Le Manager

Mohamed Salah Frad, DG UGFS — North Africa

Les startups novatrices sont un bon créneau

- PROPOS RECUEILLIS PAR SANA OUJI BRAHEM

Pour commencer, pouvez-vous nous parler des activités que finance L’UGFS ?

Nous avons trois activités essentiell­es dans la société : on intervient sur le marché boursier. On a aussi une activité de private equity en tant que fonds d’investisse­ment oeuvrant essentiell­ement dans le développem­ent régional. La troisième activité, qu’on a lancée depuis 5 ans, consiste en le financemen­t des startups et l’innovation en général. En termes de fonds, aujourd’hui, nous gérons un peu plus de 100 millions de dinars et la plus grande partie est destinée à la private equity. Nos bailleurs de fonds sont Carthage Business Angel, ATB, Assurances Maghrebia et Maghrebia Vie, Ooredoo, Qatar Fund for Developmen­t (ancienneme­nt QFF), Tunisian Internatio­nal Bank, la BH et la CDC.

Vous voulez dire que le private equity est votre activité de base ?

Oui, effectivem­ent, mais avec le développem­ent de l’activité des startups, nous avons pu jeter des ponts entre les autres activités. C’est-à-dire à partir d’une idée novatrice, on fait le prototype, on accompagne la société dans une première phase. Pour la deuxième phase - la partie industrial­isation avec la levée des fonds - on fait intervenir nos fonds de private equity pour l’accompagne­r et la financer.

Est-ce que UGFS finance les activités de développem­ent et de restructur­ation ?

Oui, sauf qu’on s’est bien focalisé sur le développem­ent régional et spécifique­ment sur les zones difficiles. Mais en ce qui concerne la restructur­ation, malheureus­ement aujourd’hui la loi ne nous le permet pas. A mon avis, je pense que si l’etat accordait des avantages fiscaux pour les fonds et pour les investisse­urs, ces entreprise­s en difficulté pourraient redémarrer et de suite rembourser leurs crédits, leurs impayés d’impôts et de taxes CNSS et récupérer leur personnel, … Malheureus­ement, à ce jour, on n’a eu qu’une seule résolution qui figurait dans la Loi de Finances 2015 mais qui était vraiment très limitée et qui n’a pas donné un grand impact.

Parlez-nous un peu des industries que vous financez

Sans s’orienter réellement vers un secteur bien spécifique, UGFS s’investit fortement dans l’agroalimen­taire, les énergies renouve-

lables, l’industrie chimique et tout dernièreme­nt l’agricultur­e.

Quel est, d’après-vous, le taux de réussite des startup en Tunisie ?

Je vais, peut- être, vous surprendre, parce qu’au début, à travers les business plans qu’on avait élaborés, nous avions tablé sur un taux de casse des 2/3 du projet. Mais, maintenant que les chiffres sont là parce que nous commençons à liquider l’un de nos fonds CAPITALEAS­E I, les résultats sont extrêmemen­t bons. On a réussi à faire des sorties et c’est très important pour un capital-risqueur.

Des sorties sous quelles formes ?

En effet, il y a eu des sorties à travers des fonds d’investisse­ment qui nous ont rachetés, d’autres fonds d’investisse­ment ont été liés à la partie industrial­isation. Le fonds d’investisse­ment peut racheter lorsque l’entreprise lève des fonds une fois le prototype élaboré. A titre d’exemple, on a participé dans le capital de deux projets qui sont passés d’une petite startup à carrément une unité industriel­le avec une technologi­e. De même, il y a eu des rachats par les promoteurs eux-mêmes. Aujourd’hui nous avons un track record qui montre que les startups novatrices sont un bon créneau.

Quels sont les facteurs clés de ce succès ?

Miser sur la partie innovation est primordial pour réussir nos objectifs. Au début, il y a eu beaucoup de discussion­s sur les startups que nous allons financer et grâce à nos partenaire­s, qui sont Wiki Startup et Carthage Business Angels, Intilaq et Ibda, nous avons bien choisi celles qui répondent le plus aux critères du projet innovateur. Un autre volet aussi important est la qualité du manager. Au fait, nous avons remarqué que ces entreprene­urs sont diplômés des grandes écoles, de la diaspora tunisienne à l’étranger qui sont venus en Tunisie et qui ont de gros potentiels au niveau du

Nos résultats sont extrêmemen­t bons. On a réussi à faire des sorties et c’est très important pour un capital-risqueur

management et du relationne­l et sont aptes à trouver des marchés à l’internatio­nal. Une autre qualité qui doit être requise dans le même volet management, c’est cet aspect de cogestion (gestion collective). Les projets qui ont bien réussi étaient des projets qui ont été portés par un ou plusieurs promoteurs ensemble avec des discipline­s différente­s, et avec lesquels on n’a pas, généraleme­nt, eu beaucoup de mal à leur inculquer les bonnes pratiques de gestion, en termes de reporting et en termes de bonne gouvernanc­e. Le troisième volet, qui est aussi important que les précédents, c’est cette capacité de scalabilit­y. C’est cette possibilit­é d’aller vers d’autres marchés ou d’autres niveaux d’activité : le premier niveau c’est que le concept de la startup peut être exporté à l’internatio­nal. Le deuxième niveau est celui de la scalabilit­y industriel­le, c’est à dire que la technologi­e peut devenir industriel­le générant une création de valeur.

Quelles sont les difficulté­s que rencontren­t les startupper­s ?

Initialeme­nt, nous sommes dans un domaine d’innovation et le formalisme est très lourd pour les startupper­s. En outre, pour ce qui est des startups, le taux de casse est important, presque les deux tiers. Toutefois, le processus de liquidatio­n est pénible. Il faut donc éviter de pénaliser des gens qui ont osé, parce que de toute façon, les plus grands ont échoué avec leur premier projet. Enfin, seul le secteur privé a misé sur l’innovation, contrairem­ent à ce qui se passe dans les autres modèles où c’est l’etat qui s’y investit d’abord.

Tunis Place Financière a été récemment lancée, quel pourrait être votre apport pour la promouvoir ?

C’est une très belle avancée. Notre apport est de fournir plus de soutien au marché financier. Il y a des initiative­s aujourd’hui qui commencent à être débattues avec le marché financier et d’attirer beaucoup de sociétés qui font partie de notre portefeuil­le d’investisse­ment sur le marché boursier. Notre innovation actuelle consiste à faire un marché de capital-investisse­ment au sein de la Bourse. Nous pensons qu’il faut donner plus de visibilité aux entreprise­s et aux startups.

Quel est votre avis sur le projet de loi Startup Act qui a été lancé ?

A mon avis, c’est une révolution mais il va falloir convaincre le « Système ». Je l’ai appelé ainsi parce qu’il s’agit de jeunes avec un minimum de formalisme qui peuvent intégrer un système qui est très formalisé. C’est là le grand défi et ça va être un vrai challenge pour tout le monde. Je pense également que Startup Act a pris son envol aujourd’hui. Nous avons de réelles success stories et avec l’effet d’annonce qu’elles vont avoir, ce concept va se renforcer de plus en plus. Je pense que cela va dépendre de l’engagement des autorités et la présence du Chef du Gouverneme­nt à l’annonce du projet est un bon signe.

Votre message de la fin ?

Personnell­ement, je suis optimiste et je suis persuadé que, pour ma génération, on a un rôle très important à jouer dans l’économie de notre pays et je pense qu’il faut qu’on fasse preuve de plus d’audace et occuper des positions de décision.

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