HISTOIRE D’EAU
C’est lors d’un bavardage à la rigolade qu’est née l’idée de Sondos Euchi et son mari. Tous les deux voulaient s’installer à leur propre compte en investissant dans une entreprise. Une discussion aux airs de légèreté et quelques tapotements plus tard sur
Dans ma quête d’une idée de projet qui soit la plus appropriée pour moi, j’ai découvert celle du nettoyage à sec des voitures”. Sondos Euchi, qui ne trouvait jamais le temps de laver sa voiture, a opté pour l’idée de développer un service de lavage à domicile sur réservation. Celui-ci se fait à travers une application hébergée sur playstore et par téléphone pour les habitués. Elle a estimé que cela pouvait convenir à ses aspirations. Petit bémol, comment convaincre que dans un climat tel que le nôtre, où la poussière et la boue sont omniprésentes, un lavage à sec d’une voiture puisse donner des résultats probants. “L’idée, au départ, me paraissait difficile à réaliser en Tunisie, voire impossible ”, nous confie Sondos Euchi. C’est alors qu’a commencé la recherche du meilleur produit à utiliser. Une sélection de faite et Sondos Euchi opte pour la marque « Ecotouch », la plus recommandée sur la Toile. “Je me suis fiée à l’avis des utilisateurs, qui sont les mieux placés pour j uger de l’efficacité du produit. Nous avons donc décidé de nous adresser au fournisseur le plus agréé, et je dois avouer que nous avons été agréablement surpris» avoue-t-elle. En effet, Sondos Euchi constate qu’ils ont à faire au grand patron de la marque pour conclure un accord de partenariat. Les prémices de ce dernier ont démarré du bon pied et les affaires pouvaient alors fleurir. “Ainsi, il nous a envoyé un kit en vue de tester le produit par nous-mêmes. Il s’est avéré que certaines fonctionnalités du produit n’étaient pas adaptées au marché tunisien”, précise-t-elle. En bonne oreille attentive, le partenaire stratégique du couple a répondu positivement en apportant les modifications souhaitées sur le produit. “Après cela, nous avons reçu un kit du produit modifié avec lequel nous avons entamé notre activité”, souligne Sondos Euchi. Par la suite, nous avons essayé d’analyser le produit dans un laboratoire de chimie et nous avons dégagé la formule. Aujourd’hui, nous utilisons un produit 100% tunisien, biodégradable qui protège l’environnement et utilise de petites quantités d’eau d’autant plus qu’il entretient la tôle de la voiture. Quelle politique commerciale adopter? Sur le plan de la communication, il est d’usage d’établir un plan de communication sur tout nouveau produit, dans le but de le faire connaître et de gagner des parts de marché. Dépourvus de grands moyens marketing, le couple fait ses premiers pas en matière de communication en recourant au fameux bouche-à-oreille. “D’abord nous nous sommes orientés vers nos amis, nos connaissances, nos parents, nos familles etc. Petit à petit, le cercle des clients s’est agrandi, sur quoi notre partenaire nous a conseillé de proposer à la clientèle d’autres services tels que la vidange et le nettoyage de la tapisserie des sièges de voiture. De fil en aiguille, l’activité s’agrandit et les clients deviennent plus nombreux”, déclare Sondos Euchi. Le couple a finalement ouvert une station-service où il dispense des services de lavage et de vidange entre autres. Pour une évolution et un développement de leur projet, le couple envisage de s’investir davantage sur le plan du marketing et de la communication afin de développer la notoriété du produit et de conquérir plus de clients. “Nous nous sommes lancés dans des opérations de sponsoring sur les réseaux sociaux, de marketing avec un partenaire ainsi que des opérations de marketing direct avec les grandes surfaces”, confie-t-elle. “Convaincre les clients qu’un nettoyage à sec de leur voiture peut être efficace n’est pas chose aisée. C’est la raison pour laquelle nous avons été amenés au début à offrir nos services gratuitement pour prouver l’efficacité de nos produits et que notre savoir-faire fonctionne”, étaye Sondos Euchi. L’idée commence à plaire et à convaincre et concerne surtout des médecins, des professeurs et particulièrement les personnes qui n’ont pas le temps de se déplacer pour laver leur voiture. Nous avons établi une convention avec l’hôpital Sahloul pour qu’on s’occupe de leur parc auto. Il y en aura d’autres certainement. Sondos Euchi est très optimiste quant à l’avenir de son entreprise.
