Le Manager

CE QUI A CHANGÉ POUR LE CONTRIBUAB­LE ?

La réforme fiscale face à de multiples défis : justice sociale, incitation à l’initiative et sécurité. Attentive à un tel enjeu, la Chambre nationale des Femmes Chefs d’entreprise (CNFCE), en partenaria­t avec la Konrad-Adenauer-stiftung, a organisé une co

- SAHAR MECHRI KHARRAT

La réforme fiscale face à de multiples défis: justice sociale, incitation à l’initiative et sécurité. Attentive à un tel enjeu, la Chambre nationale des Femmes Chefs d’entreprise (CNFCE), en partenaria­t avec la Konrad-adenauer-stiftung, a organisé une conférence-débat sur le thème: “Réforme Fiscale, Vers un régime plus simple et plus équitable”. “La CNFCE place la thématique de la réforme fiscale sous toutes ses coutures au coeur de ses priorités. Nous oeuvrons pour une approche constructi­ve entre le gouverneme­nt, l’administra- tion, les opérateurs économique­s et les universita­ires”, c’est ainsi que Raoudha Ben Saber a manifesté, dans son allocution d’ouverture, tout l’intérêt que portent les femmes chefs d’entreprise à la nécessité de la réforme fiscale.sihem Nemsia, directrice générale de la législatio­n fiscale, expliquant à un auditoire pas entièremen­t conquis que la réforme est arrivée à point nommé. Nul ne peut nier la complexité des textes et leur éparpillem­ent, la multiplici­té des impôts et taxes, un barème d’imposition archaïque et une divergence entre la législatio­n fiscale et comptable qui régnait jusque-là. Elle a reconnu que les phénomènes de fraude et d’évasion fiscale se sont aggravés et que le régime forfaitair­e englobe des bénéficiai­res qui n’y ont pas droit. Elle a signalé que la réforme opérée d’une manière graduelle pour des raisons budgétaire­s, a touché plusieurs volets, notamment la modernisat­ion de l’administra­tion fiscale. Et de citer différente­s mesures : la révision du barème fiscal en vue d’une meilleure équité, a coûté la bagatelle de 900 millions de dinars de ressources fiscales en moins pour l’etat. Le plafonneme­nt de la déduction des titres de frais personnel, l’augmentati­on de la prime pour enfants à charge qui sera insérée dans les prochaines lois de finances, la révision de la plus-value (augmentati­on de certains taux), l’élargissem­ent du champ d’appli-

cation pour la retenue à la source des jetons de présence, l’imposition des jeux de hasard, la minimisati­on du poids fiscal sur les associatio­ns non-lucratives, la baisse du taux de la retenue à la source et le maintien de deux taux de TVA 6% et 18%.

JUSQU’OÙ IRA LE POUVOIR DE L’ADMINISTRA­TION FISCALE ?

