La Presse (Tunisie)

« 26,1% des auteurs d’actes violents ont un niveau d’instructio­n élevé! »

Khaoula Matri, socio-anthropolo­gue à l’université de Sousse, a bien voulu nous apporter son point de vue sur les différente­s formes de violence subies par les femmes

- Propos recueillis par Sabrine AHMED

Que signifie la violence fondée sur le genre ?

La violence contre les femmes est un fait social enraciné dans la mentalité de certains individus ou groupes. Elle est parfois banalisée dans le discours politique et médiatique et tolérée par les institutio­ns publiques. La violence faite aux femmes est due notamment à certaines normes sociales, à des jugements moraux et à des conduites des hommes et des femmes. Les femmes sont perçues comme la catégorie la plus vulnérable et la plus exposée aux violences.

La violence fondée sur le genre englobe, ainsi, le côté physique. Cette dernière comporte les actes

suivants : battre, brûler, causer une fracture, tenter d’assassiner, étrangler, kidnapper, cogner la tête, etc. La violence fondée sur le genre est aussi une violence psychologi­que qui se décline en insulte, menace, humiliatio­n…

Elle a, par ailleurs, un impact économique. Pour punir sa conjointe, un homme peut décider de ne pas subvenir à ses besoins pécuniaire­s, la priver de son salaire, l’empêcher de poursuivre ses études supérieure­s ou de travailler afin qu’elle reste dépendante de lui…..

Pourquoi les violences économique­s sont-elles plus fréquentes dans l’espace familial ?

75,4% des victimes déclarent

qu’elles sont dans la nécessité et que leurs conjoints ne subviennen­t pas à leurs besoins économique­s. De ce fait, les victimes recensées ont subi une ou plusieurs formes de violence économique. Fatma a été victime de la trahison et la bassesse de son mari, qui a vendu ses biens et puis a demandé le divorce. Quatre enquêtées ont été obligées, à la demande de leurs conjoints d’abandonner leur travail. Donc, les violences économique­s sont plus fréquentes dans l’espace familial. Socialemen­t, le viol au sein du couple demeure un sujet tabou qui touche à l’honneur de la femme et de sa famille. Aux niveaux social et culturel, la victime de violence sexuelle est jugée

toujours coupable. Elle est généraleme­nt stigmatisé­e et rejetée par son entourage.

La violence est-elle un phénomène multifacto­riel et complexe ?

Les victimes qui s’adressent aux centres d’écoute de l’associatio­n tunisienne des femmes démocrates (Atfd) sont souffrante­s et partagent toutes un sentiment d’injustice. La violence vécue par les victimes est multidimen­sionnelle et multiforme. L’atfd représente pour ces victimes le dernier recours, le dernier salut. L’associatio­n est perçue comme l’alternativ­e étant médiatrice avec les institutio­ns étatiques.

D’après l’enquête qui a été réalisée

sur les femmes victimes de violence, 98% des auteurs de violence sur des femmes sont de nationalit­é tunisienne. 26,1% ont un niveau éducatif élevé, 32,6% ont un niveau secondaire alors que 28,5% n’ont pas achevé leur scolarité. 82,4 % des auteurs d’actes de violence sont âgés entre 30 à 59 ans. Par ailleurs, 64,3% des demandes émanant de femmes victimes de violences se concentren­t sur l’aspect juridique. 15,7% ont besoin de soutien économique. Les victimes ont généraleme­nt besoin de conseil et d’orientatio­n juridique.

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