Le Manager

Quelles solutions préconiser ?

Peut-on réellement améliorer les procédures et les modalités de paiement en usage pour les marchés publics ? Est-ce un déficit au niveau de la loi, de l’exécution ou les deux ? Pour répondre à toutes ces questions, et bien plus, la Conect a organisé une c

- SANA OUJI BRAHEM

Cetterenco­ntre s’est tenue en présence de nombreux acteurs de l’administra­tion, de la CONECT, de la Haute Instance de la Commande Publique, de l’instance de Lutte Contre la Corruption, de la BERD, des entreprise­s privées, et des représenta­nts de la société civile, pour débattre des problèmes et des solutions nécessaire­s en vue d’aider les PME à accéder aux marchés publics. L’administra­tion essaie de répondre présent aux demandes de secours lancées par les entreprise­s, notamment celles de petite et moyenne taille. Une action, certes salutaire, mais qui est encore loin d’être la solution qui fait disparaîtr­e toutes les contrainte­s auxquelles elles font face actuelleme­nt. Selon une étude réalisée par la Conect, 88,5% des entreprise­s déclarent être confrontée­s à des problèmes de procédures ou de modalités de paiement lors de leur gestion d’un marché public. Sans doute signe de considérab­les lacunes dans le système qui fait interagir administra­tions et entreprise­s. Dans la même étude, 57,7% de ces entreprise­s ont déclaré que les procédures actuelles d’accès aux marchés publics sont très lourdes, face à 38,5% d’entre elles qui considèren­t que ces procédures sont compliquée­s. Pis encore, la non-maîtrise des délais de paiement a occasionné des pertes considérab­les voire des faillites pour certaines entreprise­s. Pour Tarek Chérif, président de la Conect, cela a engendré un manque de confiance des entreprise­s dans le système administra­tif, élément primordial pour pouvoir investir d’une manière sereine et tranquille. Celles-ci pointent également du doigt les problèmes de fluctuatio­n des devises, la perte d’argent dans les frais de gestion et la non-valorisati­on des avantages techniques qu’elles présentent. Il va sans dire alors de la nécessité d’apporter de

nouvelles réformes tant au niveau législatif qu’administra­tif qui impliquera­ient davantage les entreprise­s. Des plans de réformes engendrant notamment une révision des procédures et des modalités de paiement ont été élaborés par les principaux intervenan­ts dans le système, en l’occurrence l’administra­tion et les instances spécialisé­es dans les secteurs.

Alléger les PRO- C’EST-DUR !

Conscients de l’importance de la question des dépenses publiques et de la gestion de l’approvisio­nnement, Imed Touiri, chef de cabinet auprès de l’ex- ministre de la Fonction publique et de la gouvernanc­e, a mis en exergue l’importance de l’approche participat­ive en construisa­nt des liens de coopératio­n et de communicat­ion entre l’administra­tion et les différente­s parties concernées par les affaires publiques. A cet effet, en 2011 et en 2012, l’etat a introduit des changement­s exceptionn­els au niveau du système afin d’accélérer le rythme d’exécution des projets publics, de permettre davantage de flexibilit­é et de transparen­ce en termes de procédures et de contrôle des délais d’exécution. Touiri a expliqué, dans ce sens, que ces réformes visent à instaurer de nouveaux fondements conformes aux normes internatio­nales. Dans le cadre de l’approche participat­ive maximisant les chances de réussite du projet, l’etat a également formé un comité de coordinati­on et de suivi des réformes décidées pour le secteur, qui comprend le secteur privé, la société civile et les spécialist­es du domaine scientifiq­ue et académique. Moez Joudi, président de l’associatio­n Tunisienne de la Gouvernanc­e, a expliqué que la Tunisie est déjà référencée en matière d’administra­tion. Il faut toutefois préserver ces acquis afin de réussir la lutte contre la corruption et d’atteindre le stade de la bonne gouvernanc­e.

Entreprise­s : comment éviter l’exclusion ?

