La Presse (Tunisie)

Erdogan : « Nous avons donné les enregistre­ments » à Riyad, Washington, Paris…

Le chef de l’etat turc insiste pour que soit révélé l’emplacemen­t du corps de Khashoggi, qui n’a toujours pas été retrouvé plus d’un mois après sa mort

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AFP — Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a confirmé hier l’existence d’enregistre­ments portant sur le meurtre du journalist­e Jamal Khashoggi le 2 octobre dans le consulat saoudien d’istanbul, affirmant les avoir partagés notamment avec Riyad, Washington et Paris.

«Nous avons donné les enregistre­ments, nous les avons donnés à l’arabie saoudite, nous les avons donnés à Washington, aux Allemands, aux Français, aux Anglais», a déclaré le chef de l’etat lors d’une conférence de presse télévisée.

La présidence a ensuite précisé que les enregistre­ments ont été écoutés, mais qu’aucun document écrit n’a été partagé.

«Ils ont écouté les conversati­ons qui ont eu lieu ici, ils savent», a poursuivi M. Erdogan, sans pourtant donner de détails sur le contenu de ces enregistre­ments. L’éditoriali­ste Jamal Khashoggi, collaborat­eur du Washington Post, a été tué par un commando saoudien le 2 octobre au consulat saoudien d’istanbul, où il s’était rendu pour des démarches administra­tives.

Après avoir d’abord fermement nié son meurtre, les autorités saoudienne­s ont fini par affirmer que le journalist­e a été tué au cours d’une opération «non autorisée» par Riyad.

Mais dans une tribune publiée le 2 novembre par le Washington Post, le président Erdogan a accusé les «plus hauts niveaux du gouverneme­nt saoudien» d’avoir commandité le meurtre, tout en excluant le roi Salmane.

Si le dirigeant turc prend garde à ne pas nommer directemen­t de coupable, la presse turque proche du pouvoir et des responsabl­es turcs s’exprimant sous couvert d’anonymat n’ont eu de cesse d’impliquer le prince héritier, Mohamed Ibn Salmane. Certains médias et responsabl­es turcs ont par ailleurs rapidement affirmé qu’ankara détenait un enregistre­ment audio du meurtre et qu’il avait été partagé avec la directrice de la CIA Gina Haspel lors d’un déplacemen­t en Turquie fin octobre.

Mais l’existence de tels enregistre­ments n’avait pas encore été confirmée officielle­ment.

Dissous dans de l’acide

La Turquie et l’arabie Saoudite ont ouvert des enquêtes sur ce meurtre, mais une extrême méfiance règne entre les autorités de ces deux pays rivaux. Le président turc a ainsi insisté hier que les quinze personnes envoyées à Istanbul pour perpétrer le meurtre et qui sont actuelleme­nt détenues en Arabie saoudite «connaissen­t très bien le ou les meurtriers».

«Et les autorités saoudienne­s devraient réussir à révéler cela en les faisant parler», a-t-il ajouté. Ankara a demandé l’extraditio­n de ces suspects, sans succès. Le chef de l’etat turc a également insisté pour que soit révélé l’emplacemen­t du corps de Khashoggi, qui n’a toujours pas été retrouvé plus d’un mois après sa mort.

Fin octobre, le parquet d’istanbul a affirmé que le journalist­e, critique du pouvoir de Riyad, avait été tué dès son entrée dans le consulat et que son corps avait été démembré.

Un conseiller de M. Erdogan, Yasin Aktay, a affirmé la semaine dernière que le corps a été découpé pour être dissous «plus facilement».

Le quotidien progouvern­emental Sabah a révélé hier que le corps de l’éditoriali­ste a été déversé dans les canalisati­ons après avoir été dissous.

En effet, selon le journal qui ne cite pas de source pour ces informatio­ns, l’examen des prélèvemen­ts effectués dans les canalisati­ons de la résidence du consul saoudien à Istanbul, toute proche du consulat, a permis de détecter des traces d’acide. Interrogé à ce sujet, M. Erdogan a simplement déclaré que la Turquie n’a «aucun document ou trouvaille à propos du défunt Khashoggi».

M. Erdogan s’exprimait hier avant de décoller pour Paris, où il se rend à l’invitation de son homologue français Emmanuel Macron, pour participer aux commémorat­ions du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Au cours de ce voyage, le chef de l’etat turc a déjà annoncé qu’il rencontrer­ait certains dirigeants étrangers. Il a affirmé hier qu’il s’entretiend­rait notamment, «si nous en trouvons l’occasion», avec le président américain Donald Trump, avec lequel il a eu une conversati­on téléphoniq­ue «peu avant» sa conférence de presse.

MM. Trump et Erdogan se sont déjà entretenus à plusieurs reprises à propos du meurtre de Jamal Khashoggi, qui s’était exilé aux Etats-unis en 2017. Washington met la pression sur Riyad pour que cette affaire soit élucidée, mais semble accorder le bénéfice du doute à Mohamed Ibn Salmane, un puissant allié des Etats-unis au Moyen-orient.

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