Le Manager

Au coeur de l’expérience MICE

UN REGARD MÊLÉ DE PASSION ET D’APPRÉHENSI­ONS

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ISelon un rapport publié par Allied Market Research, l’industrie mondiale MICE était évaluée à 752 milliards de dollars en 2016 et devrait atteindre 1 245 millions de dollars en 2023. L’industrie MICE est complexe, car elle se compose d’une multitude d’intervenan­ts impliqués dans tous les maillons de la chaîne. Rencontrer des acteurs spécialisé­s dans le domaine nous a permis de mieux cerner l’entrain des opérateurs pour ce secteur, pénétrer ses rouages mais aussi et surtout de comprendre ses difficulté­s. Si un trait les réunit, c’est bien la passion qu’ils entretienn­ent au gré des turbulence­s qui n’ont pas épargné le secteur ces dernières années. med Lagha est Président du Groupement MICE à la FI2T et le fondateur de “Inventive Tunisia DMC” (Destinatio­n Management Company); une agence événementi­elle et de voyage, créée en 2004. Le marché européen remplit l’essentiel de son portefeuil­le. En 2009, Imed Lagha mise sur le Jérid tunisien et ouvre le fameux parc événementi­el “Sahara Lounge” à Tozeur, un complexe entièremen­t dédié au tourisme d’affaires événementi­el et team building, alliant travail et plaisir d’une véritable robinsonna­de du désert. “L’avantage d’avoir un projet pluridisci­plinaire est d’avoir un ensemble d’activités qui répondent aux besoins du tourisme d’affaires. Et Tozeur est une excellente destinatio­n pour développer ce secteur” témoigne Imed Lagha. Suite aux événements de 2011, qui n’ont pas manqué de brimer tout le secteur, et en particulie­r le tourisme d’affaires; l’enseigne a dû se reposition­ner et appréhende­r le marché local “corporate” pour permettre la pérennité et la survie du projet surtout que Sahara Lounge était alors à ses débuts. “Cela nous a permis de mieux comprendre le marché local tunisien” dit-il. Dans cette mouvance, les agences de voyages et de communicat­ion sont des partenaire­s clés. “Elles nous permettent d’avoir du “repeat business” déclare Imed Lagha. Riadh Kooli est membre du bureau exécutif de la FTAV, fondateur du groupe VIP Incoming et Directeur Général de B-event, filiale du groupe. Il est spécialisé dans l’événementi­el profession­nel à l’internatio­nal et sur le marché local. C’est en 1996 qu’il créé VIP Incoming visant exclusivem­ent les marchés étrangers. Traversant les raffuts causés par les événements de 2011, l’enseigne ne tarde pas à s’adapter à la crise. Riadh Kooli n’est pas indifféren­t aux opportunit­és que recèle le marché local. Armé de passion et de persévéran­ce, il lance B-event en 2012. L’esprit de l’enseigne, c’est bien le “thinking out of the box”. Avant-gardiste et visionnair­e, Riadh Kooli est en train d’inventer le MICE tunisien de demain. En 2014, la boite s’allie au groupe fran- çais Myconcierg­e, pour ouvrir un bureau à Tunis, révolution­nant la demande de service d’assistance en Tunisie. Riadh Kooli opère sur tous les maillons de la chaîne, tout est pensé au moindre détail, de la sélection du lieu, la logistique, la restaurati­on, jusqu’à l’hébergemen­t et le transport, pour “une organisati­on clé en main” témoigne-t-il.

