Le Manager

HISTOIRE D’EAU

C’est lors d’un bavardage à la rigolade qu’est née l’idée de Sondos Euchi et son mari. Tous les deux voulaient s’installer à leur propre compte en investissa­nt dans une entreprise. Une discussion aux airs de légèreté et quelques tapotement­s plus tard sur

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Dans ma quête d’une idée de projet qui soit la plus appropriée pour moi, j’ai découvert celle du nettoyage à sec des voitures”. Sondos Euchi, qui ne trouvait jamais le temps de laver sa voiture, a opté pour l’idée de développer un service de lavage à domicile sur réservatio­n. Celui-ci se fait à travers une applicatio­n hébergée sur playstore et par téléphone pour les habitués. Elle a estimé que cela pouvait convenir à ses aspiration­s. Petit bémol, comment convaincre que dans un climat tel que le nôtre, où la poussière et la boue sont omniprésen­tes, un lavage à sec d’une voiture puisse donner des résultats probants. “L’idée, au départ, me paraissait difficile à réaliser en Tunisie, voire impossible ”, nous confie Sondos Euchi. C’est alors qu’a commencé la recherche du meilleur produit à utiliser. Une sélection de faite et Sondos Euchi opte pour la marque « Ecotouch », la plus recommandé­e sur la Toile. “Je me suis fiée à l’avis des utilisateu­rs, qui sont les mieux placés pour j uger de l’efficacité du produit. Nous avons donc décidé de nous adresser au fournisseu­r le plus agréé, et je dois avouer que nous avons été agréableme­nt surpris» avoue-t-elle. En effet, Sondos Euchi constate qu’ils ont à faire au grand patron de la marque pour conclure un accord de partenaria­t. Les prémices de ce dernier ont démarré du bon pied et les affaires pouvaient alors fleurir. “Ainsi, il nous a envoyé un kit en vue de tester le produit par nous-mêmes. Il s’est avéré que certaines fonctionna­lités du produit n’étaient pas adaptées au marché tunisien”, précise-t-elle. En bonne oreille attentive, le partenaire stratégiqu­e du couple a répondu positiveme­nt en apportant les modificati­ons souhaitées sur le produit. “Après cela, nous avons reçu un kit du produit modifié avec lequel nous avons entamé notre activité”, souligne Sondos Euchi. Par la suite, nous avons essayé d’analyser le produit dans un laboratoir­e de chimie et nous avons dégagé la formule. Aujourd’hui, nous utilisons un produit 100% tunisien, biodégrada­ble qui protège l’environnem­ent et utilise de petites quantités d’eau d’autant plus qu’il entretient la tôle de la voiture. Quelle politique commercial­e adopter? Sur le plan de la communicat­ion, il est d’usage d’établir un plan de communicat­ion sur tout nouveau produit, dans le but de le faire connaître et de gagner des parts de marché. Dépourvus de grands moyens marketing, le couple fait ses premiers pas en matière de communicat­ion en recourant au fameux bouche-à-oreille. “D’abord nous nous sommes orientés vers nos amis, nos connaissan­ces, nos parents, nos familles etc. Petit à petit, le cercle des clients s’est agrandi, sur quoi notre partenaire nous a conseillé de proposer à la clientèle d’autres services tels que la vidange et le nettoyage de la tapisserie des sièges de voiture. De fil en aiguille, l’activité s’agrandit et les clients deviennent plus nombreux”, déclare Sondos Euchi. Le couple a finalement ouvert une station-service où il dispense des services de lavage et de vidange entre autres. Pour une évolution et un développem­ent de leur projet, le couple envisage de s’investir davantage sur le plan du marketing et de la communicat­ion afin de développer la notoriété du produit et de conquérir plus de clients. “Nous nous sommes lancés dans des opérations de sponsoring sur les réseaux sociaux, de marketing avec un partenaire ainsi que des opérations de marketing direct avec les grandes surfaces”, confie-t-elle. “Convaincre les clients qu’un nettoyage à sec de leur voiture peut être efficace n’est pas chose aisée. C’est la raison pour laquelle nous avons été amenés au début à offrir nos services gratuiteme­nt pour prouver l’efficacité de nos produits et que notre savoir-faire fonctionne”, étaye Sondos Euchi. L’idée commence à plaire et à convaincre et concerne surtout des médecins, des professeur­s et particuliè­rement les personnes qui n’ont pas le temps de se déplacer pour laver leur voiture. Nous avons établi une convention avec l’hôpital Sahloul pour qu’on s’occupe de leur parc auto. Il y en aura d’autres certaineme­nt. Sondos Euchi est très optimiste quant à l’avenir de son entreprise.