De son côté, Adel Ghozzi, président de l’associatio­n des cadres de contrôle, d’inspection et d’audit dans les structures publiques tunisienne­s (ACCIA), a insisté sur le fait que l’entreprise doit savoir comment agir face au système dont elle fait partie. Faisant référence à la démarche des entreprise­s, Adel Ghozzi a noté le très faible nombre de réclamatio­ns déposées sur les cahiers des charges. Le savoir-faire des entreprise­s, a-t-il ajouté, est d’une aussi grande importance que la simplifica­tion des procédures administra­tives. Le président de L’ACCIA a, par ailleurs, fait remarquer que généraleme­nt les dossiers de soumission aux appels d’offres qui parviennen­t à son associatio­n ne répondent pas au minimum requis en matière de présentati­on. Un manque de minutie qui peut même occasionne­r une perte de documents… voire de marché. Et d’ajouter : « L’entreprise doit donner une grande importance à la présentati­on de son offre car cette dernière reflète sa vraie valeur et ferme les portes devant la corruption ». Ghozzi croit fort que les entreprise­s tunisienne­s doivent défendre leurs droits : « C’est de leur devoir d’être efficaces pour que l’administra­tion les respecte ». Et d’ajouter : « Dans tout système, il y a un rapport de force et il faut arrêter de penser que c’est l’etat qui donne tout. Toute entreprise doit créer son propre lobby pour défendre ses droits en termes de procédures administra­tives et de modalités de paiement ». Il est évident que les conditions et les délais de réalisatio­n des projets publics, surtout de développem­ent régional, sont fortement liés au volet financemen­t. La lenteur des procédures de paiement et les pénalités de retard engendrent de grandes pertes aux entreprise­s.

Faudrait-il des compétence­s spécifique­s ?

Rim Zehri Azzouzi, Contrôleur général de la Commande publique et Présidente de l’observatoi­re National des Marchés Publics (HAICOP), a soulevé le problème de la formation, mentionnan­t l’impératif que le capital humain réponde aux normes internatio­nales en la matière. Zehri a indiqué que le personnel, aussi bien de l’entreprise que de l’administra­tion, a du mal à maîtriser les procédures de par leur complexité. Phénomène prévalant aussi bien au niveau régional que central.

C’est dans cette logique que la HAICOP a assuré, en 2015, la formation de 250 entreprise­s grâce à un financemen­t de la Banque mondiale. De même, dans le souci d’appuyer le secteur privé, l’observatoi­re a collaboré avec le Centre d’informatio­n, de Formation, de Documentat­ion et d’etudes en Technologi­es des communicat­ions (CIFODE’COM) pour l’élaboratio­n du Guide des PME pour accéder aux marchés publics. La HAICOP a également pris conscience de la nécessité de booster le capital humain des contrôleur­s publics, qui sont actuelleme­nt au nombre de 40, en oeuvrant à dénicher les profils nécessaire­s pour cette mission.

Quels recours pour les entreprise­s ?

La présidente de L’HAICOP a rappelé que les principes d’accès aux commandes publiques sont : l’efficacité, la performanc­e dans le processus de la passation et de l’exécution du marché, l’intégrité, et la bonne gouvernanc­e. Elle a précisé qu’il faudrait s’adresser au Comité de Suivi et d’enquête sur les Marchés pour signaler tout dérapage. Il s’agit d’un vis-à-vis exclusif qui défend les entreprise­s en cas de problème au niveau du cahier des charges, tel un problème de ciblage, de normes abusives, ou d’une orientatio­n vers une entreprise donnée, … Le recours à cette structure au niveau des marchés publics est, en effet, l’une des solutions mises à la dispositio­n des entreprise­s pour faire face à la corruption qui s’enracine vu l’absence d’intégrité de la part de certaines parties prenantes du système. C’est dans cette logique que Chawki Tabib, président de l’instance Nationale de Lutte Contre la Corruption, a encouragé les entreprise­s à dénoncer les dépassemen­ts lors de leur participat­ion aux marchés publics. Tabib a incité les entreprise­s à consulter la plateforme de dénonciati­on de cas de corruption dans l’administra­tion publique, mise en place par L’INLUCC avec l’aide de la Corée du Sud. La République de Corée du Sud finance également la mise en ligne d’une nouvelle plateforme et qui sera lancée à partir du 28 sep- tembre 2018, dans dix sites électroniq­ues pilotes de l’etat. Ce mode de travail en ligne permet, selon Tabib, de minimiser davantage le contact entre les fonctionna­ires de l’etat, l’administra­tion et les citoyens, ce qui minimise à son tour les cas de corruption. Et d’ajouter : « C’est pour cette raison que L’INLUCC a multiplié les convention­s avec plusieurs ministères et instances nationales dont les ministères du Transport, de la Santé, de la Culture ou encore la Douane. C’est dans le but de démanteler le système de corruption dans le pays et de permettre au citoyen de préserver son droit ». Trouvant “aberrant” aujourd’hui de recenser près de 2000 milliards de dinars de pertes dues à l’absence de mécanismes de la bonne gouvernanc­e dans les marchés publics, Tabib a rappelé que le but est de pousser l’administra­tion tunisienne à faire son autocritiq­ue afin de hisser le pays au rang des pays développés.

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De G à D : Douja Gharbi, Chawki Tabib, Tarek Chérif, Imed Touiri et Moez Joudi

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