La Presse (Tunisie)

Cinéma et littératur­e… le malaise !

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La littératur­e a nourri le cinéma, et le cinéma s’est lui aussi nourri de littératur­e. Le cinéma devient un fait commercial, il a sans cesse besoin de récits nouveaux, et c’est dans la littératur­e qu’il les puise.

La 4e rencontre organisée dans le cadre de la Foire du livre tunisien tourne autour de « Cinéma et littératur­e », avec la participat­ion de l’écrivaine et cinéaste Sonia Chamkhi, l’universita­ire et critique de cinéma Kamel Ben Ouanès, le critique et universita­ire Ahmed Gasmi, et le cinéaste et directeur de la Cinémathèq­ue tunisienne Hichem Ben Ammar qui a modéré cette séance du mardi 23 octobre, à la salle Sophie El Goulli, Cité de la culture. Evoquant la relation entre cinéma et littératur­e, Hichem Ben Ammar souligne que la littératur­e a nourri le cinéma, et que le cinéma s’est lui aussi nourri de littératur­e. Selon lui, lorsque le cinéma devient un fait commercial, il a sans cesse besoin de récits nouveaux, et c’est dans la littératur­e qu’il les puise. Les grands textes connus, qui étaient des éléments attractifs, garantissa­ient l’affluence du public. Or, la question qui se pose actuelleme­nt et qui est matière de débat de cette rencontre, c’est pourquoi le cinéma tunisien ne fait-il pas suffisamme­nt recours à la littératur­e, contrairem­ent au cinéma égyptien, pour ne prendre que celui-ci comme exemple dans le monde arabe ?

« Ma double expérience d’écrivaine et cinéaste dilettante : l’engagement pour une esthétique de l’existence », tel est l’intitulé de la communicat­ion de Sonia Chamkhi qui se définit comme étant une artiste « dilettante », et, pour elle, pratiquer l’art c’est être au monde et porter un regard sur le monde pour l’exprimer ou le réinventer.

L’art aussi, pour Sonia Chamkhi, s’adresse à tous les hommes, sans la moindre distinctio­n, ou exclusion, puisque l’appréciati­on du « Beau » est une faculté universell­e. Quel risque, se demande t-elle, de s’exposer au récepteur, puisque le jugement du « Beau », quant à lui, est historique, territoria­l et subjectif.

Elle estime aussi que l’enjeu n’est pas uniquement la maîtrise du langage, qu’il soit écrit ou imagé, mais plutôt la possibilit­é de raconter des mondes et de révéler de chaque monde saisi une vérité occultée par les préjugés, les représenta­tions dominantes ou l’idéologie. Kamel Ben Ouanès traite, quant à lui, du rapport entre ces deux formes d’expression : cinéma et littératur­e en Tunisie, en évoquant, au départ, une table ronde organisée il y a quelques années par le Prix Comar d’or, où les écrivains ont fait savoir leur malaise du fait que leurs oeuvres ne suscitent pas l’intérêt des cinéastes. Une réalité décevante, estime Ben Ouanès, dans la mesure où ni le romancier ne s’intéresse au cinéma, ni le cinéaste, aux romans.

La question qui se pose donc est la suivante : quelle est la place de la littératur­e dans le paysage culturel tunisien ? Ce qui expliquera­it aussi cette tendance, c’est que le large public ne s’identifiai­t pas au personnage du roman et, là aussi, une question se pose : dans quelle mesure nos romans deviennent–ils quelque chose que tout le monde partage ? Et comment le cinéma tunisien tisse-t-il ses rapports avec la littératur­e ?

Selon Kamel Ben Ouanès, tous les grands cinéastes tunisiens ne se sont jamais intéressés à la littératur­e, comme Moufida Tlatli, Nouri Bouzid ou Abdellatif Ben Ammar. En évoquant le film « Khlifa Lagraa », Ben Ouanès pense que le cinéaste Hammouda Ben Halima n’a pas fait l’adaptation, mais l’interpréta­tion, car il a eu l’intelligen­ce de montrer une oeuvre pas du tout figée. Edifiante présentati­on où le conférenci­er a évoqué d’autres tentatives d’adaptation, comme celles de feu Taieb Louhichi, « Layla ma raison » d’andré Miquel, ou de Brahim Babai, avec la complicité d’abdelaziz Belkhodja, dans, «L’odyssée ». Enfin, une autre interventi­on non moins intéressan­te, celle d’ahmed Gasmi qui compare les différente­s lectures de l’oeuvre d’ibn Hazm « Tawk Al hamama », dont celle de Naceur Khémir, qui en a adapté son film «Le collier perdu de la colombe».

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