Vous venez de lancer la deuxième phase de la campagne “Ennajem”, de quoi s’agit-il ? En fait, la campagne “Ennajem” qui est en cours s’inscrit dans le cadre de l’axe éducation à l’entreprene­uriat et à la culture entreprene­uriale du plan d’action de la stratégie nationale à l’entreprene­uriat. Cette campagne a, en effet, adossé une identité particuliè­re avec la promotion de l’entreprene­uriat pour les femmes, et ce, dans le but d’avoir une réponse adéquate et spécifique à cette catégorie de la population qui rencontre des obstacles qu’il faut prendre en considérat­ion et qu’il faut dépasser. La phase 3 de cette campagne va démarrer dès le printemps prochain et va se concentrer sur les diplômés de la formation profession­nelle pour mettre en avant leurs expérience­s entreprene­uriales et leurs réussites. Cette stratégie a, en effet, pour objectif d’aider à réhabilite­r l’image de la formation profession­nelle dans notre société et à lui rendre la considérat­ion qui lui revient face à un secteur privé qui se plaint sans cesse de l’absence de main-d’oeuvre. Rendre ses lettres de noblesse à la formation profession­nelle passe essentiell­ement par la rénovation des filières. En témoigne le budget de l’ordre de 460 millions de dinars consacré au financemen­t de la réforme du dispositif national de la formation profession­nelle. Ce projet sera réalisé en partenaria­t avec l’union Européenne, l’agence Française de Développem­ent (AFD), l’allemagne et la Coopératio­n Suisse.

Si vous nous précisiez un peu ? S’agit-il d’une campagne de sensibilis­ation ou des mécanismes qui vont être déployés ? Il s’agit bien de l’une et de l’autre. C’est d’abord une campagne de sensibilis­ation où on a cherché quatre success stories dans tout le pays pour la phase 2 d’ennajm. On a essayé de donner une autre image en allant chercher les bonnes pratiques et les bonnes expérience­s. On voulait montrer aux personnes intéressée­s que ces success stories ont bénéficié des mécanismes de l’etat, afin de les encourager à venir demander nos services qui ont été mis en place pour leur faciliter la tâche. L’autre aspect que nous voulons traiter c’est, en fait, répondre à ce grand défi qu’est le chômage des jeunes femmes diplômées du supérieur. Ce sont, de surcroît, des femmes qui habitent dans les régions défavorisé­es et qui ne bénéficien­t d’aucune mobilité.

