Performance et leadership: quel lien?
« Talent management en période de crise », tel est le thème débattu lors du séminaire organisé par l’association des professionnels en ressources humaines (AP’RH), le 11 mai 2018 à L’IACE. Signe de conscience que la performance d’une entreprise dépend de son capital humain.
Fait d’évidence, des chiffres alarmants reflètent un fléau qui se propage à toute allure, celui de la fuite des cerveaux. «Pour les six dernières années, 94000 compétences tunisiennes ont quitté le pays dont 4000 départs comptés rien que pour 2017. Outre les 45% d’étudiants en médecine déjà inscrits dans des universités tunisiennes et ayant quand même rejoint l’europe, 80% de Tunisiens ont exprimé leur volonté de partir de l’autre côté de nos frontières», témoigne Saïd Zouaghi, consultant RH et membre de L’AP’RH. Les secteurs cernés, selon Khalil Ghariani, membre du bureau exécutif de L’UTICA chargé des relations sociales, sont ceux de la santé, des TIC et de l’enseignement. De prime abord, il estime que l’origine de ce phénomène est la stagnation du tissu économique en termes de qualité et de quantité. Triste réalité : l’appareil économique ne peut pas absorber le stock important des diplômés. En effet, le taux de chômage des diplômés, selon les derniers chiffres de l’institut national de la statistique, a atteint 29.3% pour le premier trimestre de 2018, alors que les DRH des entreprises tunisiennes manifestent leur peine à détecter les bons profils. Est constaté, ainsi, le gap entre le système éducatif et le marché tunisien. Dans ce sillage, la société civile a pris le taureau par les cornes afin d’apporter une nouvelle approche à la formation et d’armer le diplômé. Education For Employment Tunisia (EFE), entre autres, s’est noué des partenariats avec des entreprises privées. Le but premier étant d’identifier les critères exigés, et qui sont au nombre de trois, selon les dires de la CEO de l’association Lamia Chaffai. Il s’agit des compétences digitales, des soft skills et des connaissances linguistiques. Une fois pointés du doigt, ces manquements sont mis à niveau à travers différents programmes en faveur d’une cible pointue, spécialisée dans les TIC et dont l’âge minimum est 18 ans. S’ajoute à cet enjeu, un défi d’ordre culturel. Le responsable de la centrale patronale réclame fortement la nécessité d’un contrat sociétal basé sur trois éléments clés. Il concerne en premier lieu le rétablissement de l’espoir perdu dans le présent et l’avenir d’un pays comme le nôtre et la confiance mutuelle entre l’employé, qui attend que ses compétences soient valorisées, et l’employeur, exigeant un certain potentiel introuvable. Toujours selon ses propos, nous sommes, par ailleurs, dans l’obligation de réévaluer la notion de leadership ,et ce, en établissant un modèle sur le fondement de la réussite par le travail. Au final, il a mis en relief la polémique « stérile » de la valeur du travail en Tunisie. Le responsable accuse le système actuel faisant en sorte que cette morale n’est plus, puisqu’elle ne procure plus le bien- être.
Le talent management, une solution idyllique De son côté, Saïd Zouaghi dénonce la sous-estimation du talent management. A vrai dire, au sein même de l’entreprise, les stratégies claires et réfléchies pour détecter les hauts potentiels, les attirer, les recruter et surtout les retenir sont rares. Une exception dont on peut s’inspirer à cet égard : le projet mis en oeuvre par l’ancien DRH de l’entreprise pétrolière paritaire Serept et consistant à retenir les talents. À l’époque, malgré un investissement important dans la formation spécifique de ses employés s‘élevant à 5 ou 6% de la masse salariale, l’institution a été frappée par la vague de fuite de ses compétences, intensifiée en 2004 avec le départ de 15 à 20 collaborateurs par an. Elle n’est pas au bout de ses peines, 23% de l’effectif ont démissionné entre 2004 et 2009, vu qu’une concurrence de l’intérieur et de l’extérieur bat son plein. Il a fallu alors avoir recours à une démarche pour retenir les collaborateurs qualifiés, autrement la faillite approchait à pas d’allure. La solution a été d’augmenter les salaires des employés les plus méritants de la hiérarchie. Les rémunérations sont gérées sur la base des compétences, autrement dit, l’expertise et les performances en fixant des objectifs individuels et globaux. « L’efficacité de cette stratégie est incontestée sachant que nous n’avons constaté que quelques départs, depuis. », s’est-il réjoui. Cependant, pour finir sur une note optimiste certains participants ont signifié que l’expatriation des compétences est à même de faire rayonner la Tunisie sous d’autres cieux.