• Encore une année au purgatoire
Amel Karboul, pour reprendre un vieil adage bien de chez nous, « n’est pas le soleil pour arroser de lumière toute la Tunisie » même si, à dire vrai, elle constitue un réel rayon de soleil dans le paysage politique, médiatique et touristique tunisien. Son objectif initial de sept millions de touristes en Tunisie pour l’année en cours, qu’elle a revu à la baisse depuis à 6,4 millions, ne constitue nullement une partie gagnée d’avance, quand nous voyons les performances affichées à fin juin, où l’on dénombre une baisse de 1,1 % des nuitées globales
par rapport à 2013 et surtout un cinglant moins 19,4 % par rapport à l’année 2010. L’hirondelle n’a finalement pas fait le printemps et le tourisme tunisien a toutes les chances de continuer à digérer son pain noir, une année encore. Certes, juillet et surtout août seront deux bons crus, c’est l’hyper haute saison, mais il faut s’attendre, néanmoins, à ce que le dernier quart de l’année reste sur les performances, peu glorieuses, des trois dernières années, où l’on a dénombré plus de cadavres du côté des unités hôtelières que d’hôtels performants. La cause est toute simple et se résume aux « terroristes des montagnes » et à cette nouvelle donne d’un environnement sale, très sale. Djerba étouffe sous le poids des ordures malgré la très bonne volonté des pouvoirs publics et les autres zones ne sont pas dans un meilleur état. Or le tourisme ne peut s’accommoder des risques sécuritaires et également des risques sanitaires. Cet état de fait ne dépend nullement de l’autorité de tutelle qui s’est démultipliée sans pouvoir, néanmoins, changer certains comportements scandaleux. Au niveau des recettes et même si, a priori, les choses semblent meilleures grâce à une croissance des recettes de 5,3% sur les six premiers mois de 2014, on ne peut s’empêcher de faire la fine bouche car si le dinar se déprécie de plus de 15% sur la période par rapport notamment à l’euro, il est clair que le 5,3 % de croissance ne constitue nullement une performance digne d’être relevée. Bien plus, avec l’accroissement des charges d’exploitation directes ( eau, électricité, achats consommés…) et des charges semi-variables de structure, comme les salaires, qui ont continué d’évoluer dans des fourchettes en totale déconnexion avec la performance économique, comme l’a si bien relevé un rapport de l’institut national de la statistique sur la conjoncture nationale, les résultats des unités hôtelières seront encore médiocres cette année, avec les conséquences aggravantes sur l’endettement hôtelier qui croupira encore plus sous le poids des charges financières. Face à ce tableau pas du tout réconfortant, l’amertume sera encore plus grande quand on mesurera effectivement le développement du tourisme dans le monde et dans des pays concurrents comme la Grèce ou les pays de l’exYougoslavie où l’on annonce, pour certains, une croissance à deux chiffres. L’amertume grandira encore, quand on saura, que des centaines de croisières qui pullulent en Méditerranée n’accosteront pas en Tunisie par la faute d’une gestion politicienne de certains événements et que des subsides, prédestinés initialement à un certain nombre de petits métiers locaux, iront remplir les caisses des « collègues », dans d’autres contrées moins politiciennes et plus versées dans la « Real politik ». Sécurité, saleté, politiciens vivant en révolution permanente, dépréciation du dinar pour les contrats libellés en dinar, augmentation des charges, tels sont les ingrédients d’une année touristique qui ressemble, irrémédiablement, à sa devancière et qui pourra même être plus mauvaise quand on sait que, généralement, les élections ne font pas bon ménage avec l’activité touristique dans les pays du Sud. On aura mesuré le contrepoids contre lequel se bat notre ministère du Tourisme. Bonne chance quand même car il faudra continuer à se battre pour au moins limiter les dégâts. Il n’y a pas d’autre issue.