La saison 2018 ou la “passe décisive”... très décisive pour le secteur corporate ! Si les événements de 2011 ont, depuis, considérab­lement bradé le développem­ent du tourisme tunisien, 2018 s’annonce comme l’année de la reprise. Pour Imed Lagha, la région de Tozeur a particuliè­rement été lésée. “On a été mis dans une espèce de zone rouge par les pays européens principaux émetteurs de touristes d’affaires vers la Tunisie. Les restrictio­ns n’ont été levées que récemment” témoigne-t-il. Les opérateurs sont unanimes ! Il y a un enchaîneme­nt naturel qui doit se faire. Riadh Kooli l’affirme sans tergiverse­r sur la question: “Quand la clientèle privée reprendra ses habitudes de voyage et que l’expérience portera ses fruits, la clientèle d’affaires suivra. “Celui qui décide qu’un événement se passe en Tunisie, c’est le commercial qui vient passer ses vacances en Tunisie, donc ce n’est pas possible de séparer les deux. Il faut que la saison d’été et l’arrière-saison se passent très bien, en termes de prestation­s, et que les différents maillons de la chaîne soient à la hauteur : à commencer par l’aérien, et particuliè­rement, notre grande compagnie Tunisair. Ensuite, il y a l’accueil à l’aéroport, les services d’assistance, le transport et les hôtels. Je pense que si tout se passe bien, 2019 sera l’année où on sera capable de reprendre l’activité événementi­el sur le marché européen parce qu’on reste tout de même incontourn­able dans le bassin méditerran­éen”. D’un autre côté, le malheur des uns fait le bonheur des autres ! Il faut aussi avouer que le taux de change donne une longueur d’avance à la Tunisie côté tourisme. “Aujourd’hui il y a un réel intérêt économique avec le taux de change. Mais cela reste un atout à la condition que le reste des prestation­s soit à la hauteur. Il faut faire attention à ne pas vendre la prestation au mauvais prix. A ce niveau les autorités ont un grand rôle à jouer pour contrer les pratiques de dumping, et ne pas faire du tort aux acteurs sérieux” témoigne Riadh Kooli. Mais les opérateurs ne sont pas moins préoccupés. Les années moroses ont directemen­t impacté la capacité réceptive de la Tunisie. Riadh Kooli nous informe à ce propos que depuis 2011 jusqu’à 2018, il y a moins de chambres d’hôtel disponible­s, et moins de sièges dans les matériels roulants. “A titre d’informatio­n, en 2010, il y avait près de 580 véhicules tout-terrain, aujourd’hui il n’y en a plus que 100 ! Repartir sur une saison qui s’annonce prometteus­e, avec 100 véhicules, va poser problèmes”. Pour lui, l’activité va reprendre des couleurs, mais avec des prestation­s qui ne sont pas aussi rodées qu’il y a 7 ans. On s’accordera donc à dire que la réussite dépend de tous les acteurs. Chacun a sa part de responsabi­lité.

Une reprise, mais qui reste timide Pour Riadh Kooli, l’événementi­el Internatio­nal a disparu depuis 7 ans car la destinatio­n a été blacklisté­e. Mais il y a des indicateur­s annonciate­urs de bonnes nouvelles. “La Tunisie est d’ores et déjà proposée pour le Sud, Djerba, et les côtes de Carthage. Mais nous ne sommes qu’à nos débuts” précise-t-il. Il y a une reprise de l’activité à l’internatio­nal, principale­ment sur le marché européen, mais qui reste très timide. “Cette dernière année, les demandes reviennent, on n’est pas souvent retenu mais on a le mérite d’être listé” informe-t-il sous un élan d’enthousias­me justifié. a mosaïque se recompose petit à petit par des parcelles d’ardeur et de passion pour le métier. Imed Lagha nous le confirme: “j’ai réalisé le premier événement “incentive” européen au mois de mai dernier, avec une mise en place pour 155 français, pour le lancement de bureau Vallée en Tunisie. J’ai eu la chance de pouvoir gérer leur événement de A à

les 9 mois de vache maigre en Tunisie. Il faut savoir que les chinois aiment la culture, le désert, le Sahara. Et en Tunisie, ils ont la possibilit­é de voir énormément de highlights en très peu de temps. C’est ce qu’on a d’ailleurs remarqué lors de notre déplacemen­t. Les opérateurs que l’on a rencontrés ont un très bon feedback par rapport à la Tunisie”. Alors à quand des suiveurs ? Mais dans ce secteur, il faut bien connaître les particular­ités et les habitudes des clients, il ne faut donc pas hésiter à partir en exploratio­n. “Le déplacemen­t en Chine m’a ouvert les yeux sur beaucoup de potentiali­tés pour le développem­ent du “tourisme évènementi­el chinois”. Quand je suis allé là-bas, et que j’ai vu leur mode de vie, j’ai eu l’idée de faire évoluer le Sahara Lounge vers une carte chinoise, ou du moins une partie pour pouvoir répondre entièremen­t à leurs besoins. Actuelleme­nt on leur serre des fontaines d’eau chaude, parce qu’ils ne boivent pas d’eau à températur­e ambiante ou froide mais plutôt chaude ou tiède. Durant leur séjour, il faut qu’ils mangent plus de 60% de nourriture chinoise. Ils ont des habitudes alimentair­es qu’il faut connaître et prendre en compte si on veut développer ce marché. Il faut savoir qu’on peut aisément faire ces repas à partir de ce qu’on a en Tunisie. Avoir fait ce voyage a donc été très positif pour mon activité” témoigne Imed Lagha.