Vous venez de lancer la deuxième phase de la campagne “Ennajem”, de quoi s’agit-il ? En fait, la campagne “Ennajem” qui est en cours s’inscrit dans le cadre de l’axe éducation à l’entrepreneuriat et à la culture entrepreneuriale du plan d’action de la stratégie nationale à l’entrepreneuriat. Cette campagne a, en effet, adossé une identité particulière avec la promotion de l’entrepreneuriat pour les femmes, et ce, dans le but d’avoir une réponse adéquate et spécifique à cette catégorie de la population qui rencontre des obstacles qu’il faut prendre en considération et qu’il faut dépasser. La phase 3 de cette campagne va démarrer dès le printemps prochain et va se concentrer sur les diplômés de la formation professionnelle pour mettre en avant leurs expériences entrepreneuriales et leurs réussites. Cette stratégie a, en effet, pour objectif d’aider à réhabiliter l’image de la formation professionnelle dans notre société et à lui rendre la considération qui lui revient face à un secteur privé qui se plaint sans cesse de l’absence de main-d’oeuvre. Rendre ses lettres de noblesse à la formation professionnelle passe essentiellement par la rénovation des filières. En témoigne le budget de l’ordre de 460 millions de dinars consacré au financement de la réforme du dispositif national de la formation professionnelle. Ce projet sera réalisé en partenariat avec l’union Européenne, l’agence Française de Développement (AFD), l’allemagne et la Coopération Suisse.
Si vous nous précisiez un peu ? S’agit-il d’une campagne de sensibilisation ou des mécanismes qui vont être déployés ? Il s’agit bien de l’une et de l’autre. C’est d’abord une campagne de sensibilisation où on a cherché quatre success stories dans tout le pays pour la phase 2 d’ennajm. On a essayé de donner une autre image en allant chercher les bonnes pratiques et les bonnes expériences. On voulait montrer aux personnes intéressées que ces success stories ont bénéficié des mécanismes de l’etat, afin de les encourager à venir demander nos services qui ont été mis en place pour leur faciliter la tâche. L’autre aspect que nous voulons traiter c’est, en fait, répondre à ce grand défi qu’est le chômage des jeunes femmes diplômées du supérieur. Ce sont, de surcroît, des femmes qui habitent dans les régions défavorisées et qui ne bénéficient d’aucune mobilité.
Quelles sont les autres actions prévues en termes d’éducation entrepreneuriale ? Dans ce même cadre concernant les efforts conjugués dans la mise en place de la stratégie nationale de l’entrepreneuriat, le ministère de l’enseignement Supérieur s’est, en effet, chargé d’assurer des programmes spécifiques à l’éducation à la culture entrepreneuriale. Ce projet a pour objectif de développer la vie communautaire au sein des universités et notamment toutes les initiatives qui sont prises par les étudiants. Il vise aussi à enrichir le débat autour de l’écosystème de l’entrepreneuriat. Le ministère de l’education est également actif dans ce même cadre en travaillant sur un programme particulier pour la réforme d’une partie de l’approche pédagogique et la réintroduction de tous les ateliers d’éducation non formelle en rapport avec l’entrepreneuriat. Ce programme intitulé « Edupreneuriat » va être lancé à la prochaine rentrée scolaire. Il prévoit l’organisation d’un certain nombre d’activités par- ticulières qui vont avoir lieu dans des centres de formation. En matière de culture entrepreneuriale, la société civile et le secteur privé jouent un rôle tout aussi important, notamment dans les régions. Leur implication rend plus réelles, plus vraies et plus proches les expériences entrepreneuriales. On s’inscrit ainsi dans une approche plus démocratique et plus participative.
Avez-vous prévu des solutions pour les problèmes d’accès au financement ? A ce niveau, le ministère de la Formation Professionnelle et de l’emploi oeuvre en partenariat, d’une part, avec la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et le ministère des Nouvelles Technologies qui a réservé des fonds qui vont permettre le financement des start-up. D’autre part, le ministère, en collaboration avec la BTS, est sur le point de mettre en oeuvre un contrat-campagne qui permettra à ceux qui passent par l’espace Entreprendre de l’agence Nationale pour l’emploi et du Travail Indépendant (ANETI) de bénéficier d’une autoroute pour l’accès au financement qui est disponible au sein de la BTS.
