Bilan, programme et mises au point
Dès le début de la plénière, hier matin, consacrée au vote de confiance pour le large remaniement ministériel opéré par le chef du gouvernement, Youssef Chahed était assuré d’obtenir la majorité. Un vote qui constituerait pour lui indirectement un renouvellement de confiance en sa personne. Même le boycott de Nida Tounés, deuxième groupe à l’assemblée, n’a pas pu se mettre en travers du prochain gouvernement Chahed III.
Dès le début de la plénière, hier matin, consacrée au vote de confiance pour le large remaniement ministériel opéré par le chef du gouvernement, Youssef Chahed était assuré d’obtenir la majorité. Un vote qui constituerait pour lui indirectement un renouvellement de confiance en sa personne. Même le boycott de Nida Tounès, deuxième groupe à l’assemblée, n’a pas pu se mettre en travers du prochain gouvernement Chahed III
Voulant marquer le coup, le président du groupe Nida Tounès, Sofiene Toubel, a fait savoir que son parti «continuera à boycotter les séances plénières jusqu’à ce que le gouvernement applique la décision de L’ARP concernant la fin du mandat de l’instance vérité et dignité». Un argument qui cache toutefois un malaise chez le parti vainqueur des élections législatives de 2014, puisque quelques minutes plus tard, Fatma Mseddi (députée de Nida qui a pourtant souhaité prendre part à la séance plénière), déclare: «Mon groupe parlementaire a boycotté la séance pour cause de vice de procédure». Un cafouillage qui démontre que la manoeuvre de Youssef Chahed a été vécue, comme le dit ouvertement les dirigeants de Nida Tounès, comme un «putsch». «Putsch !», le mot est repris ironiquement par le chef du gouvernement, qui s’adresse directement à ses détracteurs: «Contrairement à beaucoup d’autres, nous sommes des démocrates, nous n’aimons pas et nous ne voulons pas de coups d’etat, ni doux, ni rugueux !».
Déférence à l’égard du chef de l’etat
Dans un exercice de style qui a duré une vingtaine de minutes, Youssef Chahed a expliqué aux parlementaires et à l’opinion publique qu’il n’a fait qu’appliquer la Constitution dans laquelle il n’y a pas de «premier ministre» mais «un chef de gouvernement disposant de prérogatives absolues de choisir les ministres et secrétaires d’etat, tant que cela ne touche pas aux portefeuilles des Affaires étrangères et de la Défense». Des explications qui lèvent toute équivoque et qui démontrent que Youssef Chahed s’affranchit officiellement de celui qui l’a nommé à ce poste. Malgré tout, le chef du gouvernement tient à afficher une certaine déférence à l’égard du président de la République Béji Caïd Essebsi. «Il ne me serait jamais venu à l’esprit de porter à atteinte à Son Excellence M. le président de la République, ou d’amoindrir le rôle qu’il a joué dans notre régime politique», a-t-il déclaré. Par contre, il n’a pas manqué de tacler, à plusieurs reprises, sa propre famille politique dont il est encore membre, allant même jusqu’à les accuser, de manière à peine voilée, d’être à la solde des barons de la corruption, non contents de la guerre que mène le gouvernement pour en finir avec ce fléau. «Tantôt directement, tantôt derrière des rideaux; cachées derrière d’autres visages et d’autres noms, les forces de la corruption veulent faire avorter ce processus à travers un détournement de l’attention de l’opinion publique vers des batailles marginales en vue d’épuiser ceux qui luttent contre la corruption», a fait savoir Youssef Chahed. Dans son décryptage du discours du chef du gouvernement, Karim Helali, membre de la Coalition nationale, note «qu’il ne faudrait pas oublier que Chafik Jarraya disposait de son propre bloc parlementaire à L’ARP».
Un bilan relativement positif
Dans son discours d’ouverture, le chef du gouvernement passe en revue un certain nombre de résultats qu’il estime «positifs» et représenteraient, selon lui, un succès malgré «les tirs amis et les bombardements aveugles». Ainsi, il indique que plusieurs indicateurs de l’économie tunisienne se sont améliorés et notamment l’investissement «qui s’est amélioré ces deux dernières années». Tout comme «l’exportation et la production de plusieurs secteurs à l’instar des industries mécaniques et électriques, du textile et de l’agriculture». Il cite également les bons chiffres du tourisme ainsi que l’augmentation du taux de croissance à 2,5% au premier trimestre et à 2,8% au deuxième trimestre. Youssef Chahed estime par ailleurs que ces chiffres auraient pu être meilleurs si le travail gouvernemental n’avait pas été perturbé.
«Nous n’avons jamais dit aux Tunisiens que les choses allaient s’améliorer en une ou deux années, je m’étais engagé devant vous lors du votre de confiance qu’à l’horizon 2020, les indicateurs allaient retrouver leur chemin pour passer au vert», a-t-il déclaré.
Le programme du gouvernement Chahed III
Insistant principalement sur le volet économique, le chef du gouvernement a promis de continuer à booster les indicateurs de croissance et d’investissement, et ce, notamment en «continuant à investir dans l’infrastructure» à l’instar du nouveau pont de Bizerte, le port en eaux profondes d’enfidha ou encore l’autoroute Tunis-jelma. Youssef Chahed a également tracé comme objectif de créer des emplois et d’encourager les initiatives personnelles à travers un meilleur soutien aux fonds d’amorçage pour le financement des projets et la mise en place de la banque des régions. Sur le plan des équilibres financiers de l’etat, Youssef Chahed a affirmé son intention de poursuivre la maîtrise du déficit public pour limiter ce déficit à 3,9% du PIB en 2019. Même ambition en ce qui concerne le déficit commercial, seul rempart contre la poursuite de la chute du dinar.
Le chef du gouvernement estime que c’est la hausse vertigineuse du prix du baril de pétrole qui a grandement contribué à la crise économique. C’est la raison pour laquelle Youssef Chahed souhaite rationaliser la consommation énergétique et favoriser davantage les énergies renouvelables. D’ici 2030, il espère que les énergies renouvelables participeront à 30% du total de la consommation énergétique. Le chef du gouvernement a donné dans ce sens le coup d’envoi au programme d’audit énergétique qui touchera les 350 municipalités ainsi que la réalisation de travaux en faveur de 65.000 logements sur 5 ans, d’une valeur de 320 millions de dinars.