Les dangers de la non-communication
Les déclarations se suivent et se succèdent, les unes plus graves et plus étonnantes que les autres, sans qu’aucune réponse des autorités officielles ne vienne éclairer la lanterne de l’opinion, et sans que la justice ne manifeste le moindre intérêt à l’ouverture d’une enquête judiciaire suite aux dernières révélations du comité de défense des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Accuser le ministère de l’intérieur d’abriter une chambre noire où seraient stockés des dossiers compromettants et des preuves irréfutables sur l’implication de hauts dirigeants politiques et sécuritaires dans les deux assassinats politiques n’est pas une affaire qui peut passer en sourdine. Impliquer les appareils de l’etat dans la dissimulation des preuves et accuser la présidence du gouvernement de couvrir les commanditaires, sans que les parties accusées ne se manifestent pour donner des explications ou pour démentir, relève du surréalisme, sachant que toutes les limites du politiquement incorrect ont été franchies.
Par ailleurs, il y a lieu de se demander pourquoi ces « preuves » sont-elles apparues maintenant ? Le comité de défense avance que certains documents compromettants datent de 2013, de l’ère de la Troïka. Depuis cette date, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts des uns et des autres et le consensus Caïd Essebsi-ghannouchi a été la barque qui a sauvé tout le monde en 2014 de la noyade dans un bain de sang. Aujourd’hui, la crise politique est à son summum et les tensions entre les deux plus grands partis politiques menacent de se transformer en confrontations. Les enjeux électoraux de 2019, s’il s’agit de cela, ont-ils dépassé l’entendement ? Ou, comme le soutiennent des observateurs avertis, ces enjeux obéiraient-ils à des manoeuvres de l’étranger ?
Une certitude : tant que l’information sera retenue à la source, le lourd silence qui en résulte continuera d’alimenter toutes sortes d’analyses et d’hypothèses.
Et le plus à craindre est l’ambiance d’insécurité qui pèse à l’échelle nationale et qui augmente l’inquiétude des citoyens et leur désespoir. Une autre certitude : la sortie de la Tunisie de l’impasse politique et de la crise économique est la responsabilité de tous les Tunisiens, sans exclusive.
Si la Tunisie a fait des pas de géant depuis 2011 sur la voie du processus démocratique et est en passe d’amorcer un décollage économique, comme l’affirment aujourd’hui les instances internationales, il ne sera pas difficile aux Tunisiens de résoudre leurs problèmes internes, entre eux et sans bain de sang. Ils l’ont déjà prouvé. Autrement dit, ils sont appelés aujourd’hui à user de toute la sagesse politique et de leur fibre patriotique pour trouver la solution idoine qui sauvera le pays de l’irréparable, et ce, sans que le peuple n’ait à payer la facture.
En 2014, c’était le consensus contre nature ; aujourd’hui, ce sera autre chose. Il faudra la trouver.