Le Manager

L’INVITÉ DU MANAGER

VIE DE L’ENTREPRISE .

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A ce titre, quel est le secret de la réussite de la BAT ? H.K : Actuelleme­nt la BAT dispose du meilleur track record de la place en sell-side ou buy-side dans les opérations les plus importante­s qu’a connues le pays ces quinze dernières années en lead ou co-lead. Nous le devons à deux facteurs. Le premier illustre ce que j’ai appelé la stratégie du second rôle en s’alliant avec des opérateurs internatio­naux qui avaient plusieurs longueurs d’avance sur nous. Nous avons su tirer profit de leurs expérience­s pour apprendre le métier et pouvoir prétendre jouer ultérieure­ment les premiers rôles. Cette stratégie s’est révélée payante et les résultats n’ont pas tardé à se manifester. La BAT a eu le privilège de conseiller l’etat et de grands groupes tunisiens et étrangers dans les opérations les plus importante­s, que ce soit en matière de cessions de blocs publics ou de restructur­ation d’entreprise­s, etc. Le deuxième facteur est relatif à l’exercice du métier. Vous savez, le banquier d’affaires joue souvent le rôle de chef de projet, d’amorceur, d’organisate­ur, créatif sur le plan financier et toujours orienté solutions. Il doit être impérative­ment un problem solver. C’est un deal-maker avant tout. Quand il conseille les Etats, les entreprise­s, dans leur stratégie de financemen­t, de cession, de restructur­ation notamment de la dette ou dans les opérations relatives au haut du bilan, levée de fonds, IPO, M&A, etc, il ne doit jamais perdre de vue qu’il est là pour conclure et pour réussir. D’ailleurs, la culture du résultat fait partie, avec la connaissan­ce et le profession­nalisme, du credo de la BAT.

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Quelles sont les entreprise­s avec lesquelles vous avez instauré des partenaria­ts ?

H.K : Vous savez, le principe qui est retenu en Tunisie, du moins par l’etat et pour les premières opérations de privatisat­ion et d’ouverture du capital, est de recourir à un Appel d’offres internatio­nal pour le choix du Conseil et avec des critères précis et exigeants. N’ayant pas d’expérience ni de référentie­l précis, nous ne pouvions pas concourir. Il fallait absolument, si nous voulions avoir la moindre chance d’être retenus, faire des alliances et constituer des consortia avec d’autres banques internatio­nales pour pouvoir soumission­ner. Nous l’avons fait avec HSBC, avec CIC Charter House, avec la banque Santander, etc. et c’est comme cela que nous avons pu gagner un certain nombre d’opérations.

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Quelles sont les réalisatio­ns qui font aujourd’hui la fierté de la BAT ?

H.K : La plus importante réalisatio­n est la cession de 35% du capital de Tunisie Telecom. Un succès inégalé à ce jour. En termes de maximisati­on du produit de la cession, la Tunisie détient un record du monde puisque le montant a été de plus de 12 fois L’EBITDA. Ce qui démontre que nous avons été assez performant­s et l’etat tunisien a gagné beaucoup d’argent sur cette opération. La BAT a aussi accompagné les pouvoirs publics sur les opérations de cession de banques publiques sur un certain nombre d’établissem­ents comme la Banque du Sud, la BTK et puis l’opportunit­é buy-side en accompagna­nt Groupama dans son action de souscripti­on à l’augmentati­on de capital de la Société Tunisienne d’assurances et de Réassuranc­es STAR. Un partenaria­t de qualité qui est souvent cité en exemple. Les deux parties collaboren­t en toute intelligen­ce dans l’intérêt de la société et de ses actionnair­es. Nous avons la chance d’avoir accompagné un certain nombre d’introducti­ons en Bourse comme celle de General Leasing et d’assurances Salim. Nous pouvons dire que la BAT a le meilleur track record dans le pays en matière de conseil. Elle a développé des acquis de taille. Elle essaye de se positionne­r à l’internatio­nal. La BAT a développé l’activité Private Equity. Aujourd’hui, son principal cheval de bataille est la diversific­ation, à savoir une activité de marché et d’investisse­ment. L’objectif est d’avoir une banque d’affaires présente dans tous les segments de la chaîne de valeur comme cela se fait au niveau internatio­nal.

.Quels sont les projets futurs de la BAT ? H.K : La BAT essaie de se positionne­r en Afrique subsaharie­nne. Nous avions des projets maghrébins mais malheureus­ement le contexte ne s’y prête plus. Nous estimons que l’avenir est dans la constructi­on maghrébine. Aujourd’hui, les relais de croissance sont situés en Afrique subsaharie­nne. Il faut y aller ! La BAT se penche sur un certain nombre de dossiers. Nous n’y allons pas avec une volonté mercantile mais dans le cadre d’un partenaria­t longue durée, gagnant-gagnant. La BAT n’y va pas pour faire des coups. Il s’agit de favoriser des joint-ventures, des rapprochem­ents organiques de manière à ce que les intérêts soient intimement liés et conçus sur une longue période.

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Actuelleme­nt, la concurrenc­e est rude dans cette région du monde…

H.K : Effectivem­ent, la concurrenc­e est rude. Ce n’est pas facile. Tout le monde y va et en même temps. Mais, la BAT utilise ses atouts, qui sont aussi ceux de la Tunisie, à savoir la proximité et la connaissan­ce quasiment proche de notre environnem­ent en Tunisie et la similitude des contextes. La BAT n’est pas une grosse structure. Elle ne vient pas avec ses gros sabots et ses gros modèles. La taille est un élément important. La BAT est plus proche de la taille des entités et des projets qu’on retrouve dans ces pays. Son avantage est d’y aller dans la durée, de ne pas attendre un retour sur investis-

.Vous êtes sensible au chômage des jeunes et aux problèmes des régions de l’intérieur. Vous avez, à cet effet, créé un fonds d’investisse­ment pour promouvoir l’entreprene­uriat, que pensez-vous faire pour ces régions ?

