Pour un changement du paradigme du développement régional (Suite et fin)
Le plan ambitieux pour les régions permettra de constituer, par étapes, 10 pôles urbains d’attractivité dans les régions intérieures tout en consolidant les métropoles littorales. Cette composante aménagement du territoire consiste en une correction, sur le long terme, des armatures urbaines des régions intérieures. Celle-ci vise la création de dix «métropoles d’équilibre» capables d’impulser le développement en attirant les investissements privés nationaux et étrangers.
Faire en sorte que, de façon progressive, sur une dizaine d’années, 2018-2028, dix villes, chefs-lieux de gouvernorats intérieurs, puissent constituer de véritables pôles d’attractivité qui seraient réalisés par la réhabilitation d’espaces ou de bâtiments existants et/ou la création d’espaces ou bâtiments nouveaux et ce en fonction d’un diagnostic approfondi de l’existant et des possibilités / nécessités de réaménagement, extensions et créations ex nihilo. L’essentiel étant d’assurer dans un rayon de proximité de l’armature urbaine existante (quelques kilomètres au maximum) la disponibilité, pour les entreprises et pour leurs personnels, de toutes les commodités d’un environnement attractif pour la production et pour le cadre de vie.
Chaque pôle d’attractivité abriterait 10 000 emplois à créer sur 10 ans, soit une population accueillie de l’ordre de 30 000 personnes. Soit un total, pour les 10 pôles d’attractivité, de 100 000 emplois (plus de la moitié des emplois à créer dans ces 10 gouvernorats) et 300 000 habitants sur 10 ans.
Les principales composantes d’un pôle d’attractivité sont les suivants :
• Un pôle de compétitivité/zone industrielle et de service sur un ou plusieurs sites
• Une offre rapide de bâtiments pour des activités industrielles, de service et d’off-shoring
• Une offre d’habitation assurée par la réhabilitation ou la construction de logements
• Une offre de services (hôtellerie, restauration, santé, sport et loisirs, zones vertes…)
• Une offre de formation/recherche (Institutions de formation et de recherche)
La réalisation puis la gestion de ces pôles d’attractivité serait confiée à une société d’économie mixte. Cela concrétisera par ailleurs un nouveau concept de gestion des grands projets.
2. Désenclaver, réduire les distances et rompre les divisions (les 3 D)
Il est, dans ce cadre, proposé de scinder le titre II en deux volets (investissements sociaux, investissements d’appui aux entreprises), et de lancer un grand programme de maintenance et de développement des infrastructures logistiques pour désenclaver les régions, assurer un arrimage ambitieux au reste du monde et connecter, définitivement et à un niveau de qualité international, les régions intérieures aux régions du littoral Est et au monde. Cela nécessite en particulier la remise en état des infrastructures délabrées et un grand rattrapage en équipements de tous les réseaux (autoroutes, routes, pistes, chemin de fer, réseaux TIC, plateformes logistiques, zones franches, etc.).
3- Mener des politiques de clusters et de filières ambitieuses à l’international
Il s’agit de développer des clusters, des filières cohérentes basées sur des chaînes de valeurs qui transcendent les secteurs et les régions. Mais il ne faut pas s’y tromper, ces notions doivent être abordées de manière non restrictive à l’aspect intégration physique de ressources naturelles locales mais élargie à l’intégration des facteurs immatériels de compétitivité à construire. L’objectif étant une intégration par le haut aux marchés internationaux pour faire en sorte que la mondialisation devienne une chance, une opportunité pour nos régions. Ainsi, si une part des productions de biens et services à promouvoir concernait les économies locales et régionales (transformation de produits agricoles, de marbre…), cette part resterait limitée, l’essentiel de ces productions devrait viser le marché mondial.
4-Renforcer les incitations et les financements
Des incitations renforcées (financières et fiscales) et des financements accrus (en capitaux et en crédits) sont indispensables pour contrebalancer les surcoûts actuels d’une implantation dans une zone de développement régional. Plusieurs études ont démontré que le système bancaire et financier ne répond pas aux besoins de financement des entreprises dans les régions. Dans un grand nombre de pays, des institutions et mécanismes publics ont été mis en place pour pallier cette déficience. Aussi, il est possible de pallier rapidement les grandes difficultés d’accès au financement et à des services de coaching compétents, que rencontre un grand nombre de jeunes promoteurs dans les régions, en injectant une centaine d’experts financiers dans les régions, cela pouvant se faire à travers la création d’un fonds de développement régional qui pourrait être géré par la Banque des régions et des PME.
5. Développer et assurer une gestion innovante des services au citoyen
A noter tout d’abord que les conditions de vie dépendent en particulier de la qualité des services publics. Le problème c’est, outre l’investissement dans ces services, la gestion de ceux-ci qui est souvent déficiente. Le service public peut être assuré en termes de gestion par le secteur privé dans le cadre de PPP bien négociés, la récente loi sur les PPP n’est pas adaptée à cet égard. Cela dit, l’amélioration des conditions de vie passe, en particulier, par les actions suivantes :
* Mettre à niveau les équipements publics et réformer leur mode de gestion, réhabiliter les structures sanitaires de première ligne et modernisation des hôpitaux régionaux. *Assurer la dotation des régions en cadres de haut niveau dans tous les domaines en instaurant une exonération de 25 % à 50 % de l’impôt sur le revenu de ces cadres qui exerceraient et résideraient dans les régions intérieures. * Lancer un programme national intégré de lutte contre la pauvreté au profit des catégories vulnérables et des personnes vivant dans la précarité.
* Mettre en place un millier de maisons du citoyen, qui pourraient occuper les maisons de jeunes ou de culture et dans lesquelles il y aurait un arbitre des conflits, un conseiller en éducation, un conseiller en santé, cela permettrait de créer plus de 10.000 emplois. * Rénover et réhabiliter les grands quartiers populaires des grandes villes de l’intérieur, l’objectif étant de couvrir 50 % des quartiers concernés dans cinq ans et construire des logements sociaux offerts en location-vente afin de permettre aux jeunes ménages une mobilité géographique. Qui et comment assurer le financement ?
6. Une gouvernance d’exception du développement régional (task forces régionales, lois et procédures d’exception)
La réalisation de ces actions nécessite assurément de doter les institutions d’appui et de financement au niveau régional, des ressources humaines adéquates et de modes d’intervention exceptionnels.
Dans ce cadre, il est proposé de mettre sur pied 10 Task forces régionales pilotées par une coordination nationale en les chargeant de deux taches principales :
- Piloter l’identification et le suivi de réalisation des projets régionaux d’infrastructure et d’amélioration des conditions de vie.
- Jouer un rôle de médiateur entre les promoteurs et les structures d’appui et de financement régionales tout en assurant une fonction de promotion du développement de la région au niveau national et international. D’autre part, plusieurs réglementations actuelles constituant un frein au développement d’initiatives nouvelles, les pouvoirs publics devraient avoir la possibilité d’adopter des lois d’exception permettant de promulguer certaines réformes par décret.
(*) (Membre du groupe développement régional du Conseil d’analyses économiques)