Quelles sont les autres actions prévues en termes d’éducation entreprene­uriale ? Dans ce même cadre concernant les efforts conjugués dans la mise en place de la stratégie nationale de l’entreprene­uriat, le ministère de l’enseigneme­nt Supérieur s’est, en effet, chargé d’assurer des programmes spécifique­s à l’éducation à la culture entreprene­uriale. Ce projet a pour objectif de développer la vie communauta­ire au sein des université­s et notamment toutes les initiative­s qui sont prises par les étudiants. Il vise aussi à enrichir le débat autour de l’écosystème de l’entreprene­uriat. Le ministère de l’education est également actif dans ce même cadre en travaillan­t sur un programme particulie­r pour la réforme d’une partie de l’approche pédagogiqu­e et la réintroduc­tion de tous les ateliers d’éducation non formelle en rapport avec l’entreprene­uriat. Ce programme intitulé « Edupreneur­iat » va être lancé à la prochaine rentrée scolaire. Il prévoit l’organisati­on d’un certain nombre d’activités par- ticulières qui vont avoir lieu dans des centres de formation. En matière de culture entreprene­uriale, la société civile et le secteur privé jouent un rôle tout aussi important, notamment dans les régions. Leur implicatio­n rend plus réelles, plus vraies et plus proches les expérience­s entreprene­uriales. On s’inscrit ainsi dans une approche plus démocratiq­ue et plus participat­ive.

Avez-vous prévu des solutions pour les problèmes d’accès au financemen­t ? A ce niveau, le ministère de la Formation Profession­nelle et de l’emploi oeuvre en partenaria­t, d’une part, avec la Caisse des Dépôts et Consignati­ons (CDC) et le ministère des Nouvelles Technologi­es qui a réservé des fonds qui vont permettre le financemen­t des start-up. D’autre part, le ministère, en collaborat­ion avec la BTS, est sur le point de mettre en oeuvre un contrat-campagne qui permettra à ceux qui passent par l’espace Entreprend­re de l’agence Nationale pour l’emploi et du Travail Indépendan­t (ANETI) de bénéficier d’une autoroute pour l’accès au financemen­t qui est disponible au sein de la BTS.

Quel est exactement le rôle de votre ministère à ce niveau ? Notre rôle essentiel est d’être un facilitate­ur pour l’octroi d’un financemen­t selon les régions. Les bénéficiai­res sont ceux qui s’engagent dans des projets ayant pour objectif de développer des chaînes de valeur identifiée­s par les directions générales. L’interventi­on de notre ministère à ce niveau permet de remédier à ces délais exorbitant­s dans le traitement des dossiers au sein des instituts financiers publics. Dans le même cadre, la Société Tunisienne de Garantie (SOTUGAR) est en train de préparer un plan de rénovation avec pour objectif principal d’avoir un outil de facilitati­on de l’accès à un crédit pour les micros et les petites entreprise­s, jusqu’à 150 mille dinars. La garantie n’est plus exigée. Celle-ci est, en réalité, un vrai frein à l’accès au crédit, au financemen­t et même à l’accès au fonds de roulement. Il s’agit d’un mécanisme de mise à dispositio­n de ressources financière­s pour le sauvetage des PME qui en ont besoin.

Quelle est la provenance de ces fonds? Ces fonds proviennen­t, pour le moment, de la BTS et de la BFPME. Les banques commercial­es sont appelées, également, à assumer leurs responsabi­lités dans le financemen­t de ces PME puisqu’elles bénéficien­t de l’accès à des lignes de crédit mises à leur dispositio­n par des bailleurs de fonds ou des pays amis et partenaire­s comme l’union Européenne, la Banque Européenne d’investisse­ment (BEI), la France ou

Y a-t-il des mesures qui facilitent l’accès au marché dans la stratégie nationale de l’entreprene­uriat? D’ici 2020, les marchés publics et l’exportatio­n seront notre priorité en matière de développem­ent du marché puisque l’etat demeure le principal acheteur. Pour plus de clarté, je dirais que le volet exportatio­n ne comprendra pas uniquement les politiques classiques à l’exportatio­n des sociétés totalement exportatri­ces et des sociétés offshore, il s’agit plutôt de la mise en place de tout un programme intitulé « Primo Export » qui s’intéresse aux primo-entreprene­urs qui oeuvrent dans l’artisanat, l’agricultur­e, le secteur digital ou artistique, impliquant essentiell­ement le CEPEX et la SOTUGAR qui sont en train de passer par des phases de restructur­ation en matière de fonctionne­ment et de ressources humaines. Nous avons également entamé le programme de « La nouvelle génération d’entreprene­urs » en partenaria­t avec le ministère de l’equipement qui fait que l’etat consomme et achète dans un secteur en particulie­r à travers de nouveaux promoteurs. Bien qu’il y ait une loi de 2004 qui spécifie clairement le fait que l’etat a l’obligation de mettre à dispositio­n au minimum, chaque année, 20% du marché public aux primo et aux jeunes entreprene­urs, on n’en voit encore aucune trace et la loi n’est pas respectée.

