LA TUNISIE TOUT EN COULEUR
Ces grises journées d’un hiver froid et pluvieux tranchent avec les pastels chatoyants d’orange, de vert, de rouge et de jaune citron sur les étals de petits commerces comme de la grande distribution. Leurs prix donnent de la pâleur, une grise mine au consommateur qui finalement n’a pas le choix si ce n’est celui de diminuer la quantité dans ses achats afin de ménager son portefeuille. Les défenseurs de ces droits sont vigilants, bien calés sur les starting-blocks attendant le moindre dépassement des lignes rouges qu’ils ont fixées unilatéralement pour jaillir, chauffés à blanc et mettre la pression sur les preneurs de décisions. Comme si cela ne suffisait pas voilà que l’on annonce au pays, comme présent de fin d’année, une nouvelle couleur avec d’emblée du noir, rien que cela, la couleur la plus rejetée. Elle fait suite à l’inscription de notre pays, par l’union européenne, sur une blacklist, celle des paradis fiscaux. Les responsables sont groggy, ils en voient de toutes les couleurs, se tirent dessus à boulets rouges et chacun de se déclarer blanc comme neige afin de faire porter sur l’autre la responsabilité de l’origine de cette décision. Réussite, le pays passe du noir au gris, moins répulsif, le mois suivant. A peine sorti du noir tunnel ne voilà-t-il pas qu’une autre liste, tout aussi noire que la précédente, tombe sur le pays, au tout début du mois de février, avec pour origine le même émet- teur et cette qualification de pays susceptible d’être fortement exposé au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Pourtant le Gafi (Groupe d’action financière), un organisme intergouvernemental européen, spécialisé notamment sur la question du blanchiment, venait de sortir le pays de la zone rouge quand il ne remplissait en 2015 que 11 des 40 critères d’effectivité pour le ranger dans des teintes plus vertes, de la catégorie «juridictions sous surveillance», alors que le pays avait satisfait à 27 de ces mêmes critères. Mais le Parlement européen, en brandissant la carte noire devant le pays, ne se serait basé que sur la première évaluation. C’est alors une peur bleue qui s’installe au sein des différentes instances du pays en raison de l’impact négatif d’une telle résolution sur l’image du pays. Hauts responsables, institutions, société civile et autres composantes de la société tunisienne se retrouvent à broyer du noir. Il n’en fallait pas plus pour que certains nostalgiques se mettent, une fois de plus, à regretter la couleur mauve qui a dominé le pays 23 années durant. Il n’empêche que le Tunisien demeurera fier de ses couleurs, le rouge et le blanc de son étendard. Certes il ne voit pas encore la vie en rose mais en dépit de ceux qui «ne veulent que du bien au pays» et qui rient jaune, très vite le pays retrouvera son ciel bleu azur, l’or de son soleil et l’argent de sa mer, quand bien même il est démuni de ces deux dernières ressources.