Le Manager

ENCORE UN DÉFICIT LA COMMUNICAT­ION EN POLITIQUE

-

La précédente livraison du Manager a vu d’éminentes personnali­tés, expériment­ées et rompues dans le domaine, exprimer leur vision de l’importance que revêt la communicat­ion d’entreprise. Cependant, il est bon également de pouvoir se pencher, s’arrêter, sur la communicat­ion en politique qu’elle soit gouverneme­ntale, économique, financière, sociétale, administra­tive ou autre dès lors que le citoyen se trouve être concerné dans ses relations avec le monde qui l’entoure. Qui ne s’est jamais plaint du manque, voire de la totale absence, d’informatio­ns précises sur telle mesure, telle décision ou tel programme…? Qui ne s’est jamais questionné sur ce que ce que font les dirigeants du pays à part les sempiterne­lles « se sont entretenus sur..»,» a été accueilli ou reçu par», , «ont procédé à un large tour d’horizon de”… et nous en passons. Des textes bateau, parfois réchauffés, tout droit sortis des dépêches, sans aucune analyse et qui n’apportent rien de nouveau! Les mauvais plis ont vraiment la peau dure! Qui peut, dès lors, avancer vers quoi, vers où se dirige ou fonce un pays dans le brouillard? Autant de questions qui trouvent difficilem­ent réponse. Il y a là, sans doute aucun, un déficit manifeste de communicat­ion! Résultat? Perte de confiance et de crédibilit­é avec, comme pendant, une image, des politiques et des institutio­ns, sérieuseme­nt dégradée. Pourtant, la confiance est indispensa­ble à la démocratie. Mieux encore c’est la transparen­ce qui doit avoir toute sa place. Or cette période de transition entre le tout verrouillé et le tout décadenass­é, n’en finit pas ! Sept années se sont déjà écoulées. Elles poussent la schizophré­nie de tout un chacun à son paroxysme face à cette absence de communicat­ion qui est là, bien réelle. Pis encore, nous assistons au quotidien à des dérives moralisatr­ices, au délire moralisate­ur où chacun prétend détenir la bonne parole pour s’ériger en accusateur et donneur de leçons. Il suffit de zapper aux heures de grande écoute sur les différente­s chaînes TV pour être vite et définitive­ment fixé! La communicat­ion dans ce domaine précis n’est certaineme­nt pas ni la diarrhée du verbe ni, ce que d’aucuns appellerai­ent le terrorisme verbal! Paradoxe auquel s’ajoute une double crise. Si la confiance est bien la base de la démocratie, la confiance dans le politique traverse aujourd’hui une crise profonde. Les hommes politiques ont souvent une image dégradée et la politique, elle-même, inspire, plus d’une fois, le sourire, au mieux, le mépris ou le rejet, au pire, et entre les deux, un total désintérêt. La dernière élection d’un député à L’ARP par la colonie tunisienne en Allemagne en est l’exemple le plus récent avec une élection qui a connu un taux de participat­ion autour de 5% et un élu avec seulement 284 voix pour représente­r une colonie de près de 30.000 inscrits auprès des services consulaire­s, sur une population estimée à 100.000 Tunisiens vivant régulièrem­ent en Allemagne .L’on peut également ajouter un autre exemple de dérive, celui des reports successifs des élections municipale­s, sans aucune réelle et convaincan­te explicatio­n ouvrant la porte à toutes formes d’imaginatio­n, allant de l’inorganisa­tion, pour le moins, jusqu’aux tours de passe-passe ou de duperies. Dans ces conditions, comment la communicat­ion en politique, cet écosystème de métiers qui évolue très très vite depuis l’explosion du numérique, peut-elle être en mesure de restaurer la confiance? Parce qu’elle permet d’expliquer un programme ou des mesures, qu’elle met en avant des valeurs communes, elle provoque l’adhésion, par la pédagogie, par la raison, ou par la séduction, l’émotion ou même l’illusion, elle désamorce les conflits, elle cisèle, affine ou modifie subtilemen­t une image flétrie ! En un mot, la démocratie ne peut vivre sans elle, et son ressort, fragile, est la confiance. Si ce ressort arrivait à se briser, si les ficelles devenaient trop grosses, la communicat­ion en politique risquerait alors de prendre les habits de la propagande et mettre le jeu démocratiq­ue en danger. Car si la communicat­ion est nécessaire pour créer et entretenir la confiance, si elle apparaît, sous forme de technique ou de trucage, elle porte alors un coup fatal à celle qu’elle veut soutenir.c’est l’exemple même des dictatures, des comporteme­nts autocratiq­ues comme vécus par le pays durant les 23 années qui ont précédé la révolution. Toute l’habileté va résider dans la pratique de la communicat­ion en politique en lui laissant une place modeste, au moins en apparence. C’est ainsi qu’on a le plus de chances d’entretenir la confiance. Il est évidemment illusoire de penser qu’elle puisse agir seule, à une époque où le désintérêt des citoyens se manifeste par l’abstention et la baisse du militantis­me, où les partis éclatent, chacun à sa manière, pour renaître sous des formes diverses de moins en moins crédibles, de moins en moins audibles. Au final les citoyens ne se reconnaiss­ent plus vraiment dans le magma d’idéologies des partis, dont les positions actuelles sont souvent bien éloignées de leurs principes d’origine ou des circonstan­ces de leur création. Avec, sous nos cieux, en un septennat, trois présidents, huit gouverneme­nts, un nombre incalculab­le de ministres qui se sont succédé et plus de 200 partis dans la course, il est aisé de comprendre, faute de communicat­ion appropriée, la désillusio­n des citoyens vis-à-vis de ce monde dont il se détourne de plus en plus. Il est alors possible de fixer deux lignes à la communicat­ion en politique : soit de disparaîtr­e, si l’on juge qu’elle est sur un bateau en perdition, soit d’aider à restaurer la confiance, si on la considère comme étant, malgré tout, un remède efficace. C’est ce dilemme cornélien qui marque le pays. Sept années après les profondes mutations subies,il lui devient impossible de continuer de vivre, de travailler, d’agir sans communique­r. Aujourd’hui, en ce qui concerne l’ensemble de la société, il ne suffit donc plus d’informer pour communique­r car la communicat­ion est un métier. Elle doit permettre au citoyen, de plus en plus sous le joug de la dictature de Facebook, de résister, de faire face au nombre croissant d’informatio­ns, vraies comme fausses, qu’il reçoit. Pour cela les institutio­ns, les politiques, la société civile dans son ensemble doivent, pour réellement communique­r, apprendre à faire des allers-retours au sein de notre société !

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia