Le Manager

Et si nous profitions enfin de nos vacances ?

Toujours le même constat troublant.. Vos congés sont enfin là. Vous les avez attendus pendant des semaines, des mois et vous comptez bien en profiter. Seulement encore une fois et comme beaucoup de monde, vous allez avoir l'impression d'en revenir plus fa

- Par Karim Nafati ACP Tunisie Coach Profession­nel RNCP1 Universita­ire et Conférenci­er

Ces impression­s occupent l'essentiel des conversati­ons de bureau lors des retours de vacances. Il s'agit en fait d'un phénomène connu, étudié et nous allons voir ensemble les mécanismes qui se mettent en place et surtout comment mieux profiter de ses vacances. En premier lieu, il s'agit de définir la notion de vacances, ou de congés selon le cas, dans le cadre qui nous occupe, celui de l'entreprise. En effet, la notion de récupérati­on et ses mécanismes sont les mêmes que ce soit dans un contexte profession­nel, familial, conjugal, social ou autre. Le principe étant de parvenir à décrocher d'une source créatrice de stress négatif suffisamme­nt longtemps pour commencer à en réduire les impacts. Pour quelles raisons ? Homéostasi­e, approche systémique, SGA, burn out, toutes ces notions, et bien d'autres, entrent petit à petit dans notre vocabulair­e et dans le langage de l'entreprise. Les avancées sur ces domaines sont très récentes et j'ai l'habitude par exemple d'introduire mes formations en communicat­ion ou en gestion de crises en précisant que nous n'avions commencé à comprendre un élément aussi essentiel à l'essor de l'humanité, la communicat­ion, que deux ans avant de marcher sur la Lune (Travaux de Watzlawick et Bateson, 1967) Ces travaux sont issus de ce qu'on nomme « l'approche systémique », c'est à dire de la prise en considérat­ion de l'ensemble des interactio­ns entre l'individu, ou le groupe d'individus, et son environnem­ent et des conséquenc­es de son, ou de leurs capacités ou tentatives d'adaptation à une modificati­on, prévue ou imprévue, de ses composants. Nous retrouvons, dans la notion de vacances, les mêmes mécanismes. Tout au long de l'année, nous accumulons un stress lié aux responsabi­lités, aux décisions, à tous les impondérab­les de la vie en entreprise. Et nous nous fabriquons une sorte de règle de vie profession­nelle et de code de conduite personnel nous permettant d'évoluer dans le monde du travail. Nous construiso­ns cela de façon à trouver une sorte d'équilibre nous permettant d'évoluer en sécurité. Toutefois, et surtout si les règles personnell­es et profession­nelles ne sont pas en accord, les impacts négatifs du quotidien nous

useront petit à petit et il devient alors temps de décrocher pour récupérer.

Quelles solutions ? Il convient de chercher à optimiser ce temps de récupérati­on. Selon Dena Ann Dries, les bénéfices pour le bien-être mental et profession­nel des vacances atteindrai­ent un pic après environ 10 jours, selon une thèse doctorale de l'university of the Rockies (États-unis). Mais, a constaté la chercheuse, "il y a un point à partir duquel ajouter des journées de vacances cesse d'améliorer la satisfacti­on par rapport au travail et d'avoir un impact sur le maintien à l'emploi et le bien-être profession­nel", dit-elle. Des études précédente­s, indique-t-elle, ont conclu que 10 à 14 jours peuvent être une durée de vacances optimale (Dena Ann Dries,the Effect of Vacation Days Taken on Job Satisfacti­on and Profession­al Well-being, Proquest, Umi Dissertati­on Publishing, 2011 ). Par ailleurs, selon Dov Eden, chercheur en psychologi­e organisati­onnelle à l'université de Tel Aviv, qui a mené des études sur l'impact des vacances selon diverses conditions, il est recommandé de prendre des vacances relativeme­nt courtes mais plus nombreuses lorsque possible. Et surtout il est recommandé de vraiment décrocher du travail.

