Attijariwafa bank, Forum International Afrique Développement Quel modèle pour une croissance inclusive ?
Aux couleurs de l’afrique, la salle a accueilli près de 2000 décideurs économiques et politiques venus de trente pays prendre part à la 5ème édition du Forum international Afrique Développement ( FIAD) qui s’est tenue à Casablanca à la mi-mars. A l’initia
Lors de son allocution d’ouverture, le président burkinabé, invité d’honneur, a d’emblée donné le ton: « Ensemble nous pouvons et nous devons construire cette Afrique qui gagne, cette Afrique décomplexée, consciente de ses capacités et confiante en celles de ses fils ». Fort convaincu de la nécessité de mutualiser les efforts, Mohamed El Kettani, président et CEO du groupe d’attijariwafa bank, n’en pense pas moins : « Le développement de notre continent ne peut être fait qu’à travers un engagement fort, constant et résolu de l’ensemble des opérateurs économiques pour réaliser des projets créateurs de valeurs et de richesses pour tous. Il est devenu urgent de créer un espace de dialogue, d’échanges et de solidarité afin d’apporter notre contribution à l’intégration économique dans notre continent». Avant d’ajouter : “Si l’année 2017 s’ouvre sur des perspectives plus favorables, la croissance reste tout de même fragile”. Des propos qui donnent tout leur sens à cette impressionnante manifestation dédiée aux ressorts d’une croissance inclusive. Miriem Bensalah-chaqroun, présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), a de son côté relevé les faiblesses du continent dans le sens où la part de l’industrie dans le PIB africain est de 10%, soulevant le fait que l’afrique ne crée pas assez de valeur et que l’industrialisation avance à petits pas.
Le partenariat public-privé en catalyseur
La patronne des patrons marocains a plaidé pour la nécessité d’un renforcement du partenariat public-privé et de la mise en place d’un cadre réglementaire solide pour le booster. Elle a indiqué que durant les dix prochaines années, les besoins d’investissement en infrastructure en Afrique seront tels que les gouvernements seront amenés à faciliter l’accès au financement, à l’acquisition des terrains et à fournir un cadre réglementaire solide. Et de fait, lors du premier panel, le partenariat public- privé s’est érigé comme solution idoine pour une croissance durable et inclusive. Des retours d’expériences de pays comme le Gabon, le Rwanda ou le Maroc ont confirmé cet indéniable constat. Madeleine Berre, Ministre des Investissements Privés, du Commerce, du Tourisme et de l’industrie au Gabon, a mis en lumière toute l’importance de la participation active des deux secteurs comme moteur d’une réelle croissance inclusive de nos économies. Et de préciser : « Nos Etats doivent construire l’économie avec les acteurs qui l’animent. La dynamique du secteur privé est lié aux politiques que nos Etats doivent mettre à la disposition de ces acteurs». Elle a affirmé qu’au Gabon, face à l’impératif d’améliorer le climat des affaires, le secteur privé était considéré
comme une partie prenante active. Le pays a mis en place, il y a une année, sa première plateforme de dialogue publicprivé qui a permis de définir ensemble les axes des réformes qui constituent l’ossature du plan de relance de l’économie. Ce dialogue a eu pour objectif de fixer avec précision les fondements d’une inclusion sociale et financière à travers une amélioration du cadre d’investissement, une implication du secteur privé dans la formation professionnelle, le financement de l’économie locale et l’amélioration de l’accès au financement des entreprises. De son côté, Winifred Ngangure, présidente du Rwanda Development Board, chargée de la promotion des investissements, a défendu l’idée d’une vision partagée entre l’etat et les investisseurs afin de dépasser les obstacles de la croissance durable. Eu égard aux manques de ressources, elle a mis l’accent sur l’impératif de prioriser les secteurs et les besoins avant d’investir. Et d’ajouter : “Il est de l’intérêt des Etats d’orienter leurs efforts pour attirer les investissements vers les activités permettant la réduction de la pauvreté et la création d’emplois”. Elle a également insisté sur l’importance de mettre en oeuvre des politiques permettant de partager la création de valeur et de réduire les inégalités.
Pour sa part, Marc Nassif, managing director chez Renault, y est allé de son propre témoignage. L’exemple du Maroc en matière de relation public-privé apparaît à cet égard édifiant. L’entreprise française d’automobiles produit en moyenne 360 000 voitures par an sur le sol marocain. Il a argumenté l’implantation de l’usine Renault à Tanger par une vision concordante entre l’etat et les investisseurs qui a permis de franchir les obstacles et de créer un climat de confiance entre les partenaires. Mis à part le port en eaux profondes de Tanger Med et les infrastructures ferroviaires, il a salué le courage de l’etat à engager des changements importants. Il s’est félicité qu’aujourd’hui le Maroc n’exporte pas seulement des voitures mais également des talents qui vont se forger une expérience à l’international.
Du financement pour tous
Indéniablement, il ne peut y avoir de croissance inclusive si les populations les plus fragilisées ne peuvent avoir accès au financement. Pour ce qui est de l’inclusion financière, Tarik Sijilmassi, Président du Directoire du Crédit Agricole au Maroc, souligne qu’il faut distinguer l’accès aux instruments financiers - tels que la bancarisation, le mobile banking - de l’inclusion économique qui permet aux personnes les plus défavorisées d’intégrer le circuit économique et de participer ainsi à la vie économique. En d’autres termes, le fait de donner des instruments financiers a son utilité mais reste insuffisant. Quant aux moyens de financement au profit de la couche la plus précaire, Boubker Jaï, Directeur Général d’attijariwafa bank, précise que Wafa Cash distribue des produits, offre des services bancaires à travers des comptes domiciliés à Attija- riwafa bank. Il ajoute que ceci permet à des populations à bas revenus de bénéficier de toutes les commodités bancaires à bas coût. Tarik Sijilmassi va encore plus loin en soulignant que toute l’innovation financière doit se rapporter à une population qui n’est, ni privée à ce point de moyens pour bénéficier du microcrédit, ni suffisamment structurée pour être dans le welcome banking traditionnel. Pour lui ces nouveaux outils nécessitent un certain contrôle et une certaine réglementation. Et d’ajouter que celle-ci, censée sécuriser le système financier, ne devrait pas devenir contre-productive pour le citoyen en situation précaire en Afrique. Tarik Sijilmassi termine en disant que le microcrédit ne remplace pas le système bancaire, mais plutôt les usuriers qui prolifèrent sur le continent. Il n’en reste pas moins qu’il doit être accompagné d’un programme d’éducation financière. Yacine Diama Fal, responsable pays au Bureau régional de développement et de prestation de services pour l’afrique du Nord à la BAD, a souligné le fait que chaque citoyen devrait contribuer à financer le développement. Et d’insister : « Il faut que les Etats soient capables de capter les ressources autres que celles fiscales à travers la mobilisation de l’épargne de la plus grande part de la population ». Yacine Diama Fal retrouve ses instincts de banquière pour préciser que le domaine d’intervention de la BAD est à géométrie variable. Elle peut accompagner des Etats dans la mise en place d’une réglementation ou en assistance technique, octroyer des lignes de crédits aux banques afin de mettre des fonds à la disposition des personnes qui n’ont pas de sécurité de revenus ou entreprendre des initiatives particulières telles que des programmes renforçant l’autonomisation des femmes en leur procurant des garanties ou une éducation financière. Vaste périmètre d’intervention et de puissants leviers pour mobiliser des énergies et soulever à partir de la base les forces et les ressorts d’une croissance durable et inclusive.