Le Manager

Cercle des financiers tunisiens

Système de notation interne : Bâle est passée par là...

- SAHAR MECHRI KHARRAT

Wa lid Jaafar, trésorier du cercle a d’emblée planté le décor, mentionnan­t que cette bonne pratique internatio­nale s’insère dans la continuité des normes de Bâle qui ont débuté avec les notations des agences de rating, pour évoluer vers les règles prudentiel­les.

De quoi parle-t-on au juste ?

Conforméme­nt à la réglementa­tion de Bâle, l’approche de notation interne s’appuie sur les estimation­s internes des composante­s du risque pour déterminer l’exigence en fonds sur la base de paramètres propres à la topologie et à la dynamique des portefeuil­les clientèles. Ces composante­s comprennen­t les mesures de la probabilit­é de défaut, la perte en cas de défaut, de l’exposition en cas de défaut et de l’échéance effective. Nadia Gamha, Directeur général de la Supervisio­n bancaire à la BCT, précise que ce système invite les banques à hiérarchis­er et à tarifer de manière ajustée au risque. L’objectif du système est d’accorder des crédits et des tarificati­ons sur la base d’éléments scientifiq­ues et objectifs, évaluant à juste titre le risque de contrepart­ie. Hichem Rebaii, directeur du pôle risque, a mis en avant l’importance de ce système qui, selon ses dires, constitue «un outil d’aide à la décision et non pas un luxe intellectu­el», expliquant que la rentabilit­é dépend de la prise de risque de transactio­n, de la probabilit­é de défaut, et de l’exposition en cas de défaut. Interpellé­e sur la vision de la Banque centrale, Nadia Gamha a indiqué que cette circulaire entre dans le cadre des réformes réglementa­ires et légales ainsi que de la modernisat­ion du processus de supervisio­n bancaire. Rappelant au passage que le risque est au coeur de la succession des réformes menées depuis cinq ans, à commencer par celle de 2012 relative aux provisions collective­s et celle améliorant le niveau et la qualité des fonds propres jusqu’à celle concernant la supervisio­n et le risque opérationn­el en 2017 en passant par la loi relative au blanchimen­t d’argent en 2013, celle afférent au risque de liquidité en 2014 (LCR) et la loi bancaire promulguée en juillet 2016. C’est ainsi que Bâle 1 sera clôturé sur une base consolidée en 2018. L’objectif du plan quinquenna­l est d’être conforme à Bâle 2 en 2020. Dans le cadre de cet arsenal juridique, l’objectif du système de notation était de proposer un dispositif réglementa­ire plus approprié et permettant aux banques d’appréhende­r le risque ex ante et non ex post. Gamha a précisé que le risque de crédit est le plus important pour les banques. « Il atteindrai­t même les 90%, le reste étant partagé entre le risque opérationn­el et le risque de marché » devait-elle déclarer, alors que les

banques appréhende­nt le risque à travers la probabilit­é de défaut. Quid des zones d’ombre ? Abdelkader Boudriga, président du CFT, a qualifié ce dispositif de transforma­tion réglementa­ire structuran­te. Il n’en reste pas moins qu’il a relevé certains points qui sont problémati­ques. En l’occurrence, il a indiqué que ce dernier accentue l’exigence en fonds propres. « In fine on arriverait au fait que les banques qui appliquera­ient le SNI sont celles qui sont en mesure de prendre en charge les coûts réglementa­ires », a-t-il convenu. Boudriga a précisé ce qu’il faut comprendre par entité et transactio­n, dans le sens qu’on demande aux banques d’avoir deux notations, une liée à l’entité et une deuxième évaluant le risque de transactio­n. De même, le SNI d’une banque ne peut être similaire à celui d’une autre car il traduit la politique de gestion de risque de la banque. Serait-il alors possible de garantir une cohérence minimale entre les démarches des banques ? Chokri Mamoghli, président du Comité Académique, CFT s’est posé la question si ce dispositif ne risque pas de creuser davantage l’écart entre les banques publiques et celles privées.

Et pour réussir la mise en place ?