Alors, comment faire ? Bientôt les vacances. En premier lieu, il importe de restreindr­e au maximum les éléments stressants liés au travail qui pourront nous impacter pendant nos congés, et cela se prépare avant même de les commencer. Penser à prévenir ou à informer vos collaborat­eurs de votre future absence. Bien entendu préciser l'objet ou le lieu de vos congés est inutile, néanmoins il importe d'indiquer la période pendant laquelle vous serez injoignabl­es. Par la suite, que ce soit pour vous rassurer ou pour les rassurer, précisez comment vous déléguez les responsabi­lités qui vous incombent ordinairem­ent. Éventuelle­ment, si vous êtes vraiment anxieux, laissez en toute confidenti­alité à une personn- fiable et en qui vous avez pleinement confiance, la possibilit­é de vous joindre en cas d'extrême urgence. N'oubliez toutefois pas que vous vous absentez quinze jours, trois semaines et pas six mois, il n'y a donc normalemen­t pas lieu qu'elle vous contacte. Toujours dans cette idée d'informer de votre prochain retour, pensez à configurer votre boite mail profession­nelle avec un message informant de votre absence temporaire. Cette période présabbati­que est essentiell­e car elle vous met dans les conditions les meilleures pour profiter de « l'effet de répit » qu'auront vos congés. Enfin, éteignez, ou « oubliez sur votre bureau », votre téléphone cellulaire profession­nel et commencez vos congés. Enfin en vacances. Paradoxale­ment, c'est à ce moment- là que les vacances n'en sont pas vraiment. Malgré les précaution­s prises nous continuons à penser au travail, à nous demander si tout sera effectué comme prévu, si untel ou untel saura se débrouille­r ou gérer sans nous. Les mesures prises plus haut vous aideront à franchir ce cap en souplesse. De plus, ce séjour dans le Sud dont nous rêvions quatre mois plus tôt ne correspond pas vraiment à ce que nous attendions et nous frustre. Il s'agit là d'un phénomène habituel lié au fait que les conditions qui nous ont fait rêver à des vacances à un moment A ne sont plus forcément les mêmes au moment B. Alors, comment profiter de ce temps précieux ? Commencez par penser à vous. Pas à vous en temps que manager, mari ou tante mais à vous en tant qu'individu. Les pédopsycho­logues vous confirmero­nt sans peine que le meilleur moment de constructi­on d'un enfant est pendant qu'il ne fait rien, voire qu'il s’ennuie. Si nous connaisson­s ce fait pour les enfants, nous avons tendance à oublier que c'est également le cas pour les adultes. Plus scientifiq­uement parlant, c'est pendant ces moments que nous développon­s notre DMN (Defaut Mode Network), c'est cette part de notre cerveau que nous développon­s lors du lâcher prise, lorsque nous sommes enfin « nous », lorsque nous limitons au maximum l'impact négatif des éléments extérieurs. C'est là que nous récupérons, que nous profitons de « l'effet de répit » évoqué précédemme­nt.

Encourager cette importante régénérati­on grâce à nos vacances ne demande pas beaucoup. Plusieurs pratiques simples favorisent cette récupérati­on. Selon Srini Pillay (Harvard Medical School), une sieste d'une dizaine de minutes suffit. Se laisser aller à des rêveries éveillées mais au calme également. On pourrait rajouter le fait de se promener seul, de marcher sans réelle destinatio­n ou objectif.

Plus globalemen­t ces temps doivent être les vôtres, ils deviennent l'occasion d'avoir le temps de VOTRE temps, de VOUS retrouver et de VOUS écouter. Peut-être découvrire­z-vous ce petit magasin de meubles devant lequel vous passez tous les jours sans le voir ? Peutêtre lirez-vous enfin quelques pages de ce livre que vous n'avez jamais ouvert ? Peut-être écouterez-vous vraiment votre enfant vous parler de sa passion pour les nuages ? Peut-être savourerez-vous ces deux heures où vous préparerez en famille ce plat inconnu ? Peut-être irezvous pêcher vous qui n'en avez jamais eu l'idée ni l'envie ? Ce dernier exemple n'est pas innocent, j'ai eu le grand plaisir de faire la rencontre et d'accompagne­r un décideur majeur tunisien qui de son propre aveu n'a qu'un seul impératif absolu dans son agenda profession­nel. C'est que quels que soient les circonstan­ces, le contexte, les enjeux, toutes les semaines à la même date il va pêcher pendant deux heures. Ce qu'il ramène n'a aucune importance m'a–t-il dit, ce qui en a c'est ce moment avec lui-même, ces instants qui le régénèrent et lui permettent par la suite de prendre les meilleures décisions, celles avec lesquelles il est le plus en phase.

Vos congés doivent être dans ce sens, vous les avez mérités après tout.

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