Quel est exactement le rôle de votre ministère à ce niveau ? Notre rôle essentiel est d’être un facilitateur pour l’octroi d’un financement selon les régions. Les bénéficiaires sont ceux qui s’engagent dans des projets ayant pour objectif de développer des chaînes de valeur identifiées par les directions générales. L’intervention de notre ministère à ce niveau permet de remédier à ces délais exorbitants dans le traitement des dossiers au sein des instituts financiers publics. Dans le même cadre, la Société Tunisienne de Garantie (SOTUGAR) est en train de préparer un plan de rénovation avec pour objectif principal d’avoir un outil de facilitation de l’accès à un crédit pour les micros et les petites entreprises, jusqu’à 150 mille dinars. La garantie n’est plus exigée. Celle-ci est, en réalité, un vrai frein à l’accès au crédit, au financement et même à l’accès au fonds de roulement. Il s’agit d’un mécanisme de mise à disposition de ressources financières pour le sauvetage des PME qui en ont besoin.
Quelle est la provenance de ces fonds? Ces fonds proviennent, pour le moment, de la BTS et de la BFPME. Les banques commerciales sont appelées, également, à assumer leurs responsabilités dans le financement de ces PME puisqu’elles bénéficient de l’accès à des lignes de crédit mises à leur disposition par des bailleurs de fonds ou des pays amis et partenaires comme l’union Européenne, la Banque Européenne d’investissement (BEI), la France ou
Y a-t-il des mesures qui facilitent l’accès au marché dans la stratégie nationale de l’entrepreneuriat? D’ici 2020, les marchés publics et l’exportation seront notre priorité en matière de développement du marché puisque l’etat demeure le principal acheteur. Pour plus de clarté, je dirais que le volet exportation ne comprendra pas uniquement les politiques classiques à l’exportation des sociétés totalement exportatrices et des sociétés offshore, il s’agit plutôt de la mise en place de tout un programme intitulé « Primo Export » qui s’intéresse aux primo-entrepreneurs qui oeuvrent dans l’artisanat, l’agriculture, le secteur digital ou artistique, impliquant essentiellement le CEPEX et la SOTUGAR qui sont en train de passer par des phases de restructuration en matière de fonctionnement et de ressources humaines. Nous avons également entamé le programme de « La nouvelle génération d’entrepreneurs » en partenariat avec le ministère de l’equipement qui fait que l’etat consomme et achète dans un secteur en particulier à travers de nouveaux promoteurs. Bien qu’il y ait une loi de 2004 qui spécifie clairement le fait que l’etat a l’obligation de mettre à disposition au minimum, chaque année, 20% du marché public aux primo et aux jeunes entrepreneurs, on n’en voit encore aucune trace et la loi n’est pas respectée.
Comment le vérifier ? Qui garantit la redevabilité du donneur d’ordre public? Personnellement, je conseille aux entrepreneurs de se regrouper dans des associations pour la défense de leurs droits. Parce qu’en fait, les lois, dont devraient bénéficier les entrepreneurs existaient mais elles n’ont jamais été appliquées.
Votre ministère est assez transverse, avez–vous effectué des partenariats avec d’autres ministères ? Nous avons effectué des partenariats avec les ministères pour permettre aux entreprises qui leur sont sous tutelle d’externaliser certaines activités pour favoriser la création de micro-entreprises. Ce genre d’expérience permet de développer un tissu économique dans les régions et d’avoir un certain nombre de sociétés, d’entreprises et de startup qui proposent des services dans leur région sans devoir à chaque fois contracter avec les grands noms connus des différents secteurs. L’ONAS, à titre d’exemple, a signé de nombreuses conventions avec différents ministères afin de leur fournir de la maind’oeuvre moyennant un budget bien défini pour chaque opération. Faute de ressources humaines spécialisées, L’ONAS a senti le besoin de s’externaliser. C’est ainsi que 93 entreprises ont vu le jour dans des spécialités diverses telles que l’entretien, la canalisation, l’entretien des espaces verts, la purification Généralement les entrepreneurs se plaignent de la multiplicité des administrations et des acteurs ? Effectivement, cette stratégie comprend également l’aspect de la gouvernance de l’entrepreneuriat qui touche la manière dont fonctionne l’etat, notamment sa politique publique en matière d’entrepreneuriat. Il est, en effet, essentiel de s’accorder sur le manque de coordination et parfois même de l’incohérence et du double emploi dans certaines administrations. D’où la nécessité de la création d’une plateforme collaborative pour la réorganisation des tâches. Cette plateforme sera un outil accessible, notamment aux citoyens, en tant que source d’informations. En identifiant les principales institutions dans notre domaine dont l’espace Entreprendre, L’ANETI, L’API, L’APIA, les centres d’affaires relatifs au ministère de l’industrie, les pépinières d’entreprises, les technopôles, les cyber-parcs, la BTS, la BFPME et la CDC, on parvient à cerner la tâche précise de chaque acteur pour qu’ils soient tous au même niveau de l’information et dans une même logique collaborative.
