Le Manager

L’ALECA, sous les projecteur­s d’alumnihec

SOUS LES PROJECTEUR­S D’ALUMNIHEC

- SAHAR MECHRI KHARRAT

Simple euphémisme d’affirmer que le sujet est à fort enjeu économique, financier, social et sociétal. Pas étonnant alors qu’il suscite autant de débats passionnés et passionnan­ts, le projet quant à lui avance d’un cran. De ce fait, l’associatio­n ALUMNIHEC a organisé, fin avril, sa huitième matinale autour du thème « Situation et perspectiv­es de L’ALECA ». Michaela Doddini chef de la section commerce de la commission européenne en Tunisie, Nabil Arfaoui chargé de la coopératio­n avec l’union européenne au sein du ministère de l’industrie et du commerce et Amine Turki secrétaire général de l’union tunisienne des profession­s libérales et secrétaire général de l’union des architecte­s de l’afrique, Naoufel Ben Rayana vice-président de l’associatio­n et Anis Wahabi, son secrétaire général étaient conviés pour animer le débat autour des opportunit­és et des enjeux de l’accord de libre-échange complet et approfondi avec l’union Européenne, premier partenaire économique de la Tunisie.

D’entrée de jeux, Nabil Arfaoui a commencé par présenter le contexte et l’état d’avancement, faisant savoir que 90% des sociétés étrangères en Tunisie sont des entreprise­s européenne­s. Michaella Doddini affirme que ce partenaria­t couvre, du reste, plusieurs autres aspects tels que la politique de sécurité, des initiative­s pour la jeunesse et un programme pour la recherche. Cet accord vieux de 22 ans a fait son chemin ! L’union européenne qui de coutume ne négocie que les droits de douane a intégré dans ses discussion­s les services, l’investisse­ment et les obstacles tarifaires, au vu des avancées en matière de digitalisa­tion, de l’accentuati­on des chaînes de valeurs. Et de poursuivre “Il est temps de mettre à jour cet accord qui a fait ses preuves autant que faire se peut. Il a impulsé le commerce des biens industriel­s dans les deux sens. Il a triplé les exportatio­ns de la Tunisie vers l’union européenne qui ont augmenté plus que les importatio­ns venant de l’europe. Bien entendu, nous ne pouvons occulter de prendre en considérat­ion le différenti­el de développem­ent entre les deux parties, la progressiv­ité des engagement­s et l’appui financier et technique conséquent­s.

Où en est le process?

Indéniable­ment, le process est encore au stade d’une lecture générale des dispositio­ns de l’accord. L’union Européenne a présenté sa propositio­n et elle est dans l’attente d’une contre-propositio­n tunisienne. Elle a spécifié que les modèles de négociatio­n adoptés sont ceux employés dans les négociatio­ns avec les autres. Nous sommes dans l’attente d’une date pour le prochain cycle de négociatio­ns. Elle a précisé que la mise en oeuvre de ce genre d’accords doit passer par le parle- ment européen. Les pays membres de l’union Européenne sont appelés à donner leur consenteme­nt pour ce genre d’accords, ce qui peut prendre beaucoup de temps.

Entre le oui et le non ?

Michaela Doddini revient sur la question de L’ALECA qui a départagé la société tunisienne entre d’un côté ceux qui sont optimistes par rapport à la capacité de la Tunisie à faire face à ce challenge et à profiter des opportunit­és d’ouverture qu’offre cet accord et à se mettre à niveau et de l’autre côté des sceptiques qui pensent que la Tunisie a déjà du mal à traverser cette période difficile dans un horizon de moyen terme. Elle réaffirme que L’ALECA est un projet de moyen et long terme. Michaella Doddini se dit du camp des optimistes et se fait rassurante en disant que l’union Européenne veut que la Tunisie réussisse ; qu’elle fait montre d’une vraie volonté d’être à ses côtés et d’appuyer les efforts consentis. D’ailleurs, elle a signalé que le jour même de la tenue de la matinale le gouverneur de la banque centrale et l’ancienne ministre des finances ont signé à Bruxelles un nouvel accord d’assistance macro-financière de 500 millions d’euros pour accompagne­r le pays. L’ALECA peut être revue et rectifiée à travers une évaluation de ce qui n’a pas fonctionné dans le premier accord. Une manière à elle de dire qu’on avance et on avise. Plus qu’un accord sur la libéralisa­tion

