Le dialogue piétine
Les représentants des Gilets jaunes ont reçu des pressions venant de l’intérieur du mouvement… Paris se préparait hier à un troisième week-end chaud
AFP — Le gouvernement français ne parvient pas à organiser une concertation avec le mouvement populaire et multiforme des «gilets jaunes», à la veille de leur troisième week-end de mobilisation pour le pouvoir d’achat, un phénomène qui a fait pour la première fois tâche d’huile dans une autre capitale européenne: Bruxelles. Le rendez-vous d’une délégation de «gilets jaunes» avec le Premier ministre français, Edouard Philippe, a tourné au fiasco hier après-midi, avec la présence de seulement deux d’entre eux, dont l’un est ressorti presque aussitôt, alors que de nombreux politiciens appellent le gouvernement à faire un geste en direction des «gilets jaunes».
«Je souhaitais et j’ai demandé à plusieurs reprises à ce que cet entretien soit filmé et retransmis en direct à la télévision, cela a été refusé», a déclaré à la presse Jason Herbert, l’un des huit représentants désignés mais contestés, pour justifier son départ de la réunion. Le jeune homme était arrivé à Matignon vers 14h30, une demiheure après l’horaire prévu. Depuis l’annonce du rendezvous jeudi matin, le cabinet d’edouard Philippe n’a jamais été en mesure de dire qui et combien de personnes seraient reçues. «Aujourd’hui, nous ne sommes que deux, nous avons tous reçu d’énormes pressions. Je parle de menaces d’agression, verbales ou physiques, notre vie est en jeu», a affirmé M. Herbert, l’un des meneurs des «gilets jaunes» en Charente.
Le second «gilet jaune» reçu par Édouard Philippe et le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, est arrivé par une porte dérobée, sans passer devant la presse. Ni Matignon ni M. Herbert n’ont voulu révéler son identité.
Les pressions «ont été à 99% de la part d’autres gilets jaunes (...) pas des personnes pacifiques, des personnes radicales», a indiqué M. Herbert.
Une ministre exfiltrée
Le mouvement des «gilets jaunes», né de manière spontanée contre la taxation des carburants, évolue hors des structures de concertations traditionnelles, sans cadres. Par ailleurs, ses revendications ont évolué, tout en restant majoritairement axées sur le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Illustration des difficultés pour l’exécutif français à appréhender et à convaincre: la ministre des Outre-mer Annick Girardin a été exfiltrée par son service d’ordre lors d’une rencontre hier avec des manifestants «gilets jaune» de l’île de la Réunion, où la mobilisation est forte. Ces vaines tentatives gouvernementales surviennent à la veille d’un troisième week-end de mobilisation des «gilets jaunes» un peu partout en France. Samedi dernier, les images de heurts entre manifestants portant des gilets jaunes et les forces de l’ordre sur la célèbre avenue parisienne des Champs-elysées, avaient fait le tour du monde. Aujourd’hui, le périmètre de la fameuse avenue sera sous haute surveillance. La police laissera passer les piétons après les avoir fouillés et les voitures interdites. D’importants moyens policiers seront déployés dans la capitale, alors que certains commerçants insistent sur l’importance de leur chiffre d’affaires en cette période, à quelques semaines des fêtes de fin d’année.
Pour la première fois hier, des manifestants en gilets jaunes ont défilé à Bruxelles, où il y a eu, là aussi, des affrontements. C’est la première fois que le phénomène se produit hors de la région francophone de Wallonie.