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Pratique des sondages en Tunisie Peut mieux faire

Un atelier consacré au « Rôle des sondages dans la formation de l’opinion publique en Tunisie » vient de mettre le doigt sur nombre de lacunes. Même si la pratique a bien évolué.

- MOHAMED GONTARA

Tout a été dit dès les premiers instants. Ouvrant l’atelier, organisé le 3 mars 2017, à Tunis, par le CAPJC (Centre Africain de Perfection­nement des Journalist­es et des Communicat­eurs), sur « Le rôle des sondages dans la formation de l’opinion publique en Tunisie », Sadok Hammami, Directeur du CAPJC a mis en évidence la crédibilit­é de cet outil important devenu une réalité depuis l’avènement de la Révolution du 14 janvier 2011. Et de rappeler, à ce sujet, l’importance de la transparen­ce et du financemen­t des sondages d’opinion. Le débat qui s’est installé par la suite n’a pas manqué d’intérêt pour évoquer la réalité des sondages d’opinion notamment des sondages politiques qui continuent à faire l’objet de nombreuses critiques dans notre pays. Première lacune, sans doute, concernant la pratique des sondages : l’absence de réglementa­tion. Hana Chérif, Vice-prési- dente de la Chambre nationale de L’UTICA (Union Tunisienne de l’industrie et du Commerce) des bureaux de sondage d’opinion, et Directeur Général de Média Scan, le reconnaît. Mais la Chambre y travaille, précise Hana Chérif. Avant d’ajouter que les profession­nels du secteur se sont dotés d’un règlement intérieur qui rassemble des principes à la fois déontologi­ques et méthodolog­iques. Une sorte d’autorégula­tion capable d’améliorer leur rendu. Côté réglementa­tion, Hichem Guerfali, Directeur Général de l’institut de sondage 3 C Etudes, a rappelé que la France s’est, par exemple, dotée en juillet 1977 d’une loi relative à la publicatio­n et à la diffusion de certains sondages d’opinion. Et que celle-ci a créé une Commission des sondages qui veille, en la matière, au grain empêchant la publicatio­n de sondages ne respectant pas un ensemble de normes. Revenons en Tunisie pour dire que souvent les critiques concernent la méthodolog­ie utilisée par les sondeurs. Les échantillo­ns sont-ils représenta­tifs de la population que l’on souhaite interroger ? Aucun échantillo­n n’est parfait, souligne Hana Chérif. Qui indique cependant qu’un sondeur doit tout faire pour qu’il le soit. Autre question importante : Prend-on des soins particulie­rs lors de la préparatio­n des questions ? « Tel homme politique ou tel autre ou encore telle marque ou telle autre ont une bonne image de marque dans l’opinion. Qu’en pensez-vous ? » : la manière avec laquelle les questions sont posées peuvent influencer les réponses », avoue Hana Chérif, qui insiste sur une certaine neutralité en la matière de la part de l’enquêteur. Les questions se doivent-elle d’être posées en langue arabe parlée; pour ainsi dire dans la langue tunisienne ? La réponse est évidement oui. Certains questionna­ires ne sont pas correcteme­nt rédigés fait remarquer, par ailleurs, Ouejdi

Rejab, universita­ire et patron de Tunisie Sondage. Ils ne prévoient pas de réponses du type « Pas de réponse » et encore « Ne sait pas ». Une grande erreur, estime-t-il. Car, un enquêté n’a pas toujours réponse à tout. Le Tunisien dit-il toujours vrai ? La pratique a montré que certains cachent leurs opinions pour ne pas paraître sous les traits, par exemple, d’un conservate­ur. Comme ils ne veulent pas toujours dire pour qui, ils veulent ou vont voter. La chose est du reste largement connue. Ainsi, dans certains pays européens, des votants ne disent pas qu’ils vont voter pour des partis d’extrême droite. C’est pourquoi les résultats des sondages dits sortis des urnes sont bien différents des résultats de vote. Et un peu partout dans le monde, les sondeurs ont un antidote : les indices de correction. Mais, il n’y a pas que cela : le remplissag­e des questionna­ires est pour beaucoup dans la crédibilit­é des réponses. Sami Oueslati, Responsabl­e du service formation du CAPJC, affirme que certains questionna­ires sont remplis quelquefoi­s par les enquêteurs, chargés, donc, de recueillir les réponses. Certes, mais de plus en plus de précaution­s sont prises et des garde-fous sont mis en place afin d’éviter tout cela, assure Anis Chehibi, Directeur adjoint d’elka Consulting.il y a toute une chaîne de contrôle pour s’assurer que les questionna­ires ont été effectivem­ent bien administré­s. Car, l’enquêteur n’est pas lâché comme cela dans la nature. Le travail de l’enquêteur est suivi par un superviseu­r. Et celui de ce dernier par un contrôleur. A chaque étape, chacun de ces deux derniers revient à la charge pour s’assurer que les questions ont notamment été posées à un enquêté et que les opinions recueillie­s sont bien celles qui ont été enregistré­es. De plus, il y a des logiciels qui comparent les réponses obtenues et s’assurent de leur cohérence. « Très vite, observe Youssef Meddeb, Directeur de l’institut One to One, on découvre toute erreur commise au cours de l’administra­tion d’un questionna­ire ». Les opinions recueillie­s par téléphone sont, encore, enregistré­es. « Et nous pouvons revenir pour les écouter », ajoute le directeur de One to One. « Tel homme politique ou tel autre ou encore telle marque ou telle autre ont une bonne image de marque dans l’opinion. Qu’en pensez-vous ? » : la manière avec laquelle les questions sont posées peuvent influencer les réponses », avoue Hana Chérif, qui insiste sur une certaine neutralité en la matière de l’enquêteur. Mais qui finance les sondages ? Cruciale, la réponse n’est pas toujours utile, affirme Hichem Guerfali. Dans la mesure où le vrai commandita­ire n’est pas automatiqu­ement bien apparent. Un donneur d’ordre peut se cacher derrière le commandita­ire. Ce dernier peut, cela dit, être un média, un parti politique, une associatio­n ou une ONG nationale ou internatio­nale, un centre de recherche d’une université, un homme d’affaires, … Un commandita­ire peut-il venir avec des résultats afin de les accréditer ? Si cela n’est pas bien déontologi­que, on ne peut nier que ce n’est point impossible. Tous les profession­nels ne pratiquent pas leur métier, pour ainsi dire, de la même manière. L’attrait de l’argent peut jouer. Sur ce plan, le financemen­t joue un grand rôle. La crédibilit­é des résultats ne peut être que conditionn­ée par les budgets engagés. Cela va de soi, plus un sondeur dispose de moyens financiers nécessaire­s, mieux il peut faire son travail. Autant dire que là aussi, l’argent est le nerf de la guerre.

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Vue d’ensemble de la table ronde du CAPJC
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