Tunis Place financière est née
Pour le lancement de Tunis Place financière, la Bourse de Tunis a réuni, courant avril, des décideurs économiques et financiers. La parole a été donnée à d’éminents experts internationaux. L’événement a été rehaussé par la présence de Chedly Ayari, Gouver
U ne annonce tant attendue prononcée par la voix du président et du DG de la Bourse, Khaled Zribi, a ux a cteurs de la scène financière. Comme quoi il n’y a pas dans l’univers de la finance que des jeudis noirs. Celui du 6 avril restera dans les annales du système financier tunisien en devenir. La Tunisie aura à l’avenir sa place financière au même titre que les autres marchés émergents. Dans son allocution d’ouverture, Khaled Zribi a déclaré : « Forte d’un savoir-faire et d’une expertise reconnus chez les intermédiaires en Bourse, les banquiers et les assureurs, d’une batterie réglementaire, d’une industrie financière étroitement liée à la technologie et des infrastructures existantes qui répondent aux normes internationales, c’est l’interconnexion et le partage de vision qui manque à l’écosystème tunisien ». Fort convaincu que ceci mène à un proces- sus de décisions amélioré permettant d’atteindre plus rapidement les objectifs fixés, il s’est dit fier d’abriter cette structure à la Bourse de Tunis pour la porter à maturité.
Fixer le cap d’emblée
Pierre Reboul, Associé Eurogroup Consulting UK, est revenu sur les divergences dans les niveaux de maturité des bourses, ce qui fait que les enjeux soient différents. Quand bien même ces dernières années les zones émergentes ont été considérées comme un relais de croissance, les taux d’intérêt sont très bas ailleurs, les divergences des réalités réglementaires entre les continents rendent les transactions difficiles. Il a souligné au passage les différences entre les trois grands acteurs européens. Si l’euronext poursuit une stratégie de consolidation horizontale depuis Amsterdam jusqu’à Lisbonne afin de créer une masse critique sur la partie transactionnelle de chaîne de valeur, Deutsch Börse, quant à elle, adopte une stratégie verticale allant de la transaction jusqu’aux règlements. Pour ce qui est de LSE, elle est à la croisée des chemins, même si un peu plus proche d’une stratégie de consolidation verticale. Elle a même tenté une stratégie de rapprochement avortée avec Deutsch Börse. Pour rebondir sur le cas tunisien, Pierre Reboul a insisté sur l’impératif de savoir dans quelle direction on se dirige et quelles sont les sources de création de valeur lorsqu’on veut créer une place financière. Et d’expliquer : «Grâce à une place financière, vous pouvez faire un saut de maturité et vous positionner là où les autres sont arrivés, notamment en termes de coefficient d’exploitation ». Pour cela, il a mis l’accent sur l’importance de développer un écosystème qui réunisse à la fois les investisseurs, les intermédiaires, les acteurs de technologies, et où chacune des parties prenantes doit pouvoir se retrouver. Mehdi Ghissassi, Manager Eurogroup Consulting Maroc, a mentionné que par exemple Casablanca Finance City s’est donné pour mission de fédérer les entreprises CFC et de les orienter vers l’afrique. Et d’ajouter : « CFC a boosté
cette dynamisation des investissements en Afrique. Il faut reconnaître que ceci n’aurait pas été possible sans la volonté du souverain et la signature d’un ensemble d’accords de coopération et de conventions bilatérales avec un grand nombre de pays afin d’accompagner les entreprises ». Les retombées se sont vite fait ressentir au Maroc, selon les dires de Mehdi Ghissassi : les bailleurs de fonds ont décidé de s’installer à Casablanca à travers Africa fifty. B ank of China a également ouvert un bureau de représentation, ECP a également pris pied à terre. « Cette plateforme a réellement incité les industriels à investir en Afrique », a-t-il mentionné. C’est le résultat d’un effort de longue haleine ! Pierre Reboul a préconisé trois catalyseurs. D’abord créer un électrochoc qui fait qu’à un certain moment, les émetteurs aient un intérêt à venir se lister sur le marché. A ce titre, il a précisé que la Banque centrale et le régulateur ont respectivement un rôle à jouer à rendre le financement par le marché moins cher et à bonifier le passage systématique par la Bourse. Clin d’oeil au gouverneur de la BCT présent ! Enfin, il a souligné l’importance de la structuration de l’offre pour qu’elle puisse répondre aux besoins de financement de l’économie. Alain Pithon, Secrétaire Général de Paris Europlace, est revenu sur les facteurs clés de succès de Paris Europlace, une structure relativement souple s’appuyant sur ses 250 membres répartis entre cabinets de conseil, banquiers, assureurs, gestionnaires de fonds, grandes entreprises cotées, collectivités territoriales, universités et centres de recherche, association professionnelle mais surtout des PME. Et c’est ce qui la différencie de la City par exemple pour ajouter qu’elle est toujours présidée par un chef d’entreprise. Il a m is en e xergue c inq é léments. D’abord, la stratégie pour dire que les différents acteurs se mettent d’accord sur ce qu’ils veulent faire ensemble les années à venir. Ensuite, il n’a pas manqué de reconnaître que pour enrayer certaines difficultés, il avait fallu être actif en termes de lobbying, notamment pour calibrer les mesures fiscales. Puis, il a insisté sur l’importance de l’action européenne et l’action internationale en général. Il a souligné que cette structure doit se donner pour rôle de renforcer une ambition internationale. Elle doit considérer les voisins de la Tunisie mais également le potentiel africain.