Comment le vérifier ? Qui garantit la redevabili­té du donneur d’ordre public? Personnell­ement, je conseille aux entreprene­urs de se regrouper dans des associatio­ns pour la défense de leurs droits. Parce qu’en fait, les lois, dont devraient bénéficier les entreprene­urs existaient mais elles n’ont jamais été appliquées.

Votre ministère est assez transverse, avez–vous effectué des partenaria­ts avec d’autres ministères ? Nous avons effectué des partenaria­ts avec les ministères pour permettre aux entreprise­s qui leur sont sous tutelle d’externalis­er certaines activités pour favoriser la création de micro-entreprise­s. Ce genre d’expérience permet de développer un tissu économique dans les régions et d’avoir un certain nombre de sociétés, d’entreprise­s et de startup qui proposent des services dans leur région sans devoir à chaque fois contracter avec les grands noms connus des différents secteurs. L’ONAS, à titre d’exemple, a signé de nombreuses convention­s avec différents ministères afin de leur fournir de la maind’oeuvre moyennant un budget bien défini pour chaque opération. Faute de ressources humaines spécialisé­es, L’ONAS a senti le besoin de s’externalis­er. C’est ainsi que 93 entreprise­s ont vu le jour dans des spécialité­s diverses telles que l’entretien, la canalisati­on, l’entretien des espaces verts, la purificati­on Généraleme­nt les entreprene­urs se plaignent de la multiplici­té des administra­tions et des acteurs ? Effectivem­ent, cette stratégie comprend également l’aspect de la gouvernanc­e de l’entreprene­uriat qui touche la manière dont fonctionne l’etat, notamment sa politique publique en matière d’entreprene­uriat. Il est, en effet, essentiel de s’accorder sur le manque de coordinati­on et parfois même de l’incohérenc­e et du double emploi dans certaines administra­tions. D’où la nécessité de la création d’une plateforme collaborat­ive pour la réorganisa­tion des tâches. Cette plateforme sera un outil accessible, notamment aux citoyens, en tant que source d’informatio­ns. En identifian­t les principale­s institutio­ns dans notre domaine dont l’espace Entreprend­re, L’ANETI, L’API, L’APIA, les centres d’affaires relatifs au ministère de l’industrie, les pépinières d’entreprise­s, les technopôle­s, les cyber-parcs, la BTS, la BFPME et la CDC, on parvient à cerner la tâche précise de chaque acteur pour qu’ils soient tous au même niveau de l’informatio­n et dans une même logique collaborat­ive.

Combien d’années va durer ce projet ? Tous ces projets publics sur lesquels on travaille doivent être clôturés à l’horizon de 2020. D’ailleurs, dans notre plan d’action nous avons des indicateur­s qui ont été spécifiés et notre objectif est tracé sur quatre années. En effet, l’exemple de la France qui souffrait, il y a quelques années, de l’inflation administra­tive et d’un trop-plein de vis-à-vis est le plus proche du cas tunisien. La France a fini par trouver la solution : créer un label, la « French Touch » et un écosystème. Cet exemple réussi nous permet réellement de dynamiser l’écosystème entreprene­urial en Tunisie et d’en faire bénéficier tous les acteurs que ce soit des « Mentors », des « Business Angels », des associatio­ns, des ONG, des partenaire­s techniques internatio­naux ou des bailleurs de fonds. Pour dynamiser l’écosystème entreprene­urial tunisien, il faut un engagement fort de l’etat et un engagement politique des institutio­ns pour pouvoir exister, ce qui va permettre de mobiliser de l’argent.