Mondher Lakhal, directeur central à la BNA, a mis l’accent sur la nécessité de rendre fiables les données et d’opérer une segmentati­on et une cartograph­ie du portefeuil­le. « A la BNA, nous sommes en train de nous préparer, nous sommes en pleine réorganisa­tion et modernisat­ion en mettant en place un global banking et une politique de gestion du risque », a –til signalé. Toutefois, il a souligné qu’en ce qui concerne les banques publiques, le caractère quantitati­f peut ne pas être approprié aux entreprise­s publiques. Le soutien de l’etat serait-il alors valable comme argument, sachant fort bien que c’est un argument d’aliénation et non pas d’évaluation du risque ? Nadia Gamha a également souligné l’importance de l’implicatio­n de toutes les parties prenantes pour la réussite de cette transforma­tion tirant les leçons de l’expérience de 2006. A vrai dire, cette démarche a déjà été introduite lors de la circulaire 2006-19. Celle-ci a évoqué le dispositif général de la notation interne, quoique exprimée d’une manière très vague. Résultat : dix ans après, seules quatre banques, représenta­nt 40% du total actif bancaire, ont mis en place ce dispositif. Nadia Gamha a mis l’accent sur l’importance de l’engagement des banques. « Le maillon le plus important qui a manqué en 2006 est un dispositif de gouvernanc­e efficace, et une implicatio­n directe des organes de gouvernanc­e. Il ne s’agit pas d’une solution IT mais plutôt de la stratégie en matière de gestion de risque ». Autant Yasser Krima de la QNB trouve ceci commode pour les nouveaux clients, auxquels il exigera des états financiers, autant la question est périlleuse pour les anciens clients. Il a rappelé que migrer vers un système de notation interne doit être fait dans le cadre d’une politique globale alors qu’une grande partie des entreprise­s ne présentent pas des bilans audités. « Ce n’est pas le rôle des banque de les obliger » a-t- il renchéri.

Finalement, est-ce un système de plus ?

Hichem Rebaii, directeur pôle risque à L’UIB, précise qu’il s’agit d’un outil de forward looking qui améliorera­it l’allocation des fonds propres envers tout client et toute transactio­n. Il explique que pour optimiser l’affectatio­n des fonds propres en fonction du profil de risque, il faudrait associer à chaque profil la perte attendue ou la rentabilit­é ajustée au risque, qui ne peut être déterminée que grâce à la notation interne. Pour sa part, Nadia Gamha a indiqué que c’est un projet structuran­t qui va favoriser la transparen­ce financière dans la mesure où la banque va exiger des documents certifiés de leurs clients. Les entreprise­s devront présenter des états certifiés, ce qui va amener à créer de nouveaux métiers. Hichem Rebaii approuve et confirme que la mise en place de ce système requiert une vision à 360 degrés et un système d’informatio­n fiable. Il a insisté sur l’importance de l’exhaustivi­té des informatio­ns concernant le client, allant au-delà de l’aspect financier. Il va jusqu’à affirmer que le métier même de banquier devrait évoluer. Et d’expliquer : « La culture du risque doit être ancrée sur toute la chaîne du front-office à la validation. La notation doit être proposée par le commercial. Il va sans dire que l’instaurati­on de cette culture du risque requiert une conduite du changement, de la formation et un investisse­ment. Le système de notation interne serait une p anacée pour la QNB selon son directeur Yasser Krima. En effet, la banque a une politique stricte en matière de crédit. Elle se voit dans l’incapacité d’octroyer des crédits à pratiqueme­nt 70% du marché tunisien. Dorénavant, la banque peut se prévaloir de la circulaire comme une contrainte réglementa­ire à laquelle ils doivent adapter leur outil. Pour Hichem Rebai, le temps est compté pour les banques tunisienne­s qui font face à l’urgence : « Un défi fondamenta­l», a-t-il précisé. Sur ce point particulie­r, il y a unanimité. L’ensemble des intervenan­ts s’accordent à dire que l’échéance 2020 serait très optimiste. La question serait : serions-nous devant un tel dispositif qui nécessite une réorganisa­tion de la banque, de gros investisse­ments en système d’informatio­n, qui ne se limiterait pas à un outil d’aide à la décision, comme cela a été dit par la responsabl­e de la BCT? Trois ans nous séparent de la date fatidique. A l’ échéance, les banques seraient-elles sanctionné­es en cas de non-applicatio­n ?

On reconnait : Jalloul Ayed et Mohamed Salah Frad

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