Quand l’autonomisation économique des femmes est mise à mal
« L’égalité des genres doit devenir une réalité », Michelle Bachelet qui s’exprimait lors de la conférence de L’asia Pacific Economic Cooperation Summit en septembre 2010 juste après qu’on lui a confié la direction D’ONU Femmes. Elle ne saurait mieux affi
Parvenir à mesurer ce concept aux frontières assez floues permet déjà d’en déceler les déterminants et serait d’un grand intérêt en termes de recommandations politiques pour évaluer l’impact des interventions des politiques d’emploi, a souligné Soukeina Bouraoui directrice exécutive du CAWTAR. Et de préciser que cette avancée est propulsée par le plaidoyer, notamment des instances de la Banque mondiale, des Nations Unies et de L’IFC. La Tunisie en fait un sujet d’intérêt majeur entre l’adoption des Objectifs de développement durable (ODD), notamment L’ODD 5 portant sur la promotion de l’égalité des genres, et la mise en oeuvre du 13ème plan quinquennal qui encourage la participation des femmes dans les postes de prise de décision. Un arsenal juridique et plusieurs projets ont été mis en place pour promouvoir l’émancipation de la femme. A titre d’exemple, un programme d’une enveloppe de 44millions de dinars est destiné à accompagner 1200 femmes d’ici 2020, a précisé Sami Zouari de L’ISB. En dépit de toutes ces actions et sachant que l’égalité des sexes est inscrite dans la constitution, la réalité est tout autre et les femmes sont victimes d’un déficit d’autonomisation. Cette étude constitue un outil qui aide au monitoring et qui permet de développer des interventions facilitant la réalisation des objectifs de développement durable, a expliqué Dr Micheline Goedhuys, de L’UNU-MERIT. L’étude menée à cet effet, appuyée par Taqeem (évaluation), une sorte partena- riat entre L’IOT et le Fonds international de développement agricole (IFAD), se base sur une application à la Tunisie de l’indicateur de L’IFAD. Quand bien même cette étude développe des indicateurs de mesure de l’autonomisation des femmes et des jeunes sur la base du Women’s Empowerment in Agriculture Index (WEAI), elle ne se focalise pas uniquement sur le secteur de l’agriculture. L’enquête a été menée sur 1150 ménages, faisant intervenir 1320 femmes et 722 jeunes. L’échantillon est composé à raison de deux tiers de ménages situés en milieu rural et le reste en milieu urbain. Bref rappel des faits et de la réalité : l’autonomisation des femmes est définie comme l’accès des femmes aux ressources productives et le contrôle de ces
dernières, la participation accrue aux processus de décisions publiques, ainsi que l’amélioration du bien-être grâce à un meilleur accès aux infrastructures et services de base dans les milieux ruraux.
Comme le WEAI initial, l’autonomisation est mesurée à travers cinq critères : la production, les ressources, le revenu, le leadership et l’utilisation du temps. Chacun d’eux compte pour 20%. La femme est considérée autonomisée si elle cumule de bonnes évaluations sur 4 de ces 5 critères. Sont demandées des informations du type si la femme pouvait décider du processus productif, si elle avait accès à la propriété et au crédit, si elle pouvait décider de la manière de dépenser les revenus, si elle avait la possibilité d’appartenir et de rejoindre un groupe ou une communauté, si elle disposait enfin de temps de loisir. A ce titre, il est stipulé qu’une femme qui dépasse 10,5 heures de travail par jour entre son propre travail, les tâches domestiques et les obligations familiales n’est pas considérée comme autonomisée.
En rural comme en urbain, la peine est la même Il ressort de l’étude que 95% des femmes ne sont pas complètement autonomisées, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas des réalisations satisfaisantes dans quatre de ces domaines. C’est essentiellement au niveau de l’autonomisation économique que le bât blesse, dans la mesure où les femmes interviennent faiblement dans les décisions économiques et ont un contrôle limité sur les ressources et sur les décisions de dépense des revenus. Triste constat, les femmes rurales du Bangladesh, de l’ouganda et du Guatemala sont plus autonomisées économiquement que les héritières de Carthage. Toutefois, elles le sont moins sur les questions du leadership et de l’utilisation du temps, où les femmes tunisiennes caracolent en tête de liste. Il en ressort également que les femmes les plus jeunes sont moins autonomisées, surtout au niveau de leur intervention dans le processus productif et dans l’acquisition de la propriété. Elles sont plus autonomisées pour ce qui est du leadership et de l’utilisation du temps. Le pourcentage d’hommes et de femmes non autonomisés est le même en milieu urbain et en milieu rural. Les différences entre hommes et femmes en matière d’autonomisation ont pour origine les dimensions économiques à savoir la production, le contrôle des revenus et l’accès aux ressources. Toutefois, les différences sont minimes quant au leadership et à l’utilisation du temps. Plus précisément, la propriété des biens, l’accès au crédit et les décisions en matière de crédit contribuent substantiellement à la perte de pouvoir des femmes. L’étude a fait ressortir qu’en milieu urbain, les femmes ont plus de difficulté d’accéder au marché du travail. Il a été rapporté qu’elles sont plus exigeantes sur les conditions du travail, refusent l’informel et ont des salaires de réservation plus élevés. Ceci est probablement dû au fait que socialement elles sont moins dans la contrainte de subvenir aux besoins. On y apprend également que les hommes et les femmes sont en compétition sur le marché de travail de bonne qualité. Il a été a également démontré que la parité entre les sexes au sein du ménage est également faible. Les niveaux les plus élevés d’autonomisation des femmes sont fortement corrélés avec les niveaux de bien- être psychologique. L’évidence s’impose d’elle-même.