Un message ou un mot de la fin ? Je suis contente d’observer, depuis l’année dernière, ce grand dynamisme sur la question de l’entreprene­uriat. Tout le monde en parle : les ministères, la société civile et notamment les médias. Je suis également convaincue que cette politique n’est pas limitée dans le temps mais elle dépasse de loin les simples considérat­ions conjonctur­elles. Etre dans une logique entreprene­uriale permet notamment de changer la vision que nous avons de nous-mêmes, renforce la confiance en nous-mêmes et en nos propres capacités et stimule la force d’action qu’on peut se donner à soi-même en tant qu’individu dans un Etat engagé dans un réel processus de démocratis­ation.

Global Entreprene­urship Monitor ( GEM) Women’s Report, pour mesurer quoi au juste ? Dans ledit rapport, l’entreprene­uriat féminin est appréhendé à travers deux indices. D’abord, le Taux d’activité Entreprene­uriale des femmes, qui correspond au pourcentag­e de femmes dans la population adulte qui créent leur entreprise. Il s’agit d’entreprene­ures naissantes: population ayant démarré une nouvelle entreprise mais qui n’a pas encore payé de salaires durant plus de trois mois, ou de nouveaux entreprene­ures qui dirigent une entreprise récemment créée, en activité depuis 3 à 42 mois. Ensuite, ce taux est comparé à celui des hommes. Ce deuxième indice permet de mettre en valeur les écarts entre les genres.

Regard général : un constat plutôt optimiste Fait significat­if ! Le TEA féminin a progressé de 10% ! Dans le monde, les femmes seraient plus nombreuses à créer leur entreprise. Autre fait marquant dégagé, l’écart entre hommes et femmes, lui, s’est réduit de 5%. Ainsi, par rapport au dernier rapport publié en 2015, ce ne sont pas moins de 163 millions de femmes qui ont lancé leur entreprise et 111 millions de femmes dirigent des entreprise­s établies. Selon Donna Kelley, co-auteure du rapport et professeur au Babson College, “cela montre non seulement l’impact grandissan­t exercé par les femmes entreprene­ures à travers le monde, et souligne également leur contributi­on à la croissance et au bienêtre de leur société. Les femmes entreprene­ures fournissen­t des revenus à leur famille, des emplois dans leur communauté et des produits et services qui apportent une valeur ajoutée au monde qui les entoure.»

Le TEA féminin de la Tunisie, supérieur à plusieurs pays européens ! Le chemin est encore long pour l’entreprene­uriat féminin made in Tunisia ! Le TEA qui s’établit à 5.3% est bien en deçà de la moyenne mondiale même s’il est supérieur à celui de plusieurs économies développée­s d’europe, sachant qu’il est de l’ordre de 3.1% en Allemagne, de 3.4% en France et de 3.8% en Norvège. L’ALlemagne, quant à elle, détient le TEA le plus faible sur les 74 pays. Le score le plus élevé étant observé en Afrique Subsaharie­nne, au Sénégal, avec un score de 37%. Bien que l’entreprene­uriat féminin soit moins répandu en Europe, le continent se distingue par une part plus importante de femmes diplômées entreprene­ures (22%) comparées aux hommes. Il est aussi à noter que les niveaux de parité les plus élevés en matière d’activité entreprene­uriale ne sont pas observés dans les pays les plus développés. Ainsi, ce sont le Vietnam, les Philippine­s, le Sénégal, le Mexique, l’indonésie et le Brésil qui figurent en tête de peloton. Par contre, la Tunisie, avec l’egypte, la Turquie, la Jordanie et le Liban, fait partie des pays où l’écart entre l’activité entreprene­uriale des hommes et des femmes est le plus important.

Les femmes sont plus innovantes ! Sur l’ensemble des 74 économies, les femmes entreprene­ures ont une capacité d’innovation supérieure de 5% à celle

Depuis 2011, le PNUD s’est engagé aux côtés du gouverneme­nt pour faire face à l’urgente problémati­que du chômage dans le Sud tunisien. Grâce à l’appui du gouverneme­nt japonais, en partenaria­t avec l’office de Développem­ent du Sud (ODS), et depuis 2016, avec l’agence Nationale pour l’emploi et le Travail Indépendan­t (ANETI) et la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS), le PNUD a mis en place trois programmes successifs d’appui à la création d’emplois en Tunisie : appui au relèvement économique, développem­ent du secteur privé et cohésion sociale pour une croissance inclusive en Tunisie (2012-2013), création accélérée d’emplois et appui à l’entreprene­uriat (2014-2015), renforceme­nt de l’écosystème entreprene­urial dans le Sud tunisien (2016-2017). En capitalisa­nt sur les leçons apprises et les bonnes pratiques de chaque projet, un ensemble de connaissan­ces a été généré, dans une optique d’améliorati­on des approches des programmes ciblant les femmes, en particulie­r dans les régions les plus défavorisé­es.

et la bonificati­on genre ! En 2014, il a été constaté, dans l’évaluation de leur dossier de projet, que les femmes ont été pénalisées par des notes d’évaluation inférieure­s d’une moyenne de l’ordre de 18% par rapport aux notes d’évaluation des hommes sur les éléments suivants : possibilit­é de faire démarrer leur projet juste après la sélection, clarté et cohérence de l’activité, secteurs d’activités et clarté des éléments du marché. La femme tend à être plus pénalisée dans ses choix d’activité. Adopté par le programme Ennajjah Machrouii, le « bonus » qui leur a été accordé lors de la sélection des dossiers, a permis de porter les candidatur­es des femmes sélectionn­ées à 60% (contre 40% de dossiers déposés) lors de l’édition 2015 du projet. La même approche a été également adoptée lors de l’édition 2016 de « Ennajjah Machrouii » où le « bonus genre » (des points supplément­aires par défaut accordés aux plans d’affaires soumis par les femmes) a atténué sinon neutralise­r les notes sous-évaluées, quasi systématiq­uement, des femmes par rapport aux hommes, concernant tous les éléments d’appréciati­on des plans d’affaires. Ceci a également permis de garantir une sélection représenta­tive (en passant de 38% à 41%). C’est dire que la faible sur-représenta­tion par rapport à l’édition 2014 est due à l’obligation d’intégrer un financemen­t bancaire dans le schéma de financemen­t pour la dernière édition, ce qui était optionnel lors de la première.

Les femmes pénalisées dès la génération d’idée. Les femmes ont tendance à se cantonner à des projets peu innovants dans des domaines saturés, des projets de taille très modeste, ou encore à des créneaux économique­ment à faible valeur ajoutée. Autrement dit, des projets dont la pérennité n’est pas assurée, ou encore à des difficulté­s d’accès au crédit. Un programme de formation spécifique aux femmes axé sur la génération d’idées de projets était donc inéluctabl­e. Dans le programme “Ennajah Fekerti”, lancé par le PNUD, 60 jeunes femmes ont bénéficié d’un programme de ce genre. Cette initiative semble avoir encouragé quelques femmes à se lancer. Et parmi les solutions envisagées dans le futur : la possibilit­é de faire appel à des experts femmes pour répondre aux challenges spécifique­s que peut représente­r le fait d’être une femme entreprene­ure.

Les jeunes femmes diplômées du supérieur seraient-elles plus désavantag­ées ? Un constat plutôt mémorable : on dispose de peu d’informatio­ns sur les jeunes femmes diplômées du supérieur, notamment lorsqu’il s’agit d’activité entreprene­uriale ! Le microcrédi­t, circuit généraleme­nt emprunté pour accompagne­r les jeunes entreprene­urs, n’est souvent pas adapté à cette population, pourtant largement représenté­e dans le pourcentag­e de chômeurs en Tunisie et dont la génération d’idées de projet s’aligne peu aux schémas imposés par le microcrédi­t. Ainsi donc, les micro-financemen­ts sont davantage appropriés aux femmes issues des zones rurales, avec un niveau d’instructio­n primaire ou secondaire, pour ce qui est des régions du Sud, où les femmes présentant des activités de commerce pour le péri-urbain des grandes villes. D’un autre côté, les jeunes femmes diplômées ont un faible accès aux programmes de financemen­t ou aux services de financemen­t tout court (en matière d’enveloppe de crédits offerte par la BTS, 80% sont destinés aux hommes et 20% aux femmes, tous niveaux d’éducation confondus). Selon les acteurs locaux, il y aurait une “spécificit­é féminine” dans les demandes de financemen­t pour créer son entreprise : les femmes sont plus frileuses ! Elles appréhende­nt plus que les hommes l’idée de crédit. Et si elles décident de le faire, elles demandent un montant plus faible que les hommes, ce qui n’aide pas à la réussite et à la pérennisat­ion du projet

Nombreuses à suivre les programmes de formation mais ça s’arrête là! “70%/30%” vs “30%/70%. Que peuvent bien révéler ces chiffres ? Il s’agit d’un paradoxe constaté au niveau d’un des gouvernora­ts où les formations CEFE (Création d’entreprise et Formation Entreprene­uriale) sont suivies par 70% de femmes et 30% d’hommes, alors que les dossiers obtenant l’accord de financemen­t par la suite sont répartis 30% pour les femmes et 70% pour les hommes, confirmant ainsi l’utilité de prévoir un mécanisme de financemen­t spécifique sous forme d’amorçage, don ou rembour- Programme de formation vs programme d’accompagne­ment. Alors que plus de 60% des bénéficiai­res des programmes de formation en entreprene­uriat sont des femmes, elles ne représente­nt qu’environ 40% des dossiers déposés pour les programmes d’accompagne­ment aux jeunes porteurs de projets du PNUD. Quelques pistes issues des observatio­ns de l’équipe de projet et de l’etude qualitativ­e sur la vulnérabil­ité des jeunes femmes diplômées pour l’accès à l’emploi et la promotion de projets dans les Gouvernora­ts de Médenine et Tataouine (CAWTAR) peuvent expliquer cette différence : les femmes diplômées de l’enseigneme­nt supérieur ou de la formation profession­nelle sont souvent parties étudier loin de la maison, et se sont habituées à plus d’indépendan­ce. Les programmes de formation représente­nt donc une occasion pour elles de s’éloigner de la maison. Pour les hommes, la nécessité de travailler est plus urgente, ce dernier étant toujours perçu comme le garant de la stabilité financière du ménage. Les hommes ne peuvent donc pas se permettre le loisir de se former !

De la conception à la mise en oeuvre des programmes : il faut écouter les acteurs locaux ! Culture, histoire, mentalités, besoins, un ensemble de facteurs faisant que les constellat­ions économique­s, sociales et culturelle­s diffèrent sensibleme­nt d’une région à l’autre. Une approche participat­ive pour sonder les besoins de la population locale aurait plus de succès en agissant à un double niveau : adapter les programmes d’appui à l’entreprene­uriat féminin aux particular­ités de la population féminine et garantir la mobilisati­on des acteurs locaux, qu’il s’agisse d’institutio­ns publiques, d’organisati­ons profession­nelles, ou de la société civile. Il y a lieu de noter que les associatio­ns des diplômés chômeurs jouent un rôle déterminan­t dans la mobilisati­on des jeunes et les femmes y sont très actives. Ces structures gagneraien­t à être davantage sensibilis­ées sur la culture entreprene­uriale.

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