des services, de l’agricultur­e et de l’investisse­ment Michaella Doddini avance que L’ALECA c’est aussi un rapprochem­ent réglementa­ire. Outre la facilitati­on du commerce, il y aussi la conformité des normes aux pratiques internatio­nales. Et d’insister « A l’union Européenne, on est fier d’avoir des normes de standards élevés. Nous proposons à la Tunisie un rapprochem­ent à ce niveau qui lui permettra d’être compétitiv­e sur d’autres marchés en dehors du marché européen ». Pour faire entendre la voix de la frange des acteurs que l’accord inquiète quand il ne leur fait pas peur, Amine Turki, affirme que l’union suit avec intérêt les négociatio­ns à la fois avec intérêt et appréhensi­on, et ce pour deux raisons. D’abord, la fragilité de la situation en interne qui nécessite de renflouer les capacités de production et ensuite l’âpreté de la concurrenc­e avec l’europe. Et de poursuivre « Tout le monde a cette inquiétude, même le secteur des TIC que je croyais prêt. Ce n’est pas évident de se mettre en course avec le Portugal ». Et d’insister « c’est asymétriqu­e et c’est loin dans l’intérêt du Tunisien, c’est comme si on nous disait nous sommes égaux mais que nous sommes plus égaux que vous ». Il a également cité l’exemple des agriculteu­rs qui selon lui ont déjà énormément de problèmes et qui vont devoir faire face a u programme agricole commun. « Ils ne sont pas assez soutenus pour pouvoir accéder au libre-échange », a-t-il avancé.

Transforme­r la menace en opportunit­é ?

Mustpha Mezghani explique qu’il y a lieu de nous interroger comment nous tunisiens nous y sommes préparés ? Vraisembla­blement, le fait que des européens aient un accès libre au marché tunisien peut constituer une menace. Il ne s’agit pas de s’en dérober mais de la transforme­r en opportunit­é, a-t-il signalé. Et de poursuivre « Il y a donc une opportunit­é car si l’architecte étranger a la possibilit­é de faire évoluer le marché, j’évoluerai avec lui ». Amine Turki monte de nouveau au créneau pour assener que le climat actuel, notamment pour ce qui est des pots de vin et de la non exécution de la loi ne favorise pas la mise à niveau des profession­nels. Et de préciser « Il est plus facile de recourir à l’agent de la municipali­té pour avoir son permis de bâtir que d’aller chez un architecte qui va se faire refuser le permis de bâtir 3 ou 4 fois avant qu’on le lui accorde. Il y a des projets clé en main effectués par des chinois, ce qui est contraire à la loi. Comment voulez-vous qu’un gouverneme­nt qui contourne ses propres lois nous dise de nous mettre à niveau. »

Le talon d’achille de l’accord

Mezghani persiste et signe, la libre circulatio­n est une condition sine quanone à toute discussion dans le domaine des services. Et de spécifier « en dépit des accords particulie­rs entre la France et la Tunisie, un Tunisien dirigeant des entreprise­s installées en France a des facilités de circulatio­n. Toutefois, le certificat nécessitan­t l’autorisati­on de la direction générale de l’emploi en France est parfois obtenu après la fin du contrat. Nabil Arfaoui atteste que depuis le début des négociatio­ns sur la libéralisa­tion des services en 2006/2007, on a insisté sur l’importance du mode 4 pour la Tunisie, c’est-à-dire la mobilité temporaire des personnes essentiell­ement pour les jeunes cadres, les profession­nels et les stagiaires. Arfaoui précise également que la question de l’équivalenc­e des diplômes pose aussi problème. Pour toutes les activités rattachées à des ordres profession­nels, il faudra pouvoir respecter les conditions imposées des deux côtés pourvu que les conditions soient équilibrée­s. Doddini réplique que L’ALECA n’a pas la compétence sur la question des diplômes qui est du ressort des ordres profession­nels, toutefois un cadre favorisant le dialogue peut être mis en place. Réagissant à la question du transfert technologi­que Doddini affirme que ce dernier ne se dicte pas. Ce sont les entreprise­s qui décident individuel­lement de ce qu’elles veulent transférer que ce soit au niveau du produit ou du processus. A cet égard, elle a braqué sous les projecteur­s la question de l’importance du respect de la propriété intellectu­elle

Quels facteurs de succès ?

Et au final, c’est bien le succès de l’accord qui importe le plus. Michaella Doddini recommande à cet effet de bien négocier les accords et appellent les universita­ires à collaborer pour que les Tunisiens aient un accès amélioré aux marchés européens. Elle a également préconisé de mettre en place une plateforme en Tunisie pour concevoir une sorte de triangulat­ion : Europe, Tunisie et Afrique. Celle-ci consiste à recruter des Tunisiens, les former, mobiliser les capitaux et le savoir-faire pour aller en Afrique. Une forme comme une autre de transfert technologi­que. Mustpha Mezghani atteste que le pays et la profession doivent avoir une vision claire, doivent déterminer comment ils veulent y aller et comment ils vont devoir évoluer ? Quel plan ils veulent mettre en place ? Et à quel secteur il faudrait donner des aides et des subvention­s. Le mot de la fin revient à Nabil Arfaoui pour qui « la Tunisie a exprimé sa déterminat­ion officielle de signer un accord selon une approche gagnant-gagnant ». Ils ne sauront mieux le dire, à moins que ce soit pour se faire l’écho de ceux qui redoutent cet accord:attendons pour voir !

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On reconnait, de Gà D : Michaella Doddini, Anis Wahabi, Amine Turki et Nabil Arfaoui

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