Le nouvel outil de réinsertion des détenus
Objectif : éviter la récidive à la sortie de prison
Dans un précédent article, nous avons annoncé, en exclusivité, la mise en oeuvre d’une nouvelle expérience visant l’accompagnement du prisonnier en dehors de sa geôle, l’objectif étant d’assurer sa réinsertion dans la vie active et, par là, de le rendre utile à la société. Proposée par M. Soufiène Mezghich, conseiller principal de 1ère catégorie à la direction générale des prisons et de la rééducation, l’idée, véritable trouvaille, a vite fleuri, avant d’être retenue d’abord par ladite direction, ensuite par la tutelle, à savoir le ministère de la Justice. En attendant l’institution qu’on dit imminente de son cadre juridique, cette nouvelle expérience qui fait déjà parler d’elle dans les milieux carcéraux s’annonce, le moins qu’on puisse dire, révolutionnaire. Et pourtant à ses premiers balbutiements, elle se heurta à une pierre d’achoppement dans la mesure où l’accompagnement du détenu à sa sortie de prison est un article qui ne fait partie ni des lois tunisiennes en vigueur ni du cursus universitaire en matière de droit. De surcroît, on se sentait satisfait des mesures de compensation des peines appliquées jusque-là, telles que le sursis, la libération conditionnelle, les amendes et le travail pour l’intérêt public. Et tout le monde sait que ces mesures se sont avérées, dans l’ensemble, improductives, l’effet dissuasif tant désiré n’ayant pas fait tache d’huile.
A la française
Dès lors, le pilote du projet, loin de s’avouer vaincu, n’avait qu’à se rabattre sur son… dernier joker. Et cela en brandissant l’exemple de la France où l’expérience de l’accompagnement du prisonnier a — il est vrai — connu un franc succès qu’avaient salué, en son temps, plusieurs pays de réputation planétaire en matière de droits de l’homme. «On n’avait plus, alors, qu’à s’en inspirer», indique M. Mezghich qui se lancera dans une «offensive de séduction» à l’adresse des différentes parties concernées (juges, juristes, avocats, directeurs de prisons, ONG, bureaux de l’emploi, entreprises publiques et privées, organisations nationales…) qui ont été impliquées dans une série de séminaires et de journées d’études tous axés sur ce sujet. Une fois ce dernier enfin démystifié et donc adopté, il fallait passer à l’acte, à l’exécution du projet. Et cela en se ruant sur l’hexagone. Là où vingt stagiaires tunisiens emmenés par notre interlocuteur ont effectué, deux semaines durant, une session de formation animée par des experts et partagée entre les villes de Lille et Lyon. «Face à ces éminents spécialistes, les leçons ne pouvaient être que bénéfiques», affirme M. Mezghich, qui a tenu à remercier vivement ses homologues français pour leur précieuse contribution à la réussite de ce stage.
Six bureaux opérationnels
Le socle du projet ainsi érigé, on passera à l’étape suivante qui consiste en la mise en place des premiers bureaux d’accompagnement, dont six sont déjà opérationnels dans les tribunaux de première instance de La Manouba, Monastir, Kairouan et Gabès, ainsi que dans les tribunaux d’appel de Tunis et de Bizerte. Dans le choix de ces bureaux, il a été tenu compte de plusieurs facteurs, dont l’équilibre régional, le taux d’occupation des prisons et le sexe des détenus. La gestion de ces bureaux est confiée à des responsables triés sur le volet parmi une frange de candidats qui répondent aux conditions exigées, dont notamment le sens de l’humanisme et de l’écoute, la vigueur, l’application, le sang-froid et la capacité de persuasion. Le tout conformément à une charte élaborée pour les besoins de la cause par les experts de la direction générale des prisons et de la rééducation. Appelés à respecter scrupuleusement la teneur de cette charte, les préposés aux bureaux d’accompagnement pourront ainsi réussir dans leur tâche qui consiste à encadrer les détenus aussi bien dans les postes d’emploi qu’on leur déniche que dans leur environnement familial. Désormais entre de bonnes mains et bénéficiant de l’affection et de la complicité humanitaire de ses conseillers, le prisonnier, comme le vise cette expérience, pourrait progressivement oublier les souffrances de la geôle, savourer les délices de la liberté, assurer honnêtement son gagne-pain, se rendre utile à sa famille et à la société; bref, faire ses adieux à la criminalité et reprendre goût à la vie. La récidive, talon d’achille de nos prisons, battrait ainsi en retraite.
On se sentait satisfait des mesures de compensation des peines appliquées jusque-là, telles que le sursis, la libération conditionnelle, les amendes et le travail pour l’intérêt public. Et tout le monde sait que ces mesures se sont avérées dans l’ensemble improductives, l’effet dissuasif tant désiré n’ayant pas fait tache d’huile.