Ni bavure ni «non-etat»
DEPLORABLE. Une mort d’homme est toujours déplorable, regrettable et condamnable. Le décès du jeune homme de 18 ans à Sidi Hassine, hier, suite à une descente de la douane qui a tourné en échauffourées avec les habitants de ce quartier populaire de la capitale remet à la surface une problématique grave qu’on croyait résolue. L’usage de la force par les forces armées : quand, comment et pourquoi ?
S’agissant de cet incident, le pourquoi représente à lui seul une problématique nationale parmi les plus complexes à laquelle est confronté tout le pays, gouvernants et citoyens. Il s’agit de la lutte contre la contrebande qui, à la connaissance générale, a pris de l’ampleur et a mis l’économie nationale à genoux, ou y a du moins contribué. Car qui dit contrebande dit entrepôts clandestins de marchandises, circuits de distribution parallèles, évasion fiscale, spéculations, flambées des prix, pénuries, etc. Tout ce qui a fortement contribué à dégrader le pouvoir d’achat et le niveau de vie des Tunisiens. La classe ouvrière s’est davantage appauvrie, la classe moyenne a carrément disparu et, paradoxalement, une nouvelle catégorie de nouveaux riches, non classés, a émergé.
Les Tunisiens sont tous conscients de ce grave dysfonctionnement et le contestent. Ils ont appelé les divers gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 à faire face à ce phénomène, qui existait certes avant cette date mais qui a pris de l’ampleur depuis. La prise de conscience générale à l’égard de cette grave menace contre la sécurité alimentaire et nationale est telle qu’une loi sur l’enrichissement illicite et le blanchiment d’argent, notamment celui de la contrebande, a été adoptée dans l’espoir de contenir ce fléau, ou au moins le réduire. Dans l’accord conclu lundi dernier, l’ugtt exigeait encore une fois du gouvernement d’agir pour mettre un terme aux circuits de distribution parallèles pour stabiliser les prix à la consommation et apaiser un tant soit peu la colère et le ras-le-bol des citoyens. Les services de la douane et les agents de la garde nationale procèdent à des saisies quasi-quotidiennes de l’ordre de milliards sans que le flux des marchandises détournées du circuit officiel n’accuse de baisse. Et malheureusement, des victimes sont comptées d’un côté comme de l’autre. C’est regrettable, mais l’erreur, la maladresse et même la bavure sont parfois inévitables.
On ne veut pas de mort d’homme, d’un côté ou de l’autre, dans quelque circonstance que ce soit. Mais il faut que nous nous rendions à l’évidence que nous sommes tous concernés par la lutte, dans le respect de la loi, contre la contrebande et le commerce parallèle. Ces deux tares hypothèquent au plus bas mot deux points de croissance en ces moments de crise économique profonde. Il y va de l’intérêt général. Sinon, c’est le «non-etat» et le chaos général.
on ne veut pas de mort d’homme dans quelque circonstance que ce soit. mais il faut que nous nous rendions à l’évidence que nous sommes tous concernés par la lutte, dans le respect de la loi, contre la contrebande et le commerce parallèle. Il y va de l’intérêt général. sinon, c’est le «non-etat» et le chaos général