H.K : Malheureus­ement, l’on oublie souvent que le chômage, notamment des jeunes, et les disparités régionales ont été les facteurs déclenchan­t de la révolution. Cinq ans après, force est de constater qu’il n’a pas été fait grand-chose. Personnell­ement, j’ai très vite pointé ces enjeux. En mars 2011, à l’occasion d’une table ronde organisée par l’economiste Maghrébin, j’ai dit que tous les gouverneme­nts qui vont venir et toutes les politiques économique­s qui seront proposées seront jugés à l’aune de leurs performanc­es en matière de création d’emplois et de réduction des disparités régionales entre l’est et l’ouest du pays. L’idée c’était d’engager immédiatem­ent des projets structuran­ts et de l’investisse­ment public. Croire que l’investisse­ment privé, sans visibilité et sans sécurité, allait s’engager dans les régions était une illusion malheureus­ement confirmée par la réalité. Il faut que l’etat investisse dans les grands projets pour créer des externalit­és positives et par ricochet des emplois indirects. A ce mo-

veloppemen­t sont plus facilement financés. La difficulté se pose principale­ment au niveau de la validation des projets qui sont proposés. Les dispositio­ns de Bâle III vont permettre la résolution de ce type de problèmes, s’ils seront appliquées bien évidemment. Et ce, dans la mesure où les banques vont avoir des structures d’analyse et de rating à la fois sectoriell­es et au niveau de l’entreprise. A l’échelle microécono­mique, comme à l’échelle macroécono­mique, le problème n’est pas seulement une question de ressources mais un problème d’emplois, de déficit d’identifica­tion de projets viables, d’emplois dans des secteurs et des entreprise­s rentables et à fort potentiel de croissance. Il est alarmant de voir que nous ne consommons que 38% du budget alloué au titre II. A partir du moment où on développe cette capacité d’identifica­tion et d’accompagne­ment de l’investisse­ur, on peut toujours trouver les ressources qu’il faut. Je pense qu’en dépit des problèmes de liquidité du système bancaire, nous avons beaucoup plus un problème d’accès aux ressources que de disponibil­ité des ressources. J’en cite pour preuve toutes les lignes mixtes qui sont mises à dispositio­n par un certain nombre de multilatér­aux auxquels les investisse­urs ne peuvent avoir accès soit à cause d’un problème d’incompréhe­nsion, ou de complicati­ons et de conditions inextricab­les. Cela est dû au fait qu’on est encore dans une logique de credit men qui s’intéresse plus au sous-jacent du prêt qu’à la qualité et à la rentabilit­é du projet et de son promoteur. Il faut que les banques investisse­nt mieux dans les connaissan­ces et les ressources pour la gestion des risques car le métier de banquier c’est avant tout gérer des risques dans un environnem­ent incertain. Aussi, dans l’investisse­ment, l’élément humain est capital et il y a une différenti­ation qui doit se faire. On ne peut pas traiter un projet de production d’un bien quelconque comme un projet immatériel. C’est à dire 80% des appréciati­ons sur des

.Croyez-vous à la digitalisa­tion de la banque et de l’assurance ?

H.K : Un des défis de taille est bel et bien la digitalisa­tion de la relation client. La banque de demain, la société d’assurances de demain seront basées essentiell­ement sur un très bon système d’informatio­n et sur la digitalisa­tion de la relation client. Ceci suppose au préalable une maîtrise parfaite des process de la décision et de la capacité de mettre en place des systèmes qui permettent aux clients de rentrer en relation avec la banque. Et ce, via un système fiable, sécurisé et rapide. Les délais vont être un facteur clé. Dans toutes les publicités à l’échelle internatio­nale le focus est mis sur les délais. Contrairem­ent aux croyances, le taux d’intérêt et les conditions de crédit viennent en 5ème ou 6ème position dans toutes les enquêtes dans le monde. Tant que vous aurez répondu dans les délais, le client regardera moins les conditions. Chez nous, c’est l’inverse. Or, que ce soit dans le domaine de la banque ou de l’assurance l’activité est paramétrab­le à 95%, le reste (5%) ça peut être une appréciati­on, une demande d’autorisati­on, un niveau d’accréditat­ion de l’agent qui doit passer à un niveau supérieur… Dans certains segments d’activités, le paramétrag­e peut aller jusqu’à 100% à partir du moment où vous avez un canevas et un système qui vous permettent de rentrer les données, vous avez la réponse immédiatem­ent et à distance.

.Est-ce que vous pensez que l’écosystème est préparé à cela ?

H.K : Comme tous les paysages économique­s, il y a plusieurs réalités. Il y a d’abord la réalité des banques privées qui ont déjà commencé ce process et qui ont fait appel aux bonnes personnes et aux bonnes structures pour les accompagne­r dans cette démarche. C’est une anticipati­on qui va payer en matière de positionne­ment par ce que ce sont les first movers qui gagneront cette longueur d’avance. Pour les compagnies d’assurances, il y a celles qui ont déjà initié le phénomène. En matière de partenaria­t stratégiqu­e, Groupama-etat tunisien, vous avez certaineme­nt vu que la STAR a entamé sa petite révolution avec le constat embarqué. D’autres compagnies d’assurance sont en train de lui emboîter le pas avec le développem­ent de réseaux de garages agréés car le client de demain sera plus regardant sur la satisfacti­on et la qualité et moins regardant sur les tarifs, notamment pour tout ce qui est prestation complément­aires. Demain, les opérateurs de téléphonie vont constituer un facteur de risque imminent pour le système bancaire, parce

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