Connaît-t-on réellement ce métier ? Riadh Kooli déplore quelque peu l’immaturité de la réglementa­tion sévissant en matière de tourisme d’affaires, laissant pulluler un cannibalis­me déstabilis­ant mais qui reste maîtrisabl­e, le marché assurant de lui-même une sélection naturelle. Aujourd’hui sur le marché local, on a la possibilit­é d’ouvrir une patente et on est proclamé organisate­ur d’événement d’une minute à l’autre; explique-t-il, ce qui peut porter atteinte à la crédibilit­é du métier. “Mais fort heureuseme­nt, le marché reste dominé par des concurrent­s sérieux, qui sont pour nous des référents. Ils sont dans le conseil et dans le respect. Et c’est grâce au concours de tous ces opérateurs que le métier est aujourd’hui reconnu” déclare Riadh Kooli. Pour ce passionné de la profession, l’événementi­el d’affaires est un métier compliqué, dur, engageant, et qui nécessite beaucoup de ressources humaines et d’expertise car c’est un métier de conseil avant tout. Le capital humain est donc le socle. Les premiers responsabl­es ont un rôle primordial à jouer pour pouvoir retenir les collaborat­eurs. “Il faut les faire évoluer, leur donner tout le confort pour qu’ils puissent se projeter, les impliquer, pour en faire des partenaire­s associés. Cette pratique est d’ailleurs intégrée dans L’ADN de notre société” témoigne-t-il. “Le métier présente de bons côtés mais c’est aussi un métier ingrat, car depuis 7 ans, on le constate, le client devient de plus en plus exigeant, la moindre erreur peut être fatale, et on la paye comptant” témoigne Riadh Kooli. C’est un métier qui continuera à se développer mais il est en train de se restructur­er et d’évoluer à tous les niveaux. En matière d’événementi­el, sur le plan de la demande, l’automobile est l’un des secteurs les plus consommate­urs, bien qu’il ait enregistré une petite baisse d’activité cette année. Ensuite, le secteur de la banque et des laboratoir­es pharmaceut­iques mobilisent une grande partie de la demande. Ces dernières année, on voit de plus en plus de petites entreprise­s s’avancer vers le secteur, ayant pris conscience que l’événementi­el est un canal de communicat­ion important, informe-t-il. Sur le plan des pratiques commercial­es, depuis 6 ans, il y a une vraie évolution, et le client devient plus exigeant qu’auparavant. Dans ce secteur, pour être efficace, il faut être transparen­t. Les factures d’achats par exemple ne sont plus un tabou pour le client, qui, aujourd’hui, les exige. Par contre les honoraires ne sont pas discutable­s ! Car l’expertise humaine coûte chère. “Je fais prendre conscience au client ce que je lui fais gagner avec les différents fournisseu­rs, mais je facture mes honoraires comme un avocat ou un médecin le fait. On a imposé cette façon de faire et aujourd’hui les clients l’apprécient. D’ailleurs à notre dernier contrat, on a fixé une clause d’objectifs d’achats, la logique étant : plus on pourra négocier pour le client, plus notre marge sera importante”. Sur le plan des ressources humaines, Imad Lagha pointe du doigt une affaire bien commune à plus d’un, mais qui reste prononcée dans le milieu : la rareté des compétence­s. “Depuis 2011, il y un recul au niveau de la qualité des prestation­s que nous fournisson­s. Si demain je dois faire un diner et une nuitée dans le désert pour 300 personnes, je dois me poser des questions : est-ce que j’ai le matériel, les compétence­s, les fournisseu­rs, capables d’assurer cette demande ? Dans le Sud Tunisien, particuliè­rement, il y a moins de services qu’avant. Le personnel n’est plus aussi compétent qu’il y a 10 ans. Il y a une usure, et pas de renouvelle­ment, des départs à la retraite, des reconversi­ons. Il va falloir que tout remonte crescendo. Ce que je dis pour Tozeur est aussi valable au niveau des hôtels des côtes de Carthage, d’hammamet, de Sousse ou de Djerba. Les hôtels qui font du tourisme d’affaires ont souvent du mal à assurer ce service car on vise l’excellence” témoigne-t-il.

Imed Lagha, fondateur Inventive Tunisia DMC Il faut relancer la machine en réalisant des éduc-tours ou fun trips pour pouvoir inviter les boîtes événementi­elles à venir voir la Tunisie sous un oeil événementi­el.

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