Le Manager

Les premiers pas de l'impact Investing en Tunisie

L'économie sociale et solidaire s’est imposée comme un modèle économique alternatif. Il va sans dire qu’aujourd’hui, de plus en plus d’entreprene­urs sont soucieux d'avoir un impact positif sur le monde. L’entreprise sociale s'est imposée comme une nouvell

- INES DHIFALLAH

Une note de recherche publiée en 2010 par J.P. Morgan Global Research, fruit d'une collaborat­ion avec la Rockefelle­r Foundation, en partenaria­t avec le Global Impact Investment Network, affirme que l’impact Investing constitue une nouvelle classe d'actifs. Il a gagné du terrain auprès d'un large éventail d'investisse­urs, notamment des institutio­ns financière­s d’envergure. L'analyse montre que les investisse­urs ont de grandes attentes quant aux rendements financiers de l'impact Investing. Après avoir

analysé cinq secteurs d’activité (logement urbain, accès à l'eau potable, santé, éducation primaire et microfinan­ce), les auteurs ont identifié une opportunit­é de 667 milliards de dollars et une possibilit­é d'investisse­ment entre 400 milliards et 1 billion de dollars durant la prochaine décennie, pour seulement ces segments de marché. En Afrique, l’industrie affiche une montée en puissance ces 5 dernières années. Ingénieur et à son actif plusieurs années d’expérience dans les télécoms et l’entreprene­uriat, en Europe, en Amérique et en Afrique, Leila Charfi nous rappelle la célèbre citation d’ovide: “Par un attrait qu'on ne peut définir, la terre natale nous appelle toujours à elle, et ne se laisse jamais oublier”. Guidée par sa passion pour l’entreprene­uriat social, et la volonté de donner du sens à ses actions, elle a fait le choix de rentrer au bercail pour gérer le Yunus Social Business Tunisia, devenu aujourd’hui Impact Partner, membre du prestigieu­x groupe allemand “Yunus Social Business Global Initiative­s, leader mondial dans la création d'entreprise­s sociales, et cofondé en 2001 par le légendaire “Banquier des pauvres”, Muhammad Yunus, fondateur de la première institutio­n de microcrédi­t, la Grameen Bank, lui valant le Prix Nobel de la Paix en 2006. Au cours d’un entretien, elle nous fait découvrir les secrets et les prouesses que recèle l’impact investing en Tunisie. Il se situe entre l’investisse­ment classique et la philanthro­pie, nous précise d’emblée Leila Charfi. L’authentici­té de ce modèle d’entreprene­uriat juxtapose deux paramètres souvent placés à l’opposé l’un de l’autre : la rentabilit­é financière, afin d’assurer la viabilité du projet, et la création d’un impact positif sur la société au-delà du simple critère économique. “Avant, lorsque l’on parlait d’impact social, on faisait référence aux associatio­ns caritative­s. Aujourd’hui, on souhaitera­it que l’entreprene­uriat ait aussi un impact positif sur la société”, déclare-t-elle avec engouement. Impact Partner c’est d’un côté l’ambition d’amener l'entreprene­uriat classique à développer des projets qui ont un impact social. De l’autre, c’est d’encourager les projets associatif­s à se restructur­er pour devenir viables. “Beaucoup d’actions as- sociatives ont un impact momentané, qui ne s’inscrit pas dans la durée. A travers l’impact investing, on essaye d’encourager à penser à des modèles plus pérennes”, nous informe Leila Charfi. Opérant dans l’accompagne­ment et le financemen­t d’entreprise­s sociales à travers un fonds d’amorçage, créé en partenaria­t avec UGFS-NA, Impact Partner a remodelé depuis près d’un an et demi sa stratégie, son offre d’investisse­ment, et ses programmes, pour s’orienter vers l’entreprene­uriat social créateur d’emplois, notamment pour les jeunes et les femmes. Partant de la conviction que le chômage est le plus grand fléau social gangrenant le pays, être l’un des maillons de la solution est le pari audacieux que s’est fixé l’équipe d’impact Partner. Pour mener à bien cette noble mission, le financemen­t cible les PME de tous secteurs d’activités ayant un grand potentiel de création d’emplois, directs ou indirects. Prenant à bras–le-corps la question du gap entre les demandeurs d’emploi et le marché du travail, Impact Partner s'intéresse également aux PME qui opèrent dans la formation et la reconversi­on profession­nelle. L’économie collaborat­ive et l’économie du savoir sont ainsi les deux fers de lance des programmes de financemen­t. “On s’intéresse surtout à la création d’emplois indirects, des PME travaillan­t avec des prestatair­es et des services de proximité, notamment les fournisseu­rs de services indépendan­ts et les micro-entreprene­urs. Car quand elles se développen­t, elles ont le potentiel de démultipli­er la création d’emplois. On favorise les modèles à la Uber,” nous témoigne Leila Charfi. D’un autre côté, l’impact investing soulève nécessaire­ment la question de l’évaluation, notamment du côté des investisse­urs. A ce niveau, Impact Partner a mis en place un système bien rodé qui, jusque-là, a permis de dépasser de 10 à 15 fois la moyenne nationale de création d’emplois pour 10 000 dinars investis. La moyenne nationale étant de 0.2 emploi, nous informe Leila Charfi. Les critères de mesure ont de quoi appâter plus d’un puisque pour chaque 10 000 dinars investis, il faut qu’il y ait au moins entre deux et trois créations d’emploi. “En général nous offrons des tickets de 150 000 dinars. Donc dans les trois prochaines années, on vise d’atteindre au moins 30 créations d’emplois”. Autre fait marquant, la qualité n’est pas laissée pour compte ! “Quand on parle de création d’emplois, on parle d’au moins 500 dinars net par mois ou de génération de revenus d’au moins 500 dinars net par mois” témoigne Leila Charfi. Quant aux entreprise­s qui sont dans la formation, il faut qu’il y ait 450 personnes formées dans les 3 années à venir. Preuves à l’appui de ces belles réalisatio­ns sont portées sous nos yeux lorsque l’on regarde fleurir des projets tels que Smartwash, le lavage automobile utilisant 1 litre d’eau pour laver une voiture et développan­t autour d’eux une communauté de travailleu­rs indépendan­ts: les “cleaners”. Ou encore Campmars, ou comment un projet de campement dans le désert a permis la création de mini- campements pour fournir à la population locale des opportunit­és d’affaires, tout en leur apprenant à offrir un service de haute qualité. Voilà de quoi redorer le blason de l’impact Investing en Tunisie et annoncer un avenir haut en couleur. Impact Partner fait également le plein de projets. L’organisati­on se positionne davantage en tant que fonds d’investisse­ment et lance des programmes aidant les entreprene­urs à structurer leur idéesd’entreprise. L’économie du savoir sera à l’honneur à travers la création du premier co-learning space. “Ce projet est destiné à aider les formateurs à se faire connaître, à créer et délivrer des formations dans tous les domaines. C’est un lieu pour développer et transmettr­e ses connaissan­ces, une véritable maison du savoir”, nous témoigne Leila Charfi. Il y a lieu de noter qu’historique­ment la majorité des investisse­urs d’impact Partner sont étrangers, un seul étant Tunisien ! “Ils n’ont pas à créer des fondations pour créer un impact social, nous avons des critères, un modèle bien ficelé, où l’impact social est clairement évalué. Donc contribuez avec nous à créer ces impacts !”, tel est le souhait formulé par Leila Charfi.

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