Combien d’années va durer ce projet ? Tous ces projets publics sur lesquels on travaille doivent être clôturés à l’horizon de 2020. D’ailleurs, dans notre plan d’action nous avons des indicateurs qui ont été spécifiés et notre objectif est tracé sur quatre années. En effet, l’exemple de la France qui souffrait, il y a quelques années, de l’inflation administrative et d’un trop-plein de vis-à-vis est le plus proche du cas tunisien. La France a fini par trouver la solution : créer un label, la « French Touch » et un écosystème. Cet exemple réussi nous permet réellement de dynamiser l’écosystème entrepreneurial en Tunisie et d’en faire bénéficier tous les acteurs que ce soit des « Mentors », des « Business Angels », des associations, des ONG, des partenaires techniques internationaux ou des bailleurs de fonds. Pour dynamiser l’écosystème entrepreneurial tunisien, il faut un engagement fort de l’etat et un engagement politique des institutions pour pouvoir exister, ce qui va permettre de mobiliser de l’argent.
Un message ou un mot de la fin ? Je suis contente d’observer, depuis l’année dernière, ce grand dynamisme sur la question de l’entrepreneuriat. Tout le monde en parle : les ministères, la société civile et notamment les médias. Je suis également convaincue que cette politique n’est pas limitée dans le temps mais elle dépasse de loin les simples considérations conjoncturelles. Etre dans une logique entrepreneuriale permet notamment de changer la vision que nous avons de nous-mêmes, renforce la confiance en nous-mêmes et en nos propres capacités et stimule la force d’action qu’on peut se donner à soi-même en tant qu’individu dans un Etat engagé dans un réel processus de démocratisation.
Global Entrepreneurship Monitor ( GEM) Women’s Report, pour mesurer quoi au juste ? Dans ledit rapport, l’entrepreneuriat féminin est appréhendé à travers deux indices. D’abord, le Taux d’activité Entrepreneuriale des femmes, qui correspond au pourcentage de femmes dans la population adulte qui créent leur entreprise. Il s’agit d’entrepreneures naissantes: population ayant démarré une nouvelle entreprise mais qui n’a pas encore payé de salaires durant plus de trois mois, ou de nouveaux entrepreneures qui dirigent une entreprise récemment créée, en activité depuis 3 à 42 mois. Ensuite, ce taux est comparé à celui des hommes. Ce deuxième indice permet de mettre en valeur les écarts entre les genres.
Regard général : un constat plutôt optimiste Fait significatif ! Le TEA féminin a progressé de 10% ! Dans le monde, les femmes seraient plus nombreuses à créer leur entreprise. Autre fait marquant dégagé, l’écart entre hommes et femmes, lui, s’est réduit de 5%. Ainsi, par rapport au dernier rapport publié en 2015, ce ne sont pas moins de 163 millions de femmes qui ont lancé leur entreprise et 111 millions de femmes dirigent des entreprises établies. Selon Donna Kelley, co-auteure du rapport et professeur au Babson College, “cela montre non seulement l’impact grandissant exercé par les femmes entrepreneures à travers le monde, et souligne également leur contribution à la croissance et au bienêtre de leur société. Les femmes entrepreneures fournissent des revenus à leur famille, des emplois dans leur communauté et des produits et services qui apportent une valeur ajoutée au monde qui les entoure.»
