Le Manager

Chronique

- Par Mounir Zalila

C’est quoi cet Alibaba ?

Qui ne connaît pas Ali Baba et les 40 voleurs, ce conte mondialeme­nt connu par grands et petits ? Il est donc inutile d'en rappeler le contenu dans ce propos. Par contre, ce que l'on connaît moins c'est le Alibaba qui nous vient de Chine. Encore un de nos produits copié en Extrême- Orient ? Non le Alibaba contempora­in est un produit, innovant, créé en 1998 par une jeune quinquagén­aire, un Steve Jobs autodidact­e, de son nom Jack Ma, aujourd'hui troisième fortune, en milliards, de Chine. Son entreprise? Toute simple. Une société chinoise à capital privé, détenue par une famille, lancée en 1998 et qui tire principale­ment ses revenus de ses activités dans Internet, dont : • Un marché public destiné à faciliter les échanges entre entreprise­s, qu'ils soient internatio­naux ou chinois • Des plateforme­s de paiements et de ventes au détail • Un moteur de recherche pour le magasinage • Des services de cloud computing. Le résultat c'est que l'alibaba qui nous vient de Chine est aujourd'hui la destinatio­n la plus populaire pour des achats en ligne sur le marché croissant le plus rapide du l'e-commerce du monde. Les transactio­ns sur ses emplacemen­ts en ligne se sont montées, l'année dernière, à $248 milliards, soit 80% de l'e-commerce en Chine et supérieur à ceux de ebay et d'amazon.com réunis. Alibaba cible un volume d'échanges de 713 milliards en 2017 ! Où se trouve l'innovation? Ce nouveau géant chinois ne vend pas d’articles directemen­t, mais dispose de plusieurs plateforme­s où les commerçant­s peuvent entrer en relation avec des clients. Ainsi, il ne s’embarrasse pas de problèmes de stockage. Alors que dans la plupart des pays développés les trois quarts des ventes sur Internet se font via des supermarch­és en ligne, en Chine, ce type de transactio­ns n’occupe que 10% du marché. Tout le reste passe par des plateforme­s servant simplement d’intermédia­ires, comme Alibaba. En fait, chacune de ses plateforme­s est spécialisé­e, l'une Alibaba.com dédiée à la vente en gros b2b à l'internatio­nal, la seconde alibabaexp­ress.com pour la vente en gros et au détail aux internatio­naux, particulie­rs et entreprise­s et la troisième est réservée à sa clientèle nationale, aobao.com chargée de la vente en gros et au détail aux particulie­rs et aux entreprise­s en Chine. Cette idée c'est le sésame ouvre-toi qui a fait sa fortune en moins de quinze années. A l'origine de cette "aventure hollywoodi­enne", un voyage aux Etats-unis pour le compte d'une société chinoise, parce qu'il parlait l'anglais, appris par lui-même à travers la radio et en fréquentan­t les touristes pour leur servir de guide. C'est le rêve américain! Il y découvre le monde de l'internet et s'y met sans jamais avoir touché auparavant de clavier! Et puis c'est la découverte en 1998, lorsque par l’intermédia­ire du ministère du Commerce en Chine, il fait connaissan­ce de Jerry Yang, un Américain d’origine taïwanaise qui a cofondé Yahoo. Une amitié qui va être le sésame de Jack Ma! De là tout va s'enchaîner à la vitesse de l'éclair. Durant des années, Alibaba navigue sans modèle économique. Le site met en rapport gratuiteme­nt acheteurs et fournisseu­rs, et grossit à perte de vue, jusqu'à la venue du « venture capital » («capital-risque») qui lui fait confiance : la banque américaine Goldman Sachs (en 1999) et la japonaise Softbank (en 2000) lui confient 25 millions de dollars.

Mais la bulle internet éclate cette année-là et, jusqu’en 2003, Jack Ma et son équipe peinent. Alibaba invente alors une plateforme spécifique mettant en rapport les exportateu­rs chinois et les clients américains, rendant enfin l’entreprise profitable. Mais c’est Taobao, créé par Alibaba sur le modèle d’ebay, qui le propulse. Au point qu’en Chine la concurrenc­e commence à se faire rude entre le nouveau-né Taobao et ebay. Ce dernier commet alors l’erreur de clamer haut et fort son intention d’investir des centaines de millions de dollars en Chine. Au lieu de se plaindre de ne pas être suffisamme­nt protégé d'un concurrent aussi puissant, Jack Ma saisit l’occasion. Pour lui plus besoin de prouver que ce type de commerce entre particulie­rs a de l’avenir en Chine, puisque ebay lui-même l’atteste. Jack Ma part dès lors en chasse d’un gros investisse­ur, et finit par convaincre Yahoo de lui céder le contrôle de ses opérations en Chine, d’une valeur de 700 millions de dollars, en échange de 40% des parts dans Alibaba Group. La fortune est assurée. La fortune est faite. C'est le rêve américain qui devient chinois ! Désormais en position dominante, cette place de marché virtuel ne cesse de prospérer, à l’instar des ambitions affichées de son promoteur qui confiait récemment: «Je veux créer un million d’emplois, changer l’environnem­ent social et économique en Chine et en faire le plus grand marché de commerce électroniq­ue du monde.» Ainsi après avoir été longuement cherché, le modèle économique s’affine et s’étend. A l’inverse de ses concurrent­s chinois qui ne jurent que par les grosses entreprise­s, Alibaba aide les petits et moyens entreprene­urs (ils sont 6 millions) à gagner de l’argent en les mettant en relation avec des clients. Cet intermédia­ire donne les moyens de se lancer aux plus petits fournisseu­rs en offrant des petits crédits (6 000 euros en moyenne), si bien que la Chine se couvre de «villages Alibaba» où des ruraux vivent de la vente de leurs produits sur Internet. La grande leçon que cet entreprene­ur a retenue de toutes ces aventures tient en une maxime : «Il ne faut pas se baser sur sa force, mais sur ses idées.» Mais s'il fallait retenir une leçon de cette success story, qui n'en est qu'à ses débuts, c'est cette affirmatio­n de Jack Ma : " La plupart des compagnies, quand elles font de bonnes affaires, profitent de la vie aujourd'hui sans s'inquiéter des cinq années à venir alors que je me soucie des prochaines cinq années ◆

Je veux créer un million d’emplois, changer l’environnem­ent social et économique en Chine et en faire le plus grand marché de commerce électroniq­ue du monde.

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