Désir d’entreprendre
Afaible allure, mais sûrement, c’est ainsi qu’évolue l’entrepreneuriat féminin. D’après le Women’s Entrepreneurship Report de 2016/2017, les femmes entrepreneures représentent en Tunisie 5% de la population en âge de travailler, le tiers de la proportion d’hommes entrepreneurs. Il n’en reste pas moins que les femmes prennent de plus en plus de goût à l’entrepreneuriat. En la matière, le gap paritaire ne peut se réduire à coups de lois ou de quotas, c’est le fruit d’une mobilisation de tout un écosystème et de la société civile. Pour notre pays, les avancées sont manifestes mais restent faibles. Nous sommes loin des 24% du taux de l’activité entrepreneuriale des femmes en Europe ! L’aventure entrepreneuriale n’est pas ressentie comme chose aisée. Le rapport fait également ressortir un très fort écart entre les intentions entrepreneuriales qui sont de 32 % et le démarrage réel de l’activité qui est autour de 8%, dans la région MENA et Afrique du Nord. Sauter le pas est a priori plus facile pour les hommes. Même pour celles qui ont eu l’audace de se lancer, la pérennité est loin d’être garantie. D’après le même rapport, quitter le navire est assez fréquent dans les pays à faible niveau de développement, plus particulièrement au niveau du middle stage. La raison évoquée est vraisemblablement le manque de profitabilité et la difficulté d’accéder au financement. En mal d’identification, ou impuissantes face aux obstacles, les futures entrepreneures ont besoin d’être boostées, appuyées. A dire vrai, les initiatives pour faire jeu égal avec les hommes se démultiplient. Et ce n’est pas une exception tunisienne. A l’échelle internationale, la volonté de booster l’entrepreneuriat féminin est manifeste. Les programmes prolifèrent partout dans le monde. Les exemples sont légion, l’union européenne, dans son plan d’action Entrepreneuriat 2020, met à disposition des femmes entrepreneures une batterie d’aide extrêmement utiles pour développer leur activité. En France, Contrex et l’incubateur féminin Paris Pionnières s’associent pour aider les femmes à lancer leurs projets. De même, la fondation Entreprendre et l’assureur AXA ont lancé « Des Elles pour entreprendre », un programme destiné à promouvoir l’entrepreneuriat féminin. Aux Etats- Unis, des co-working spaces tels que Hera Hub soutiennent et favorisent le networking et la collaboration entre entrepreneures. Le groupe de presse américain Hearst, qui édite les magazines Cosmopolitain ou Elle, a mis en place un incubateur Hearstlab qui investit dans les startup créées par des femmes. Toutes ces initiatives ont pour vocation d’inspirer la jeune génération de femmes à la culture de l’entrepreneuriat. L’économie en gagnerait puisque cette faible représentation prive le pays d’un fort potentiel. Néanmoins, le plus grand bénéfice serait de relever des challenges sociétaux. En plus d’être un enjeu économique, de développement, c’est aussi un enjeu éthique. En Tunisie, la stratégie nationale de l’entrepreneuriat a planté le décor. Elle est vulgarisée par la deuxième phase du programme Ennajem focalisée sur l’entrepreneuriat féminin. Les institutions d’appui ainsi que la société civile s’y attèlent. En guise de préambule, un effort de collecte des statistiques serait primordial. Disposer de données par région, par âge et par secteur permettrait d’optimiser les politiques et les stratégies. Toutes les initiatives apportent leur pierre à l’édifice. Entre le coaching, mentoring, le financement et la présence de business angel, le besoin est énorme. Une meilleure coordination et collaboration hisserait l’efficacité de ces programmes au pinacle. De notre côté, au magazine le Manager avec notre partenaire la Fondation Friedrich Naumann, nous nous sommes donnée pour habitude d’honorer et de jeter la lumière sur ces femmes qui créent de la valeur et de l’emploi, qui innovent. Nous nous engageons avec nos sponsors de les les encourager à aller de l’avant grâce à un appui psychologique, médiatique et financier. Cette troisième édition, comme la précédente rompt avec tous les clichés. Les entrepreneures excellent dans tous les secteurs de l’industrie de l’artisanat en passant par les TIC, l’agribusiness et la culture. La centaine de candidatures que nous avons reçues de 22 gouvernorats nous ont fait découvrir un potentiel remarquable et une énergie flamboyante qui soutiennent cette économie. A la fleur de l’âge ou en pleine maturité, elles foncent, avancent trébuchent et se redressent pour reprendre leurs ailes. Rien ne les arrête même pas les frontières. Une vive résistance
qui force le respect.