Le TEA féminin de la Tunisie, supérieur à plusieurs pays européens ! Le chemin est encore long pour l’entrepreneuriat féminin made in Tunisia ! Le TEA qui s’établit à 5.3% est bien en deçà de la moyenne mondiale même s’il est supérieur à celui de plusieurs économies développées d’europe, sachant qu’il est de l’ordre de 3.1% en Allemagne, de 3.4% en France et de 3.8% en Norvège. L’ALlemagne, quant à elle, détient le TEA le plus faible sur les 74 pays. Le score le plus élevé étant observé en Afrique Subsaharienne, au Sénégal, avec un score de 37%. Bien que l’entrepreneuriat féminin soit moins répandu en Europe, le continent se distingue par une part plus importante de femmes diplômées entrepreneures (22%) comparées aux hommes. Il est aussi à noter que les niveaux de parité les plus élevés en matière d’activité entrepreneuriale ne sont pas observés dans les pays les plus développés. Ainsi, ce sont le Vietnam, les Philippines, le Sénégal, le Mexique, l’indonésie et le Brésil qui figurent en tête de peloton. Par contre, la Tunisie, avec l’egypte, la Turquie, la Jordanie et le Liban, fait partie des pays où l’écart entre l’activité entrepreneuriale des hommes et des femmes est le plus important.
Les femmes sont plus innovantes ! Sur l’ensemble des 74 économies, les femmes entrepreneures ont une capacité d’innovation supérieure de 5% à celle
Depuis 2011, le PNUD s’est engagé aux côtés du gouvernement pour faire face à l’urgente problématique du chômage dans le Sud tunisien. Grâce à l’appui du gouvernement japonais, en partenariat avec l’office de Développement du Sud (ODS), et depuis 2016, avec l’agence Nationale pour l’emploi et le Travail Indépendant (ANETI) et la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS), le PNUD a mis en place trois programmes successifs d’appui à la création d’emplois en Tunisie : appui au relèvement économique, développement du secteur privé et cohésion sociale pour une croissance inclusive en Tunisie (2012-2013), création accélérée d’emplois et appui à l’entrepreneuriat (2014-2015), renforcement de l’écosystème entrepreneurial dans le Sud tunisien (2016-2017). En capitalisant sur les leçons apprises et les bonnes pratiques de chaque projet, un ensemble de connaissances a été généré, dans une optique d’amélioration des approches des programmes ciblant les femmes, en particulier dans les régions les plus défavorisées.
et la bonification genre ! En 2014, il a été constaté, dans l’évaluation de leur dossier de projet, que les femmes ont été pénalisées par des notes d’évaluation inférieures d’une moyenne de l’ordre de 18% par rapport aux notes d’évaluation des hommes sur les éléments suivants : possibilité de faire démarrer leur projet juste après la sélection, clarté et cohérence de l’activité, secteurs d’activités et clarté des éléments du marché. La femme tend à être plus pénalisée dans ses choix d’activité. Adopté par le programme Ennajjah Machrouii, le « bonus » qui leur a été accordé lors de la sélection des dossiers, a permis de porter les candidatures des femmes sélectionnées à 60% (contre 40% de dossiers déposés) lors de l’édition 2015 du projet. La même approche a été également adoptée lors de l’édition 2016 de « Ennajjah Machrouii » où le « bonus genre » (des points supplémentaires par défaut accordés aux plans d’affaires soumis par les femmes) a atténué sinon neutraliser les notes sous-évaluées, quasi systématiquement, des femmes par rapport aux hommes, concernant tous les éléments d’appréciation des plans d’affaires. Ceci a également permis de garantir une sélection représentative (en passant de 38% à 41%). C’est dire que la faible sur-représentation par rapport à l’édition 2014 est due à l’obligation d’intégrer un financement bancaire dans le schéma de financement pour la dernière édition, ce qui était optionnel lors de la première.
Les femmes pénalisées dès la génération d’idée. Les femmes ont tendance à se cantonner à des projets peu innovants dans des domaines saturés, des projets de taille très modeste, ou encore à des créneaux économiquement à faible valeur ajoutée. Autrement dit, des projets dont la pérennité n’est pas assurée, ou encore à des difficultés d’accès au crédit. Un programme de formation spécifique aux femmes axé sur la génération d’idées de projets était donc inéluctable. Dans le programme “Ennajah Fekerti”, lancé par le PNUD, 60 jeunes femmes ont bénéficié d’un programme de ce genre. Cette initiative semble avoir encouragé quelques femmes à se lancer. Et parmi les solutions envisagées dans le futur : la possibilité de faire appel à des experts femmes pour répondre aux challenges spécifiques que peut représenter le fait d’être une femme entrepreneure.