Enfin, il a mis en avant l’importance de la recherche et de l’innovation : « Si nous avons été capables de structurer une association de place, nous sommes capables de saisir les opportunités et de favoriser l’accélération», a-t-il convenu. Et de conclure : «J’ai un message du président de Paris Europlace : nous serions heureux d’être un partenaire privilégié pour le lancement et le développement de Tunis place financière ».
Quels atouts pour la Tunisie ?
M. Joseph Florentin, Associé Eurogroup Consulting Tunisie, fin connaisseur du marché tunisien, a mis en exergue le rôle de la Bourse dans l’évaluation de l’entreprise à côté de l’appréciation bancaire. Il a précisé que la Tunisie dispose de certains atouts pour développer cette culture financière. Il a cité le programme Investia PME qui compte a priori accompagner 100 PME tunisiennes pour des introductions, la certification ISO27001, qui d’après lui est un must pour marketer le marché à l’extérieur et l’ouverture à l’international qui s’opère de manière progressive. A ce titre, il a précisé que la Tunisie a intérêt à se hisser d’un taux de 24.5% à un taux de 50% pour générer des volumes, des arbitrages, des investissements ainsi qu’un regard neuf sur le marché. Insistant sur l’importance des partenariats et de la coopération internationale dans l’architecture financière actuelle, il a loué le premier protocole de cross listing avec Nasdaq Dubaï et a appelé à en développer d’autres. Florentin a même préconisé d’étudier avec un regard neuf les deux accords de coopération qui n’ont pas abouti entre Casablanca et Tunis. Et d’insister : « Il ne s’agit pas de partager le gâteau en deux mais de le faire grossir. C’est une des sources d’attractivité et de liquidité des marchés et un facteur d’accélération et de développement». Il a également mentionné que la cote boursière ne reflète pas la richesse de l’économie tunisienne qui est surpondérée par les banques (elles représentent 50% alors qu’elles ne sont que 37% au Maroc). Il a rebondi sur l’électrochoc évoqué par Pierre Reboul pour dire que la Tunisie en a une pléthore commençant par le finan- cement public- privé, la restructuration des opérations pour attirer les émetteurs sur les Telco, la simplification du cadre juridique et réglementaire, l’accompagnement des privatisations, notant que la CPG aurait dû être un fleuron de la Bourse comme l’est L’ECP au Maroc.
Concrètement, comment mettre en place TPF ?
Joseph Florentin a précisé qu’il faut d’abord fédérer : « Les défis de la compétition internationale sont énormes. Vous serez plus forts tous ensemble, qu’individuellement ». Il a insisté sur l’importance d’associer les différentes professions et plus spécifiquement celles qui contribuent à procurer une information financière fiable et de qualité. « C’est ce qui fait la qualité d’un marché », a-t-il signifié. Ensuite, il a mis en avant la nécessité de définir sa propre ambition qui doit être connectée aux enjeux économiques du pays, en cohérence avec sa volonté d’expansion et d’amélioration de l’attractivité de son site. Il a, en outre, souligné l’importance de préciser les attributs futurs de TPF : statut fiscal, accord de coopération, aides à l’investissement. Enfin, il a indiqué qu’il est tout aussi important de structurer que de le faire savoir et de communiquer en Tunisie et à l’international. Il faut se focaliser sur deux ou trois sujets, le communiquer pour concrétiser les premières avancées et déclencher une dynamique positive. Séduisant programme dont le lancement a été fièrement proclamé par Bilel Sahnoun, à l’issue d’un accord entre tous les acteurs du marché. Le DG de la Bourse persiste et signe : «Maintenant, nous allons passer à l’acte». Bilel Sahnoun a confirmé l’adhésion de la Présidence du gouvernement, du ministère des Finances, du ministère du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale, de la Banque centrale de Tunisie, du Conseil du marché financier, L’APBTEF, de l’association des intermédiaires en Bourse et de la Fédération tunisienne des sociétés d’assurances ! Le plus dur reste à venir. Autant dire que toutes les parties prenantes doivent s’investir corps et âme dans la concrétisation d’un projet digne de nos aspirations avec comme seul souci l’intérêt de la communauté nationale !