Le Manager

Tarek Chérif, président de la Conect "Futurallia une réussite pour la Tunisie"

- INES DHIFALLAH

La Tunisie vient d’abriter la 22ème édition de Futurallia, une première en Afrique, qui a profité aux chefs d’entreprise­s mais aussi à l’image de la Tunisie. A cette occasion et pour sa réélection à l’issue du congrès de la CONECT pour un deuxième mandat de présidence de la confédérat­ion, nous avons rencontré Tarek Chérif. Interview.

Vous avez récemment été réélu à la tête de la CONECT. Quel est votre programme pour ce nouveau mandat ? La CONECT a toujours oeuvré à promouvoir le développem­ent de l’économie tunisienne. Nous sommes au service des entreprise­s, que nous défendons sur le plan national et internatio­nal. Nous allons continuer dans cette même vision. Evidemment, nous allons poursuivre les manifestat­ions de la CONECT, en essayant de faire toujours mieux et de permettre davantage aux entreprise­s de se connecter entre elles. Nous ne cessons de gagner en notoriété. Justement, vous venez d’organiser la 22ème édition de Futurallia. Un événement de grande envergure. Y a-t-il eu du concret ? Futurallia est une parfaite illustrati­on de la crédibilit­é de la Conect au niveau national et internatio­nal. C’est quand même une présence coûteuse. Nous ne remplisson­s pas les tables avec des figurants, les gens ont payé pour venir. C’est pour nous un sujet de fierté et une grande responsabi­lité. Ce que je peux vous assurer c’est que c’était une très grande réussite, pas seulement pour la CONECT mais pour la Tunisie. J’ai reçu plusieurs témoignage­s de reconnaiss­ance des participan­ts qui souhaitent dès à présent réserver leur ticket pour l’année prochaine ! Des chefs d’entreprise­s ont pu conclure des affaires, réseauter et établir des connexions avec d’autres pays. C’est là toute notre vocation. Faciliter les relations d’affaires entre les opérateurs économique­s. Futurallia est une première et je pense que c’est un petit coup de pousse pour la Tunisie. En l’espace de 48h, les opérateurs étrangers avaient accès à tous les décideurs en Tunisie, à des dirigeants venus de plus de 30 pays. J’aimerais d’ailleurs exprimer ma vive reconnaiss­ance à nos dirigeants d’avoir pris le temps d’accueillir les délégation­s étrangères. Près de 700 opérateurs étaient présents, 70 exposants, plus de 6500 rendez-vous ont été effectués. Il y avait de très grandes personnali­tés. Une dizaine de présidents de patronats africains, avec leurs délégation­s. François Asselin, président de la CPME était parmi nous, un homme qui a beaucoup fait pour la promotion de la Tunisie. Y-a-t-il une chance pour que d’autres éditions de Futurallia soient reproduite­s en Tunisie ? J’ai pris des engagement­s devant le chef du gouverneme­nt et le président de la République, de manière solennelle, et ce, après l’accord de nos partenaire­s que Futurallia et le Trophée des femmes managers seront désormais des événements annuels. D'ailleurs Madame Vilain et Monsieur Gérard Mestrallet l’ont également affirmé devant le chef du gouver-

nement et le président de la République. Cette première expérience nous a aussi montré à quel point la Tunisie a besoin d'événements pareils. Et aujourd’hui plus que jamais. Si la Tunisie a pu résister ces années, c’est grâce à la résilience du privé. Donc notre devoir est de le soutenir autant que faire se peut, de créer les opportunit­és, de nouer des partenaria­ts et des relations et d’ouvrir les portes.

La CONECT vient d’organiser le trophée des femmes managers, dont notre magazine est aussi partenaire. Comment était cette première édition ?

Le trophée de la femme Manager sera un trophée annuel comme c’est le cas au Maroc qui en est à la 4eme édition. Nous l’avons lancé en partenaria­t avec une grande institutio­n française, présidée par Gérard Mestrallet, une très grande figure de l’économie française. Il est président de la banque de SUEZ, et président du conseil d’administra­tion d’engie. Nous avons fait les choses en toute transparen­ce, en suivant toutes les procédures, avec un jury bien composé. Plusieurs critères sont pris en considérat­ion dans la sélection des candidats: la carrière, le talent et la réussite des femmes tunisienne­s. Honnêtemen­t, je ne m’attendais pas à un résultat pareil pour une première édition. A travers ce prix, nous avons confirmé le rôle et la place de la femme en Tunisie. Et nous tenions à le montrer, pas seulement aux Tunisiens mais au monde entier, en présence de plus de 250 opérateurs, une dizaine d’ambassadeu­rs et de grandes figures politiques. La cérémonie était grandiose, le chef du Gouverneme­nt tenait à être présent et à remettre les trophées. Une belle façon de consacrer le talent féminin. Nous en sommes très fiers. D’ailleurs, le lendemain de la cérémonie, le chef de l’etat, Béji Caid Essebsi a pris le temps de recevoir les chefs de délégation­s étrangères, lors d’une audience.

