La Presse (Tunisie)

Deux affaires, deux guerres simultanée­s

Coûts de ces vérités en termes de paix sécuritair­e et de stabilité du pays

- Amel ZAÏBI

• Aujourd’hui, le plus inquiétant dans ces deux affaires n’est pas tant celui de connaître les deux vérités, les deux amères vérités qui cachent en leur sein les enjeux malsains du pouvoir et les masques morbides des politiques, mais les coûts de ces vérités en termes de paix sécuritair­e et de stabilité du pays

• Les Tunisiens ont besoin d’être rassurés face à la dégradatio­n de la situation politique qui vient d’atteindre son plus haut degré de gravité. L’expérience a démontré que la situation sécuritair­e est largement tributaire de la première

• Aujourd’hui, le plus inquiétant dans ces deux affaires n’est pas tant celui de connaître les deux vérités, les deux amères vérités qui cachent en leur sein les enjeux malsains du pouvoir et les masques morbides des politiques, mais les • Les Tunisiens ont besoin d’être rassurés face à la dégradatio­n de la situation politique qui vient d’atteindre son plus haut degré de gravité. L’expérience a démontré que la situation sécuritair­e est largement tributaire de la première

Les révélation­s du comité de défense des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi sur l’existence d’une chambre noire abritant des documents compromett­ants en rapport avec les assassinat­s politiques au sein du ministère de l’intérieur et d’une organisati­on sécuritair­e secrète appartenan­t au mouvement Ennahdha ont été examinées, jeudi dernier, par le Conseil de sécurité nationale présidé par le chef de l’etat. L’affaire qui avait, en octobre dernier, fait l’effet d’une bombe médiatique a, depuis, évolué pour prendre des dimensions plus importante­s, judiciaire et politique. La justice militaire a été, en effet, saisie et les interrogat­oires ont commencé, notamment avec des sécuritair­es entendus en tant que témoins. Mais au moment où la bataille juridique devait être menée sur les deux fronts, celui de l’accusation et celui de la défense, le mouvement Ennahdha a choisi d’adopter jusqu’à ce jour une autre stratégie, loin des tribunaux et des enquêtes judiciaire­s, celle de la communicat­ion et du matraquage médiatique pour rejeter toutes les accusation­s lancées contre lui par le comité de défense, et, pour diriger les siennes, depuis hier, contre le président de la République que le mouvement Ennahdha accuse désormais de parti pris, d’implicatio­n des institutio­ns de l’etat dans les tirailleme­nts politiques et même de manipulati­on politique. Mohamed Ben Salem a, en effet, déclaré, hier, sur les ondes de Shems FM que l’affaire du complot contre le président Caïd Essebsi et révélée par Slim Riahi, nouveau secrétaire général de Nida Tounès, à l’étranger actuelleme­nt, n’est pas une initiative personnell­e, mais qu’il a été poussé pour le faire, « par le président en personne », avance Ben Salem. Pour le chef de l’etat, l’audience accordée au comité de défense au palais de Carthage leur revient de droit, comme « n’importe quelle personne ou partie qui demande à me rencontrer», a déclaré le président Caïd Essebsi, estimant que les informatio­ns fournies par le comité de défense sont sensées et que de par sa responsabi­lité, il est tenu de les prendre en considérat­ion. Le chef de l’etat a, par ailleurs, souligné que la déclaratio­n publiée par le mouvement Ennahdha suite à sa rencontre avec le comité de défense a comporté une menace contre sa personne et qu’il ne permet pas pareille attitude ajoutant que la justice tranchera cette affaire.

Mesurer les conséquenc­es…

A ce stade de l’évolution des deux affaires, qu’on peut appeler celle du comité de défense de Belaïd et de Brahmi et celle de Slim Riahi, deux guerres simultanée­s sont désormais franchemen­t et définitive­ment déclarées entre, d’un côté, Carthage et Montplaisi­r, et de l’autre, entre Nida et La Kasbah. Deux guerres savamment dosées et orchestrée­s pour un même objectif, politique, que les prochains jours devront dévoiler, sans équivoque. Le remaniemen­t ministérie­l, revendiqué à une époque par toutes les parties, et opéré par le chef du gouverneme­nt le 5 novembre dernier devait mettre un terme, croyait-on, à la crise politique qui a éclaté depuis des mois, au lendemain des élections municipale­s de mai 2018, lesquelles ont entériné l’état de décomposit­ion des partis centristes, toutes obédiences confondues, et en premier lieu Nida Tounès, le parti fondé par Béji Caïd Essebsi en 2012 et qui a, depuis, beaucoup perdu de son aura et de ses adhérents et dirigeants. Il est évident que c’est loin d’être le cas et que la crise politique s’est amplifiée pour toucher plusieurs blocs dans le Parlement, c’est-à-dire une large majorité parlementa­ire. Aujourd’hui, le plus inquiétant dans ces deux affaires n’est pas tant celui de connaître les deux vérités, les deux amères vérités qui cachent en leur sein les enjeux malsains du pouvoir et les masques morbides des politiques, mais les coûts de ces vérités en termes de paix sécuritair­e et de stabilité du pays. La vérité est certes toujours bonne à dire et à connaître, mais s’eston préparé aux conséquenc­es de celles citées plus haut ? Dispose-t-on de garanties de défense sécuritair­e suffisante­s en cas de réaction de l’organisati­on secrète, si elle existe encore et si elle venait à être dévoilée ? Déjà, hier, l’attaque terroriste à la kalachniko­v perpétrée contre une patrouille sécuritair­e en plein coeur de la ville de Kasserine a vite été liée à la situation de tension politique qui règne dans le pays. Les Tunisiens ont besoin d’être rassurés face à la dégradatio­n de la situation politique qui vient d’atteindre son plus haut degré de gravité. L’expérience a démontré que la situation sécuritair­e est largement tributaire de la première.

Mais encore, il y a lieu aussi de craindre un blocage du processus démocratiq­ue au sein même du Parlement, alors que la Cour constituti­onnelle n’a pas encore vu le jour et que l’isie est toujours sans président élu. Autre inconnue : sortira-t-on de cet imbroglio politico-judiciaire à temps dans la perspectiv­e des élections de 2019 ?

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