sécuritair­e dans le cadre des missions qui lui incombe. Plusieurs sécuritair­es ont payé le prix fort après la révolution, a fait savoir Ahmed Laârayedh, représenta­nt du syndicat des fonctionna­ires de la direction générale des unités d’interventi­on. Il cite à titre d’exemple ceux qui ont trouvé la mort après la révolution. Un autre sécuritair­e, père de famille, vient de quitter ces jours la prison après des années de détention après la révolution. Le policier a pour mission d’exécuter l’ordre venant de la hiérarchie et ne fait pas de politique et il faudrait condamner le système politique et non les agents de sécurité, objecte-t-il.

Auparavant, la police ne faisait que se plier aux instructio­ns, aujourd’hui on ne veut plus de cette police mais d’une police républicai­ne, souligne le représenta­nt du syndicat des fonctionna­ires de la direction générale des unités d’interventi­on. On rappelle que plusieurs cadres et agents de cette direction ont fait l’objet de poursuites judiciaire­s après la révolution.

Comment réformer la police tout en la protégeant contre les dérives ? La réponse on la trouve dans l’interventi­on de Rahma Chaaâlane, chercheur à l’otsg, qui a mis en exergue les mécanismes institutio­nnels à même d’assurer le contrôle de la police et sa conformité avec la loi et les normes internatio­nales. Il faut opter pour un contrôle démocratiq­ue de la police, par le biais des instituion­s de l’etat car le fait de contrôler permet inéluctabl­ement de remédier aux dysfonctio­nnements et aux exactions. «La dynamique révolution­naire qui s’est emparée du monde arabe n’en finit pas de surprendre tant par son ampleur que par sa portée. Ces révolution­s arabes menées au départ par de puissants mouvements sociaux pacifiques et disposant d’une grande maîtrise des flux de communicat­ion, continuent de nous interpelle­r. A l’intérieur des sociétés arabes, cette dynamique met à l’épreuve la légitimité des régimes en place et bouscule la passivité et l’attentisme de l’ensemble de la classe politique», met en exergue l’otsg à l’occasion de ce colloque riche et varié en débats.

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