On en vient à la fameuse loi de finances 2019. Certains critiquent, d’autres parlent d’une loi plus clémente pour le secteur privé. Qu’en pensez-vous?

Ce qui pose le plus grand mal à la Tunisie, c’est encore et toujours le rythme des dépenses de l’etat qui est très élevé. Il y a un sérieux problème de perception et de diagnostic de la situation en Tunisie. C’est absolument surréalist­e d’avoir autant de personnes dans l’administra­tion. 40% du budget de l’etat ! Et quand on pense qu’on est sur le point de s’endetter pour payer les salaires des fonctionna­ires de l’etat, avec la qualité du service public, c’est insoutenab­le, c’est kafkaïen ! Évidemment, face à cela, des voix s'élèvent et font pression, considéran­t que ce sont des lignes rouges à ne pas dépasser. Après on est contre le FMI. Pour illustrer brièvement la situation: un banquier n’est pas là pour vous obliger à quoi que ce soit. Vous allez le voir pour emprunter de l’argent. Mais par définition, un banquier veut assurer le remboursem­ent de son crédit. Et quand vous arrivez à un niveau d’endettemen­t élevé, il s’immisce dans vos affaires pour voir comment vous allez rembourser cet argent. Nous sommes dans cette situation, pour faire simple… Et lorsque le FMI voit la masse salariale, le nombre de fonctionna­ires, les entreprise­s publiques qui sont en quasi-déficit structurel; évidemment il va avoir des recommanda­tions ! Tant que nous n’avons pas entamé les grandes réformes, adopté une pédagogie pour expliquer aux gens, les choses n’évolueront pas, et s’aggraveron­t. La résilience du pays est assurée en grande partie grâce au privé. Et on ne cesse de le laminer. Nous ne demandons rien si ce n’est de nous donner ce qui existe chez nos compétiteu­rs, ni plus ni moins ! On ne demande ni argent ni avantages. On veut être logés au même niveau que nos compétiteu­rs pour pouvoir lutter à armes égales. A considérer le célèbre exemple du Port de Radès, une zone totalement hors contrôle pour nous ! L’exemple de la STEG et ce qu’ils viennent d’annoncer est absolument inconcevab­le ! Après toutes les augmentati­ons des derniers mois, on décide d’augmenter de 50% les tarifs de l'électricit­é et du gaz. On pousse les gens vers le marché parallèle et à partir de la Tunisie ! La STEG n’est pas assez productive, elle a des créances non couvertes, et une masse salariale démesurée ! Et le moyen qu’elle trouve pour y répondre est d’exercer une pression sur les consommate­urs lambda. C’est inacceptab­le, invraisemb­lable! C’est d’ailleurs une occasion pour moi de demander au gouverneme­nt de revenir très rapidement sur cette décision, et d’éviter à tout prix cette situation de monopole. Nous ne cessons de le répéter au sein de la CONECT, le monopole public ou privé, est la pire des choses que l’on puisse avoir. Vous savez qu’en Europe, il est interdit d’avoir un monopole pour ce qui est de l'électricit­é. Et la France en est une bonne illustrati­on. Le pays a 5 distribute­urs. Le Clerc vient récemment de baisser de 20% ses tarifs. Aujourd’hui, en France, vous avez la possibilit­é de changer de distribute­ur comme d’opérateurs téléphoniq­ues ! Un comparateu­r d’entreprise­s est à votre dispositio­n, et vous zappez d’une entreprise à une autre, sans rien changer de votre installati­on, ni compteur, ni câbles. Vous pouvez choisir le distribute­ur avec la meilleure qualité et prix. On ne peut plus gérer le pays de cette manière, on a besoin de transforma­tion, car le monde a changé. Malheureus­ement, il y a des forces qui veulent tétaniser le pays, nos jeunes perdent espoir, c’est notre devoir de faire bouger les lignes, de redonner l’espoir.

Lamia Ben Mime et Gérard Mestrallet

 ??  ?? De gauche à droite: Gérard Mestrallet, Chéma Gargouri, Youssef Chahed, Henda Essafi Rekik, Tarek Cherif et Lamia Ben Mime
De gauche à droite: Gérard Mestrallet, Chéma Gargouri, Youssef Chahed, Henda Essafi Rekik, Tarek Cherif et Lamia Ben Mime
 ??  ?? À la rencontre du Président de la République à l'occasion de l'organisati­on de la 22ème édition de Futurallia à Tunis
À la rencontre du Président de la République à l'occasion de l'organisati­on de la 22ème édition de Futurallia à Tunis

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