VOLÉE DE BOIS VERT
Les derniers jours du mois de novembre ont connu des journées particulièrement chaudes, au propre comme au figuré. Au propre avec des températures de saison anormalement élevées qui confirment la tendance au réchauffement climatique de la planète à laquelle nous appartenons et, au figuré, avec à la fois, des discussions budgétaires particulièrement animées et, bien entendu, la grève au sein de la fonction publique consécutive au non-aboutissement des revendications salariales de la Centrale syndicale. Ce dernier évènement a été l'occasion de critiques violentes à l'endroit du Fonds monétaire international et d'une volée de bois vert en direction de son premier responsable, désigné régulièrement par ses nom et prénom, Christine Lagarde, tant par les médias, que par les représentants syndicaux et des parlementaires.. Elle serait donc, elle, personnellement, puisque nommément désignée, à l'origine de tous les maux du pays? Face à un tel dérapage linguistique, l'on reconnait, encore une fois une caractéristique des plus tunisiennes avec la mise en avant de la théorie du complot. Mais, au final, ces institutions qui nous veulent tant de bien seraient-elles aussi innocentes que cela? Au détour de certaines lectures et e n poussant les recherches l'on tombe sur un mea culpa fait, voilà quelques temps, par John Perkins, qui des années durant a été un "assassin financier" comme décrit dans son livre intitulé "Confessions of an Economic Hit Man" (confessions d'un assassin financier). Il y révèle comment les organisations internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), arrivent à se présenter comme les s auveurs de pays dont les économies sont en souffrance. Selon lui, ils leurrent plutôt leurs gouvernements en les appâtant par l'assurance d'une croissance salvatrice, de superbes infrastructures et un avenir de prospérité économique si les pays se plaçaient sous leur parapluie avec, à la clé des crédits faramineux en appui. Loin d’atteindre une croissance économique et le succès auxquels ils aspiraient, ces pays, au contraire, s’effondrent sous le poids de dettes écrasantes et insoutenables. Mais comment opère donc un assassin financier ? Interrogé par un journaliste, John Perkins, précise que l'intervention d'un assassin financier consiste à arriver à convaincre des dirigeants de divers pays en sérieuse crise économique, à emprunter des sommes énormes au F.M.I. ou à la Banque Mondiale sous le prétexte d’aider ces pays à accéder à la prospérité. Le plan visé étant l’asservissement financier, lequel une fois atteint, leur permet de venir par la suite prescrire un ensemble de mesures drastiques comme augmenter les impôts, réduire les dépenses, vendre les services publics au secteur privé, tels que les compagnies d’électricité, les systèmes de distribution de l’eau, les transports aériens, ferroviaires et maritimes… A les privatiser en fait. Cette "technique" Perkins la désigne par un vocable qui lui est propre "la corporatocratie", le gouvernement par le corporatisme, une coalition de gouvernements, de banques et d’entreprises. Dans ce mea culpa, "l'assassin financier" apporte toutefois certaines préconisations afin de contrer cette démarche d'asservissement selon sa terminologie En premier, il recommande, de faire renaitre la croissance en remettant les gens au travail, ce que probablement nos syndicalistes ont du mal à appréhender, ensuite de démettre ou de juger ceux à l'origine des problèmes et difficultés. Une telle démarche a ainsi beaucoup amélioré la situation lors de la crise financière profonde traversée par l'islande. L’islande a lancé de rigoureux programmes avec comme leitmotiv «Non, nous n’irons pas dans l’austérité, nous ne rembourserons pas ces prêts ; nous mettrons de l’argent dans des mesures permettant aux gens de retourner travailler». En fin de compte, ce qui a stimulé l’économie c'est des gens qui travaillent. En continuant à subir un taux de chômage élevé, le pays stagne dans les difficultés. Faire baisser le chômage, en favorisant l'embauche p eut booster une économie en augmentant le taux d’emploi avec, en retour, un revenu disponible pour soutenir de nouveaux investissements dans les biens et services eux-mêmes générateurs d'emplois.. Par ailleurs, Perkins, comme il l'avait suggéré pour la Grèce, rejette le principe de supporter le poids de la dette contraignante, toujours en dollars, et de faire front aux mesures imposées en reconstruisant la classe moyenne disparue, qu'elle se remettre au travail a fin de dynamiser la création d'emplois. Et Perkins dans son approche d'avancer cette hypothèse: "Tant que le monde acceptera le dollar comme monnaie internationale, l’énorme dette publique des Etats-unis ne posera aucun problème sérieux à la corporatocratie. Toutefois si jamais une autre monnaie venait remplacer le dollar et que certains créanciers des Etats-unis (le Japon ou la Chine, par exemple) décidaient de réclamer leur dû, la situation changerait dramatiquement. Les Etats-unis se trouveraient alors dans une situation très précaire" C'est le serpent qui se mord la queue ! Réalité ou utopie, l'exposé fait par Perkins laisse le lecteur dubitatif, d'autant que très peu de réactions contradictoires e t encore moins de démentis n'ont été enregistrés sur des déclarations que leur auteur avance comme un vécu. Alors nos syndicalistes auraient-ils eu raison de s'insurger contre les pressions que le FMI impose au pays comme seules sorties de la crise économique? Celui-ci, dans son dernier rapport relatif à la quatrième revue menée dans le cadre de la facilité élargie fait état d'un léger mieux. Toutefois certaines hypothèses présentent toujours des fragilités difficiles à défendre socialement a vec une année 2019 électorale au cours de laquelle les joutes politiques, allant s'intensifiant, ne poussent pas à l'optimisme. Alors qui croire? Que faire? Quel avenir est-il réservé au pays dès lors qu'il y a une absence totale de volonté de rassemblement des efforts de chacun et d'oser sortir des sentiers battus de la pensée sans l’action pour nous mettre ensemble et trouver des alternatives au système actuel basé sur la critique non constructive.. Est-ce encore possible? A ce stade "faire aujourd'hui des prévisions est des plus difficile surtout quand il s'agit de l'avenir" avait dit, un jour, un célèbre humoriste. L'avenir nous le dira.