Les jeunes femmes diplômées du supérieur seraient-elles plus désavantagées ? Un constat plutôt mémorable : on dispose de peu d’informations sur les jeunes femmes diplômées du supérieur, notamment lorsqu’il s’agit d’activité entrepreneuriale ! Le microcrédit, circuit généralement emprunté pour accompagner les jeunes entrepreneurs, n’est souvent pas adapté à cette population, pourtant largement représentée dans le pourcentage de chômeurs en Tunisie et dont la génération d’idées de projet s’aligne peu aux schémas imposés par le microcrédit. Ainsi donc, les micro-financements sont davantage appropriés aux femmes issues des zones rurales, avec un niveau d’instruction primaire ou secondaire, pour ce qui est des régions du Sud, où les femmes présentant des activités de commerce pour le péri-urbain des grandes villes. D’un autre côté, les jeunes femmes diplômées ont un faible accès aux programmes de financement ou aux services de financement tout court (en matière d’enveloppe de crédits offerte par la BTS, 80% sont destinés aux hommes et 20% aux femmes, tous niveaux d’éducation confondus). Selon les acteurs locaux, il y aurait une “spécificité féminine” dans les demandes de financement pour créer son entreprise : les femmes sont plus frileuses ! Elles appréhendent plus que les hommes l’idée de crédit. Et si elles décident de le faire, elles demandent un montant plus faible que les hommes, ce qui n’aide pas à la réussite et à la pérennisation du projet
Nombreuses à suivre les programmes de formation mais ça s’arrête là! “70%/30%” vs “30%/70%. Que peuvent bien révéler ces chiffres ? Il s’agit d’un paradoxe constaté au niveau d’un des gouvernorats où les formations CEFE (Création d’entreprise et Formation Entrepreneuriale) sont suivies par 70% de femmes et 30% d’hommes, alors que les dossiers obtenant l’accord de financement par la suite sont répartis 30% pour les femmes et 70% pour les hommes, confirmant ainsi l’utilité de prévoir un mécanisme de financement spécifique sous forme d’amorçage, don ou rembour- Programme de formation vs programme d’accompagnement. Alors que plus de 60% des bénéficiaires des programmes de formation en entrepreneuriat sont des femmes, elles ne représentent qu’environ 40% des dossiers déposés pour les programmes d’accompagnement aux jeunes porteurs de projets du PNUD. Quelques pistes issues des observations de l’équipe de projet et de l’etude qualitative sur la vulnérabilité des jeunes femmes diplômées pour l’accès à l’emploi et la promotion de projets dans les Gouvernorats de Médenine et Tataouine (CAWTAR) peuvent expliquer cette différence : les femmes diplômées de l’enseignement supérieur ou de la formation professionnelle sont souvent parties étudier loin de la maison, et se sont habituées à plus d’indépendance. Les programmes de formation représentent donc une occasion pour elles de s’éloigner de la maison. Pour les hommes, la nécessité de travailler est plus urgente, ce dernier étant toujours perçu comme le garant de la stabilité financière du ménage. Les hommes ne peuvent donc pas se permettre le loisir de se former !
De la conception à la mise en oeuvre des programmes : il faut écouter les acteurs locaux ! Culture, histoire, mentalités, besoins, un ensemble de facteurs faisant que les constellations économiques, sociales et culturelles diffèrent sensiblement d’une région à l’autre. Une approche participative pour sonder les besoins de la population locale aurait plus de succès en agissant à un double niveau : adapter les programmes d’appui à l’entrepreneuriat féminin aux particularités de la population féminine et garantir la mobilisation des acteurs locaux, qu’il s’agisse d’institutions publiques, d’organisations professionnelles, ou de la société civile. Il y a lieu de noter que les associations des diplômés chômeurs jouent un rôle déterminant dans la mobilisation des jeunes et les femmes y sont très actives. Ces structures gagneraient à être davantage sensibilisées sur la culture entrepreneuriale.