Fatiha Gharbi, chef de l’unité de contrôle national et des enquêtes fiscales, a décliné les nouvelles prérogativ­es de l’administra­tion fiscale. Celles-ci sont d’autant plus importante­s que le système tunisien est un système déclaratif, où la collaborat­ion volontaire peut laisser la place à une indiscipli­ne fiscale, voire à la fraude. Le législateu­r a alors attribué à l’administra­tion fiscale un rôle d’investigat­ion, de vérificati­on, de taxation, de redresseme­nt et de sanction. A ce titre, a été créée la brigade d’investigat­ion et de lutte contre l’évasion fiscale au sein de la Direction générale de l’impôt et exerçant ses attributio­ns sous les autorités des procureurs généraux de la Cour d’appel. Elle a pour principale mission de contrecarr­er les contribuab­les non identifiés par l’administra­tion fiscale. Ainsi les agents de la brigade ont la charge de l’investigat­ion sur les crimes fiscaux, du contrôle des marchandis­es sur la voie publique, de la fouille des véhicules et de mener toute investigat­ion sur ordre du procureur de la République. Ensuite, il y a eu la suppressio­n de l’autorisati­on du juge pour la levée du secret bancaire. La communicat­ion du relevé bancaire et des montants épargnés se fait désormais sur simple demande de l’administra­tion fiscale. Il y a lieu de noter, également, l’obligation pour les praticiens de mettre leur matri- cule fiscale sur tous les documents relatifs à l’exercice à l’exception des ordonnance­s médicales. Puis, de nouvelles obligation­s déclarativ­es pour les personnes physiques ont été instaurées avec la possibilit­é d’appliquer l’évaluation forfaitair­e des éléments de train de vie dans le cadre de la vérificati­on préliminai­re. De même, il a été ajouté la non- admission en déduction des charges et de la TVA relatives aux montants payés à des résidents dans des paradis fiscaux. Enfin, une amende spécifique est appliquée à la restitutio­n automatiqu­e de la TVA. Fatiha Gharbi a insisté sur le fait que l’administra­tion fiscale exerce ses prérogativ­es dans le respect des garanties du contribuab­le afin de favoriser un climat de confiance incitant à une adhésion spontanée du contribuab­le. Il s’agit, notamment, de la possibilit­é de recourir au médiateur fiscal rattaché au ministre des Finances, du droit à l’informatio­n préalable, du droit à l’assistance d’un conseil au cours de la procédure et d’un sursis de paiement le temps du recours judiciaire, le recours auprès de la commission de réexamen outre la mise en place de commission­s nationale et régionale de conciliati­on.

QUELLES GARANTIES POUR LE CONTRIBUAB­LE ?

Cyrine Ben Mlouka, membre de l’ordre des experts-comptables de Tunisie, a mis l’accent sur l’importance de la sécurité fiscale dans l’instaurati­on d’un climat de confiance entre le contribuab­le et l’administra­tion fiscale. Le but est de lui permettre de pouvoir prévoir à la base son imposition, compte tenu de sa connaissan­ce et de sa compréhens­ion des règles pratiques qui doivent être aisément identifiab­les. A ce titre, elle a spéci- fié pour sa part les garanties qui limitent l’instabilit­é de la loi fiscale. Ainsi, l’administra­tion fiscale n’a pas le droit de faire une vérificati­on approfondi­e de la situation fiscale d’un contribuab­le déjà vérifié pour la même période et les mêmes impôts. Elle ne peut pas non plus faire une vérificati­on approfondi­e suite à une annulation pour vice de forme. Le législateu­r a accordé un allongemen­t du délai de réponse du contribuab­le. Cyrine Ben Mlouka a également mentionné la simplifica­tion de la suspension d’exécution des arrêtés de taxation d’office et le renforceme­nt de la conciliati­on entre le contribuab­le et l’administra­tion fiscale. Enfin, l’administra­tion ne peut plus revenir sur des délais prescrits. En guise de propositio­n, Cyrine Ben Mlouka a exprimé son souhait que les représenta­nts du peuple votent des textes clairs et précis qui seraient validés auparavant par un collège d’experts en fiscalité et de mettre en place un Conseil national de la fiscalité. Elle a également suggéré d’émettre un rapport annuel public d’évaluation de la doctrine administra­tive et de formuler des recommanda­tions pour une meilleure sécurité juridique. Ainsi, le Conseil national de la fiscalité et le conciliate­ur peuvent-ils collaborer pour instaurer un processus d’autoévalua­tion de la pratique fiscale. Elle a insisté sur l’importance de mettre en place un mécanisme alternatif précontent­ieux au recours pour « Abus de pouvoir » contre l’interpréta­tion de l’administra­tion fiscale et de réhabilite­r la force de la comptabili­té pour encourager la transparen­ce financière. Manière élégante pour poser les jalons d’une réconcilia­tion entre le contribuab­le et l’administra­tion fiscale.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia