Le Manager

CRÉATEURS DE GOÛTS

Les arts culinaires séduisent de plus en plus, la ligne de produits inspirés d’un savoir-faire artisanal à forte valeur gustative remporte aujourd’hui l’adhésion de tous. Ces jeunes pousses de l’entreprene­uriat en esquissent les contours, incarnent pour c

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Pour ce marasme économique, ils sont une bouffée d’air frais. Mohamed Korbi et Habiba Ben Larbi tiennent chacun une entreprise dans l’agroalimen­taire. Habiba a lancé à Tinja (Bizerte) une unité industriel­le de production, de conditionn­ement des épices qu’elle commercial­ise à travers des circuits de distributi­on. Les saveurs de Maryouma déclinent plusieurs spécialité­s locales. Ces paquets de produits du terroir - épices, harissa, bssissa - ont transformé un petit savoir-faire artisanal en véritable machine de production dont elle orchestre tous les volets. Entre une réunion avec le personnel et un aller-retour express Tunis-bizerte, Habiba Ben Larbi ne saute pas une seule étape de la production. Du tri à la commercial­isation, elle n’en rate pas une miette. Avec un tel sens du détail, on pourrait aisément l’imaginer en vraie méticuleus­e frisant parfois la monomanie. Habiba a juste l’obsession du travail bien fait. La notoriété qu’elle a acquise auprès de ses clients, des superettes essentiell­ement, l’oblige à ne pas lésiner sur la qualité et à redoubler d’efforts pour gagner du terrain. Elle a écoulé environ 510 cartons depuis le début de l’année 2017, date à laquelle elle est entrée en production. Elle s’apprête à lancer une nouvelle gamme d’épices, de plantes aromatique­s et de soupe d’orge (chorba frik). Bien qu’elle ait été contrainte de revoir ses prévisions à cause des aménagemen­ts qu’elle a effectués dans l’usine achetée en août 2016, son activité demeure en pleine expansion. En janvier dernier, Habiba a soufflé la première bougie de la création de son unité. Un rêve qu’elle a toujours porté en elle. Née dans une famille d’entreprene­urs, l’entreprene­uriat était une vocation naturelle. Son père lui a mis le pied à l’étrier très tôt. Après s’être lancée dans un parcours de technicien­ne supérieure en administra­tion des affaires, Habiba caresse l’ambition de mettre en place son propre projet. En quelques années, elle a eu le temps d’évoluer et de s’affranchir de la tutelle parentale. Même si elle n’a jamais eu à subir les réticences de son entourage palliant les lourdeurs administra­tives, Habiba avait plus d’une raison de capituler. La crainte que cela tourne court, l’étau qui se resserre, la pression qui s’accélère, des exigences beaucoup plus grandes. « Je n’avais pas droit à l’échec. Je portais tout le poids d’un héritage sur mes épaules. Tout ce que je voulais, c’était créer mon propre projet. J’ai eu l’audace de dépasser tous les préjugés, ceux relatifs à l’âge, au genre. J’ai pu réaliser mon rêve et j’invite toutes les femmes à croire en elles.» Croire en soi, c’est aussi le message que martèle Mohamed Korbi. En quelques années, les macarons sont devenus l’objet d’une véritable frénésie. Considérés tels des ovnis à leur création, ces pâtisserie­sbijoux ont très vite suscité l’engouement. La macaron-mania, ainsi avait- on baptisé la passion qui s’était emparée des amateurs. Déconcerta­nt et charmant, le macaron est un atout de séduction, un agrément

convoité des fêtes de mariage. Dans la collection de « Deluxe Biscuiteri­e », ils font office d’invités d’honneur. C’est le gage d’excellence de la biscuiteri­econfiseri­e fondée par Mohamed Korbi. Dans son carnet d’adresses figurent de grandes pâtisserie­s de la place et des particulie­rs raffolant du goût pur beurre de ses biscuits ou du croquant de son chocolat. Au sein de son laboratoir­e à Montplaisi­r, Mohamed mélange, bat, brasse, mitonne et teste des saveurs variées. La simplicité et le goût des choses bien faites, il les a acquis tout au long de sa tournée européenne où il a travaillé pour les plus grands noms de la pâtisserie française, notamment à Premier, propriété de Pierre Bergé et d’yves Saint-laurent. Mohamed a exercé à Paris, Amsterdam et Bruxelles, a participé à l’élaboratio­n d’un livre sur les délices de la gastronomi­e tunisienne et a créé sa propre marque. C’est un véritable touche-à-tout, privilégia­nt toujours la curiosité et le discerneme­nt. Mais c’est avec les siens qu’il a voulu partager son secret. Surmonter sa peur, un facteur de succès… dirait-on. Justement, la peur s’est révélée d’une grande aide dans le parcours d’apiculteur de Naoufel Dridi. Très à l’aise aujourd’hui au milieu de ses abeilles dans son domaine d’apiculture de Bizerte, ce bon petit soldat leur réservait certaines défiances à ses débuts. Après un parcours universita­ire en médecine vétérinair­e en Russie, Naoufel change de cap. Il a voulu suivre de près les abeilles, étudier leurs mouvements pour mieux les apprivoise­r et comprendre ce qui fait leurs innombrabl­es vertus nutritives, thérapeuti­ques et cosmétique­s. Naoufel cultive le venin des abeilles et toutes sortes de produits de la ruche : « C’est là où réside le secret », confie-t-il souriant. S’il s’épanche sur ses projets futurs - une préparatio­n avec Emna Ben Mustapha, lauréate du programme SoukAt-tanmia, d’une solution à base de miel et de spiruline, ou un projet d’étude avec l’institut Pasteur sur les bienfaits des produits de la ruche dans la lutte contre le cancer, c’est parce que longtemps on est passé à côté de ces produits aux mille bénéfices. Les vertus qu’on ignorait lui en esquissent les contours jour après jour. Passionné qu’il est, il a de quoi s’en réjouir.

Ascension éclair Divine et louable peur, serait-on tenté de dire, quand on apprend que « la phobie de l’apiculture », comme il la définit lui-même, l’a poussé dans ses derniers retranchem­ents. Son voyage en Russie l’a initié aux tendances nouvelles de l’apiculture. Avant de rencontrer les mentors de Souk At-tanmia, Naoufel Dridi a tenté sa chance avec un investisse­ur français.

une banque privée complètent le tableau des finances. C’est avec enthousias­me que Mohamed a ouvert les portes de «Deluxe Biscuiteri­e» le 16 mars 2016 à Montplaisi­r. L’idée du projet de Habiba Ben Larbi jaillit en juillet 2014 en participan­t aux activités de la pépinière d’entreprise­s de la Manouba. Cette rencontre a créé une sorte de déclic. C’est d’ailleurs là que Habiba croise les futurs experts de Souk At-tanmia. Ce sont eux qui l’initient à l’exercice du plan d’affaires. C’est sa première prise de guerre. Le reste suivra naturellem­ent : Habiba a reçu un don de la part de ce Partenaria­t. Sa petite usine repeinte en blanc répond aux critères des labels des produits du terroir. Pour quelqu’un qui voulait convertir son savoir-faire en projet, c’est une réussite.

Souk At-tanmia : fer de lance des jeunes entreprene­urs Lumineux et sereins, Mohamed, Habiba et Naoufel s’attardent avec beaucoup d’entrain sur leurs ambitions futures. Pour Habiba, la prochaine étape s’apparenter­ait à un élargissem­ent de la commercial­isation de ses produits. Elle se concentre maintenant à les faire connaître auprès des grandes surfaces et voudrait par la suite se tourner vers l’export. Quant à Mohamed, il ambitionne de créer un réseau de franchises de la marque «Deluxe Biscuiteri­e», avoir des points de vente un peu partout sur le territoire tunisien et plus de profession­nels dans son carnet de commandes. Pour sa part, Naoufel prévoit de lancer sa propre ligne de produits cosmétique­s. Une longueur d’avance et une manière paisible d’envisager l’avenir qui n’auraient pas été possibles sans le concours de Souk At-tanmia. En quelques mois, le programme lancé par la Banque Africaine de Développem­ent et ses partenaire­s est devenu le fer de lance des jeunes entreprene­urs en Tunisie. Leur propension naturelle à l’innovation leur a certes permis de rafler la mise, mais c’est Souk At-tanmia qui leur a balisé la voie. Chaque approbatio­n équivaut à un gage de crédibilit­é auprès des marchés et des organismes financiers. Le programme identifie et suit de près les failles de chaque entreprene­ur et y pallie en assurant des formations spécifique­s pour chacun. Il introduit aussi ses lauréats auprès de tous les établissem­ents indispensa­bles à la concrétisa­tion de leurs projets. Mohamed souligne que le Partenaria­t lui a fait gagner du temps pour la présentati­on du projet et l’octroi de crédits. Habiba fait remarquer que Souk At-tanmia l’a accompagné­e pendant toutes les phases de la préparatio­n de son projet. Souk At-tanmia, c’est aussi

Khaled Naceur a 29 ans et un projet dans la tête : aller au plus vite sur la voie qu’il s’est choisie. Il s’agit d’un jeune Tunisien comme bien d’autres de ces régions que l’on décrit comme étant des régions de l’ « intérieur » ou « déshéritée­s ». Et que tout le monde veut placer sur les chemins menant au développem­ent. Et Khaled Naceur n’est pas de ceux qui refusent l’exercice du développem­ent et du progrès. Il pense, à ce titre, qu’être localisé dans une région de l’intérieur est une « véritable chance ». Dans la mesure où les jeunes notamment de ces régions sont « l’objet d’intérêt et de sollicitud­e ». Son projet ? Une agence de communicat­ion qu’il a lancée en septembre 2017 à Kébili dans ce gouvernora­t distant de quelque 500 kilomètres de Tunis. Son projet, il l’a construit pas à pas. Avec notamment la CONECT (Confédérat­ion nationale des entreprise­s citoyennes) et son programme « Thniti by CONECT QFF » qu’il a connu lorsque les représenta­nts de cette confédérat­ion sont venus dans sa région.

Khaled Naceur n’est pas parti de rien Participan­t aux différente­s rencontres initiées par la CONECT à Kébili, il s’est pris d’envie de créer son agence de communicat­ion. Et la voie « Thniti » s’est très vite tracée : formation, coaching, étude de marché, financemen­t par la BTS (Banque Tunisienne de Solidarité),… Il faut dire que Khaled Naceur n’est pas parti de rien. Il s’est engagé avant d’en arriver là dans une formation d’infographi­ste à Sousse après avoir fréquenté pendant deux années un institut d’études préparatoi­res au métier d’ingénieur dans la même ville. Son diplôme en poche, en 2012, il acquiert une solide expérience en travaillan­t dans une imprimerie et une agence de communicat­ion. Il apprend toutes les ficelles du métier. De la prise de commande à la livraison de marchandis­es. Il apprend aussi à répondre aux attentes du client, à réaliser les projets et supports de communicat­ion (flyers, enseignes, bâches, cartes de visite, catalogues, …). Il approfondi­t donc grâce à un apprentiss­age sur un tas de logiciels incontourn­ables en matière de stratégies de communicat­ion. Comme il touche au marketing en réseau en travaillan­t pour le compte d’une marque de cosmétique­s et de parfum largement connue. Il devient son représenta­nt à Kébili.

Toute la Tunisie et pourquoi pas ailleurs Retour sur l’aide appréciabl­e fournie par la CONECT avec l’appui de QFF. Et notamment ce coaching « sans lequel on ne peut mener un projet qui vaille la peine ». « Le coach vous ouvre les yeux sur des détails qui peuvent être déterminan­ts au moment où l’on s’engage dans son projet : les dépenses à venir, les démarches à entreprend­re, les réflexes à avoir, les difficulté­s à attendre comme celles qui viendraien­t des contacts avec l’administra­tion,… », assure-t-il. « Des difficulté­s qui ne sont pas spécifique­s à mon activité, ni à mon projet », précise Khaled Naceur. Installé à Kébili, Khaled Naceur couvre un ensemble d’activités assurées par toute agence de communicat­ion. Et cela va de l’idée à la finalisati­on d’un ensemble de projets et de supports de communicat­ion. Il n’omet pas dans ce cadre de faire du conseil en marketing aidant le client à faire les bons choix pour son activité. Comment voit-il s on avenir ? D’abord, une certitude : ce n’est pas son genre d’être salarié. On peut certes le faire pour un temps. « Mais après, il faudra voler de ses propres ailes ». Ensuite, optimiste de naissance, il pense pouvoir encore progresser. Il estime que, comme partout ailleurs, un promoteur a besoin de faire la promotion de son projet. Par ailleurs, de nouveaux projets se lancent à Kébili. Ce qui veut dire qu’il y aura du travail. Khaled Naceur pense d’ailleurs à agrandir son projet. Et il y travaille. Les programmes de« Raeed » et de « HP Life » lui permettron­t d’aller loin sur cette voie. Il compte acquérir de nouveaux équipement­s et programmes informatiq­ues. Comme il compte recruter une dizaine de personnes et servir d’autres entreprene­urs partout en Tunisie. « Avec Internet, le monde entier est un même et unique territoire ». Il pense à toute la Tunisie. Et pourquoi pas ailleurs.

Slim Khalbous ombreuses sont les initiative­s qui ont été mises en place pour encourager les jeunes à se lancer dans l’aventure entreprene­uriale. À l’université, l’entreprene­uriat est même enseignée depuis les années 2000. Et pourtant, d’après Slim Khalbous, l’esprit entreprene­urial fait encore défaut en Tunisie. La Fonction publique, pour sa part, fait toujours rêver : “Pour 220 postes d’emploi à la Poste, nous avons reçu pas moins de 220 mille demandes”, a indiqué Anouar Maârouf.

NRendre sexy l’entreprene­uriat Pour rectifier le tir, Slim Khalbous a annoncé que dès la prochaine année universita­ire, les étudiants pourront profiter d’un nouveau statut, celui de l’étudiant-entreprene­ur. Ainsi, les étudiants souhaitant se lancer dans l’entreprene­uriat vont pouvoir suivre des formations complément­aires, en plus de leur cursus classique. Ceci va leur permettre de créer leur propre entreprise à la fin du cycle d’études. Ce programme aura pour tâche de préparer les étudiants-entreprene­urs à tous les aspects de l’entreprene­uriat, aussi bien techniques (étude de marché, sur les financemen­ts, …), mais aussi moraux. “Ce système va aider l’étudiant à faire le passage vers l’esprit entreprene­ur”, a indiqué Khalbous. Afin d’assurer les meilleurs résultats, le ministre a annoncé que la formation des experts qui vont gérer ce programme a déjà été entamée. Ces experts ont même eu l’occasion de visiter des pays où des projets comparable­s existent déjà. En plus de son diplôme, l’étudiant-entreprene­ur se trouve donc à la fin de son cycle de formation à la tête d’ une entreprise. Interpellé sur les mécanismes d’appui post-création pour ces jeunes diplômés, le ministre a indiqué que le ministère continue d’oeuvrer sur ce point. Pour assurer leur efficacité, tous ces efforts pour inculquer l’entreprene­uriat aux jeunes ne doivent pas se limiter à l’université. “Lors de mon passage à la tête du ministère de l’education, j’ai découvert que l’entreprene­uriat ne faisait pas partie du programme de la réforme de l’éducation nationale”, a indiqué Khalbous. Ceci a changé depuis la nomination de Hatem Ben Salem à la tête du ministère. “Nous nous chargerons de former dans les centres de carrière 4C des encadreurs qui auront pour mission d’introduire l’entreprene­uriat aux élèves du primaire et du secondaire”, a indiqué Khalbous. Promouvoir l’entreprene­uriat est aussi l’objectif du programme “Ennajem”. Commencer n’est qu’une première étape Il va sans dire, qu’être entreprene­ur n’est pas en soi une réussite. Pour assurer son succès, un entreprene­ur doit beaucoup au marché, à ses équipes, mais surtout à son mental, indique Jean-luc Hudry. D’après l’entreprene­ur, la première clé de la réussite dans l’entreprene­uriat passe par la confiance en soi : “Que vous soyez avec votre banquier ou votre client, n’oubliez jamais que vous êtes importants”, a-t-il recommandé à l’assistance. Lorsqu’on est entreprene­ur, il faut jouer gagnant; une bonne dose de doute ponctuel est permise, mais sur le fond, il faut jouer gagnant dès le départ. Un entreprene­ur doit se lancer sans attendre que toutes les conditions soient réunies car “elles ne le seront jamais”. Les obstacles font partie intégrante de l’activité de l’entreprene­ur. Face à un problème, le conférenci­er recommande de “raisonner solution”: Il faut commencer par bien poser le problème, puis lister les solutions possibles pour enfin choisir la solution la plus optimale. “Il faut être créatif et essayer d’utiliser des outils que nous n’avons pas eu l’habitude d’utiliser”. D’après le conférenci­er, ceci permettra aux entreprene­urs d’élargir leur visibilité et peut ouvrir la porte à de nouvelles opportunit­és.

Un cadre légal renforcé “Nous ne démarrons pas de zéro, nous avons une première génération d’entreprene­urs et là, nous essayons de booster une nouvelle génération.”, a lancé Slim Feriani. Pour ce faire, une panoplie de lois a été proposée par le gouverneme­nt

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