Ce sont bien des héros !
Parmi les belles découvertes que nous offrent les JCC, «We could be heroes», un long métrage documentaire signé Hind Bensari. Encore une fois, on se retrouve en pleine aventure humaine où nous sommes guidés par les émotions et à suivre un rêve porté par des personnages d'exception.
Le mérite du genre documentaire est de nous faire partager les passions de personnes qui nous sont étrangères, intégrer des vies qui ne sont pas forcément proches de nous, et surtout nous montrer des héros de tous les jours, des combats au quotidien pour la dignité et la reconnaissance. C’est ce que nous a offert «We could be heroes» (On aurait pu être des héros), un titre en référence à la chanson de Bowie.
Handicap et jeux paralympiques, ce sont deux mots qui n’avaient pas une résonance particulière pour Hind Bensari, et c’est par pur hasard qu’elle s’est trouvée à suivre de près le parcours étonnant de deux amis d’enfance en situation de handicap, Azzedine et Youssef, qui étaient déterminés à participer aux Jeux paralympiques de Rio de 2016. Azzedine est déja champion du monde du lancer de poids sur chaise et prépare les JO de Rio 2016. Il incite son ami d’enfance Youssef à relever le défi de se qualifier malgré ses moyens rudimentaires.
C’est dans une construction poétique et intimiste que Hind Bensari a choisi de mettre en image l’injustice sociale, filmant la rage de vaincre plus que la victimisation. Justement Azzedine et Youssef ne se considèrent pas comme victimes, ils ne se lamentent pas, ils ne pleurnichent pas... Ils revendiquent le droit d’exister, leur part de soleil, le droit d’aspirer au meilleur dans un système qui ne reconnaît pas le handicap et ne prévoit nullement l’infrastructure qu’il faut pour les soutenir et les stimuler. L’exclusion semble être le maître mot de «We could be heroes», un diktat que Azzedine et Youssef tentent de briser par la seule force du sport, de l’espoir et du dépassement de soi. Malgrè tout et tous, ce duo d’exception garde la rage de vaincre, c’est leur seule bouée de sauvetage, la seule possibilité d’accéder au titre de citoyen. Car avoir un titre paralymplique équivaut à une reconnaissance de l’etat et donne le droit à un salaire fixe. Mais, malgré leurs titres, Azzedine et ses compagnons n’ont reçu que négligence et déni.
Leur sit-in, la scène finale du film résume toute la problématique du film, quand les services de l’ordre interviennent pour casser le sit-in, agressent et tabassent ce groupe de sportifs de haut niveau, qui, quelques mois auparavant, étaient acclamés pour leurs prouesses sportives.
De cette vidéo filmée par un téléphone portable, on ne peut pas rester de glace face aux appels de Azzedine, réclamant ses droits... Le droit de protester, le droit de crier, de revendiquer et d’exiger qu’on l’écoute, qu’on le regarde et qu’on reconnaisse son mérite.
Tel serait le sort de tous ceux qui sont à la marge, qui ne sont pas dans «l’ordre des choses». Tout semble dire que le système ne reconnaît pas la différence, la défaillance, la non-assimilation... Alors que Azzedine et son ami Youssef nous donnent une leçon de vie et de dépassement de leurs limites. Le droit de rêver est un droit, plus que légitime, le droit à la vie n’est pas négociable.
Si le film raconte les luttes des exclus à la conquête de l’extraordinaire pour faire face à l’injustice qu’ils subissent, il nous apprend aussi beaucoup sur nous-mêmes, sur le regard que nous portons sur l’autre et surtout sur le rôle que peut jouer le cinéma comme moyen de dénonciation des injustices, et de militer pour donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.